Pour la seconde fois, les « sages » se sont retrouvés jeudi 5 avril en préfecture à Besançon. Autour d’une même table, les uns et les autres n’ont pas les mêmes priorités mais, maintenant, ils discutent ensemble. C’est un premier pas. Tout l’enjeu de ce comité des sages est d’arriver à faire travailler ensemble des mondes qui s’ignorent ou s’invectivent. Le président du comité des sages, Jean-François Robert regrette l’absence de réflexion globale, chacun travaillant encore dans son coin. Les experts ont remis leur rapport, une synthèse des données existantes mais il faudra aller plus loin pour comprendre exactement ce qui se passe dans la rivière.
La composition du comité des Sages Loue et rivières comtoises, source : préfecture de région Franche-Comté
La Loue va mal depuis une trentaine d’années et il aura fallu la forte mortalité de 2010 pour que tous les acteurs du bassin versant se retrouvent ensemble. Les 17 membres du comité sont des représentants des services spécialisés de l’Etat, des industriels, des élus, des scientifiques, des agriculteurs, des représentants des associations environnementales mais curieusement la fédération de pêche n’est pas représentée.
Michel Lassus, membre de la Commission de protection des eaux, « ne voit pas trop le bout du tunnel ». Il reconnaît que des efforts ont été faits mais beaucoup reste à faire. En particulier pour les stations d’épurations. En cas de crues, les eaux usées sont déversées sans être traitées. Finalement, c’est toujours le même sentiment qu’il y a beaucoup à faire et qu’il reste de nombreuses incertitudes. Par exemple, il est actuellement impossible de mesurer l’impact de l’activité des scieries du bassin versant sur la qualité de l’eau. Certaines grumes, explique François Lassus, sont traitées sur place en forêt…
Daniel Prieur, le président de la chambre d’agriculture, lui, est plus optimiste. En 2010, les agriculteurs ont mal vécu le fait d’être montrés du doigt lors de la mortalité des poissons sur la Loue. Des efforts ont été réalisés avec le soutien de l’agence de l’eau et du conseil général du Jura. Aujourd’hui, 65% des exploitations du bassin versant sont aux normes pour la gestion des effluents. Et pourtant, les épandages en période interdite existent toujours même si cela ne concerne que quelques exploitations. Dans les mois qui viennent, le développement de la filière porcine avec l’installation de nouvelles porcheries va forcément ouvrir le débat. Comment concilier le développement économique et la préservation de l’environnement. Les lieux d’implantation seront étudiés de très près et il faudra choisir des techniques d’élevage compatibles avec la qualité des sols et donc des rivières… Daniel Prieur rappelle qu’il y a 20 ans, il n’y avait aucune discussion possible entre agriculteurs et défenseurs de l’environnement. Aujourd’hui, ils discutent ensemble même si cela peut virer au dialogue de sourd.
Je réserve le mot de la fin à Jean-François Humbert. Ce Franc-comtois d’origine a présidé le groupe national d’experts qui s’est penché sur la Loue. C’est un spécialiste des cyanobactéries, son laboratoire est à l’Ecole Nationale Supérieure à Paris. Ce scientifique a travaillé sur le lac du Bourget, victime d’eutrophisation. Des mesures ont été prises pour diminuer le rejet de polluants dans le lac. Aujourd’hui le lac va mieux. Pour la Loue, le scientifique assure que la situation est également réversible. A condition de s’en donner l’énergie et les moyens.