02 Oct

Yang Pei-Ming rend hommage à Gustave Courbet avec « Un enterrement à Shanghai » exposé au musée d’Orsay

Détail de « L’Adieu – Un enterrement à Shanghaï » de Yan Pei-Ming© ADAGP

L’art contemporain s’expose à Orsay. Régulièrement le musée parisien dédié au XIXe siècle ouvre ses cimaises à des artistes d’aujourd’hui. Pour le bicentenaire de Gustave Courbet, le musée Orsay a donné carte blanche à Yan Pei-Ming, fervent admirateur du maitre d’Ornans. Voici les coulisses de l’installation de cette exposition qui aura lieu du 1 er octobre au 12 janvier.

C’est un lundi un peu particulier pour le musée d’Orsay. Même si le musée a l’habitude des projets ambitieux, ce jour-là, il y a comme une légère concentration dans l’air. Avant de partir en réunion, la présidente du musée, Laurence des Cars tient à venir observer la délicate manoeuvre. Cette fois-ci, la régie des oeuvres d’Orsay a fait appel aux hommes de la société LP Art, spécialisée dans le transport d’oeuvres d’art. Après deux jours passés dans l’atelier de Yan Pei-Ming à Dijon pour préparer et protéger les oeuvres du peintre, les voilà prêts à faire monter d’un étage un coffrage de 150 kilos aux dimensions impressionnantes.

Un enterrement à Shanghaï de Yan Pei Ming arrive au musée d’Orsay

Sous un voile plastique, protégée par un écrin de bois brut, j’aperçois quelques détails de ce tableau si important pour Yan Pei Ming. J’attendais ce moment depuis le printemps dernier. A ce moment-là à Dijon, Ming préparait l’exposition du musée d’Ornans et il avait déjà en tête l’hommage qu’il allait rendre à Courbet pour le projet d’Orsay.

Avec Odile Michel Chef du service de la régie des oeuvres Musée d’Orsay Donatien Grau Conseiller pour les programmes contemporains Musée d’Orsay reportage I.brunnarius, E.Debief, P.Mayayo et S.Chevallier.

Un double hommage. Le décès de sa mère en juillet 2018 bouleverse l’artiste. Et, comme Courbet à son époque, il va se saisir de ce drame intime pour concevoir le projet noué avec le musée d’Orsay dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Courbet.

Courbet a peint son histoire. Je lui rends hommage en peignant la mienne

La toile a exactement la même dimension qu’ Un enterrement à Ornans : 3 m15 de hauteur et 6m 68 en longueur. En 1850, Courbet avait fait scandale en représentant les habitants d’Ornans lors d’un banal enterrement. Une toile immense pour représenter un scène de la vie provinciale, c’était impensable à l’époque. Le Réalisme se fait une place dans l’histoire de l’art.

Un enterrement à Ornans est l’une des oeuvres que Ming viendra voir au Louvre dès qu’il arrive en France en 1980. Et l’un des voyages qu’il effectuera en premier sera à Ornans, la patrie de Courbet.

Quand je regarde Un enterrement à Ornans et la manière dont il a mis en scène tout son village, du boucher au curé, je vois que c’est un peintre qui, parce que son regard est différent, révolutionne la manière d’appréhender le sujet. J’ai toujours considéré que Courbet était un peintre pour les peintres. Grâce à lui, j’ai  redécouvert la peinture à travers tout ce qu’elle donnait à voir, le réalisme du traitement, le classicisme des compositions… tout en étant moderne ! Tout est présent dans sa peinture.

explique Yan Pei-Ming à son ami Henri Loyrette, conservateur et historien de l’art lors d’un entretien publié dans le catalogue de l’exposition Yan Pei-Ming face à Courbet du musée d’Ornans

Ecouter Ming évoquer Courbet, regarder ses immenses toiles en noir et blanc, m’aide à mieux saisir la complexité de l’oeuvre de Courbet. C’est l’un des premiers intérêts de l’exposition d’Orsay. Aller et venir entre le rez-de-chaussée et le premier étage du musée est un jeu à découvrir jusqu’au 12 janvier. Commencez par les Grands formats de Courbet et en particulier Un enterrement à Ornans. Plongez-vous dans cet histoire si locale et si universelle. Les visages, les falaises au loin, le chien et ce cercueil sur le côté … Deuxième étape : la salle du premier étage consacrée au travail de Ming.

 

Un enterrement à Shanghai est une installation en trois temps : le portrait de sa mère , L’Adieu et le triptyque Montagne céleste . Face à vous, une femme au regard inoubliable. Celui d’une mère à son fils. Mais le regarde-t-elle vraiment ? Un détail du tableau nous fait comprendre qu’elle est à l’hôpital. Cela pourrait être un des derniers moments qu’elle va partager avec son fils. C’est le moment de se plonger dans L’Adieu. La toile est belle et bien immense comme celle de Courbet. Prenez le temps de scruter les espaces juste évoqués et ceux très détaillés. Voici un film réalisé par le documentariste Michel Quinejure sur le travail de Ming. Un long format est en préparation mais rien qu’avec cet extrait, vous aurez des clés pour observer l’oeuvre de Ming.

Comme Courbet, Yan Pei-Ming a représenté sa famille, ses proches et au loin les tours de Shanghai. Le peintre s’est figuré au centre, juste au dessus de sa mère, devenue source de lumière.

Dernière étape, le triptyque Montagne céleste.. C’est la chine éternelle. Pour écrire le mot paysage, les Chinois associent le caractère montagne à celui de l’eau. Sommet abrupt, étroite vallée, poésie de la brume : le chemin des cieux est tracé.

Avant de partir, n’hésitez pas à retourner regarder Un enterrement à Ornans. Et là, l’oeuvre de Courbet vous parlera autrement. « Une lecture ravivée » pour reprendre l’expression de Laurence des Cars.

Un jeu de regard que vous pourrez prochainement poursuivre au Petit Palais. Le musée parisien va proposer du 12 octobre au au 19 janvier l’exposition Yan Pei-Ming / Courbet, Corps-à-corps. Une prolongation de l’exposition organisée cet été au musée Courbet à Ornans. « Une dizaine d’œuvres de Courbet, toutes issues des collections du Petit Palais, seront montrées en regard d’une quinzaine de toiles monumentales de Yan Pei-Ming réalisées pour certaines dans l’atelier de Courbet à Ornans. Elles seront présentées cette fois dans un accrochage volontairement inspiré des Salons du XIXe siècle, expérience inédite pour l’artiste » précise le musée.

Célébrer un bicentenaire, comme celui de la naissance de Gustave Courbet, n’a rien de nostalgique. Que cela soit à Ornans ou à Paris, Yan Pei-Ming nous le prouve. Entre les deux artistes, le dialogue n’a jamais été aussi vivant.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr