18 Sep

Le manoir de Mouthier : Gustave Courbet ou la puissance du noir en héritage

Thomas Fontaine revisite la chute de la colonne Vendôme.

Le pari de Philippe Perrin est tenu. Depuis mai 2017, des artistes viennent en résidence au manoir de Mouthier. Un lieu propice à la création avec, toujours en toile de fond, l’influence de Gustave Courbet.

Le noir, celui des origines et de l’infini. Celui qui donne leur profondeur aux grottes de Gustave Courbet.Ce noir là inspire Thierry Millotte, l’un des artistes exposés jusqu’au 29 septembre au Manoir de Mouthier Hautepierre dans la vallée de la Loue.

C’est une chance. Le jour où je suis allée visiter l’exposition estivale du Manoir, Thierry Millotte était dans les parages. Avec le maître des lieux, Philippe Perrin, j’ai pu saisir plus rapidement les clés de lecture de cette exposition d’artistes contemporains. Et Gustave Courbet n’est jamais loin, tout du moins son influence !

Une découverte progressive. Au rez-de-chaussée, une évidence surgit… Cette photo, je la connais. C’est un détail de celle prise lors du déboulonnage de la colonne Vendôme à Paris lors de la Commune en 1871. Un symbole du pouvoir napoléonien mis à terre. Gustave Courbet fut accusé, à tord, d’avoir provoqué cette destruction, il ira en prison puis s’exilera en Suisse pour fuir la colossale amende que l’Etat lui réclamait. Pour l’exposition du Manoir, Thomas Fontaine, artiste dijonnais, a choisi de la faire imprimer sur une tôle chiffonnée. A la fois douce et cabossée, cette surface donne de l’épaisseur à cet épisode douloureux dans la vie du maître d’Ornans.

Thomas Fontaine a imaginé plusieurs autres installations à partir de ses créations antérieures. Cet artiste est l’un des membres fondateurs des Ateliers Vortex à Dijon. Dispositifs helvétiques anti-chars, cénotaphes, plans de prisons, drapeaux… Tous ces éléments racontent une histoire. Celle d’un artiste qui a connu l’enfermement et l’exil.

 

Empruntons l’escalier du Manoir pour pousser la porte de l’éphémère atelier de Thierry Millotte. Là aussi, la cohérence de l’oeuvre donne toute sa force. Tout est parti de la fête des failles . Chaque année, au moment du solstice d’hiver, Mouthier Hautepierre célèbre « la victoire de la lumière sur les ténèbres ».  Une fois la nuit tombée, les habitants se retrouvent autour d’un immense feu. Durant plusieurs mois, Thierry Millotte a séjourné régulièrement au Manoir pour réaliser une série de dessins et de photographies. Le noir pourrait en être le fil conducteur.

 

Noir du charbon de bois, récupéré le lendemain de la fête, devenu matière initiale et dynamique d’une dizaine de dessins. Noir photographique, particulièrement réussi grâce aux tirages de Sunghee Lee. A tel point que le relief minéral des grottes est éminemment présent.

Et c’est encore le noir qui guide mes derniers pas au Manoir. Philippe Perrin et les membres de l’association ont conçu une « Black box ». Les murs des anciennes cuisines sont devenus des cimaises ébènes. Histoire de mieux voir. Ce sont les peintures de Mireille Blanc qui inaugurent ce dispositif.

 

On dit du noir qu’il n’est pas une couleur. Sans longueur d’onde attitrée, il n’émet pas de lumière. Les artistes en ont fait une couleur, celle de l’intensité. Une tension propre à l’univers de Gustave Courbet. Universelle et intemporelle.

Isabelle Brunnarius

isabelle.brunnarius(a)francetv.fr

L’exposition d’été du Manoir à Mouthier Hautepierre est ouverte tous les week-ends jusqu’au 29 septembre et en semaine sur rendez-vous.