04 Jan

Les épandages de Charmauvillers et l’image de marque des agriculteurs

Photo par AAPPMA Franco-Suisse et gorges du Doubs prise à Charmauvillers mercredi 3 janvier 2018

Photo par AAPPMA Franco-Suisse et gorges du Doubs prise à Charmauvillers mercredi 3 janvier 2018

La neige a fondu mais l’image est toujours dévastatrice…Les pêcheurs du Doubs franco-suisse dénoncent de nouveau un épandage sur des terres de Charmauvillers. Il s’agit de la même exploitation que celle incriminée en décembre dernier. Cette fois-ci, l’acte ne semble pas condamnable selon la réglementation en vigueur mais cette forme de récidive laisse pantois. Ces pratiques minoritaires nuisent à l’image des 2500 exploitations agricoles du Doubs

Entre Noël et Nouvel An, les agents de l‘Agence Française pour la Biodiversité (ex ONEMA, ex Police de l’eau) ont verbalisé les responsables de l’épandage sur neige de décembre dernier. Ils doivent régler une contravention pour avoir épandu sur neige. Une pratique condamnée par la présidente du conseil départemental du Doubs. Aujourd’hui, le président de l’AAPPMA la Franco-Suisse et gorges du Doubs, Christian Triboulet diffuse une video et une photo prise hier, 3 janvier 2018, sur la même exploitation.

Le sol n’étant plus « abondamment enneigé », il ne devrait pas avoir de nouvelle contravention. Mais, le ras-le-bol des défenseurs des rivières montent d’un cran. Dans un mail adressé aux élus, aux responsables agricoles, aux services de l’Etat et du département, Christian Triboulet l’exprime ainsi :

Vos discours respectifs font état de marginalisation de ces actes mais nous pensons clairement que les auteurs de ces dérives le font volontairement ce qui ne va pas forcément améliorer l’image de l’agriculture face aux problèmes de la qualité de l’eau, des rivières et des risques sanitaires liés à la consommation d’eau potable.

Il s’agit bien d’une question d’image de marque, celle de la filière comté. Daniel Prieur, le président de la Chambre d’agriculture du Doubs et du Territoire-de-Belfort, mesure tout l’enjeu de cette problématique :

Je comprends l’amertume des sociétés de pêche mais ne donnons pas le bâton pour se faire battre. On ne reste pas les bras croisés. Nous allons rappeler fermement la réglementation à tous les agriculteurs.

Le téléphone a dû sonner plus d’une fois au GAEC responsable de ces deux épandages. Les visites aussi. Aujourd’hui , le maire de Charmauvillers, Olivier Clémence, réagit lui aussi à ces épandages :

En tant que maire de la commune, je regrette fermement la pratique d’épandage de purin dans la neige et sur des bois. Cette pratique est d’autant plus néfaste pour l’environnement mais reste néanmoins une mauvaise image de notre village. Quelle représentation négative de notre haut-Doubs  ?

L’élu s’est rendu sur place. Il s’agit d’agriculteurs ayant largement atteint largement dépasser l’âge de la retraite. La dernière mise aux normes de leur exploitation remonte à la fin des années 90. Cette ferme fait partie de celles qui devraient s’arrêter dans les années à venir. La salle de traite, la fosse, la fumière sont en plein coeur du village. Sur les 2500 exploitations du Doubs, environ 400 ont ce profil. Mettre aux normes cette exploitation dont les bâtiments sont obsolètes ne semble effectivement ne pas avoir de sens. En décembre, lors de la réunion du groupe « agriculture » issue de la Conférence Loue et rivières comtoises, il a été décidé de lancer une vaste campagne de communication auprès des 800 exploitations qui ne sont pas encore aux normes.La moitié d’entre elles sont prioritaires car leur activité devrait se poursuivre dans les années à venir.

Comme je l’écrivais l’an dernier à la même époque, Il faut rappeler que depuis 2014 la réglementation sanitaire est plus contraignante dans le Doubs que dans d’autres départements. L’un des effets des différentes Conférences Loue et rivières comtoises a été de renforcer le RSD, le Règlement Sanitaire Départemental : le stockage est de 4, 5 ou 6 mois en fonction de l’altitude de l’exploitation. Toutes les exploitations doivent être aux normes d’ici 2020 et 2019 pour celles basées dans le territoire du SAGE Haut-Doubs Haute-Loue. En 2015, le pourcentage d’animaux dans des bâtiments aux normes 4, 5 ou 6 mois est de 70 % pour le territoire du SAGE Haut-Doubs Haute-Loue et dans le reste du département, cette proportion est de 65 %.

La mise aux normes des exploitations est une des solutions pour arrêter ces épandages hivernaux qui n’ont aucun intérêt agronomique. Pour bénéficier d’aides aux mises aux normes des capacités de stockage, les financeurs (département, Europe, Etat) conditionnent leurs aides à la couverture des cuves de stockage. Empêcher les eaux de pluie de gonfler les stocks est important. Particulièrement cet hiver. D’après les calculs de la chambre d’agriculture du Doubs, fin 2017, il a plu en deux mois l’équivalent de trois à quatre mois de précipitations habituelles pour cette époque.

Les exploitants de Charmauvillers n’ont pas fait couvrir leurs cuves de stockage d’effluents d’où les risques de débordement des cuves situées en plein coeur du village et la décision de faire épandre le lisier en plein hiver. D’autres photos prises ailleurs fin décembre ont été transmises aux pêcheurs. Voici le commentaire de Gérard Mougin, président de la fédération de pêche du Doubs :

Mais ailleurs aussi le RSD est allègrement bafoué ! Ainsi ces photos que l’on me communique prises dimanche 31 décembre entre Dommartin et Vuillecin au bord du Drugeon sur des sols inondés et gorgés d’eau.

sols inondés et épandages ne font pas bon ménage. décembre 2017

sols inondés et épandages ne font pas bon ménage. décembre 2017

Avec les fortes pluies actuelles, d’autres agriculteurs vont se retrouver avec des cuves prêtes à déborder. La chambre d’agriculture du Doubs doit faire publier dans la Terre de chez nous, un article rappelant la règlementation et les solutions pour éviter d’épandre en hiver. Un geste qui n’a aucun sens agronomique et qui pollue autant l’image des agriculteurs que les sols karstiques du massif jurassien.

isabelle brunnarius
Isabelle.brunnarius(a)francetv.fr