12 Sep

Sivens: « On croit marcher sur des cadavres d’arbres »

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LE BRUIT PERMANENT – Depuis plusieurs semaines le domaine du Testet, qui se trouve à une trentaine de kilomètres d’Albi (Tarn), est transformé en une ZAD (Zone à défendre) par au moins une centaine de militants opposés au projet du barrage de Sivens. A l’initiative du Conseil général et de la préfecture du Tarn, les récentes actions de déboisement de la zone humide ont suscité un nouveau coup de projecteur de la part des journaux.

 

La couverture médiatique du futur barrage du Sivens est sans doute en passe de prendre une dimension supérieure. L’AFP a tweeté cette semaine une photo, de Rémy Gabalda, sur ce climat tendu.

Climat également tendu pour les journalistes, comme relève nos confrères de France 3 Tarn.

 

Il est pratiquement 8 heures du matin. En ce vendredi de la mi-septembre, la fraicheur matinale de cette « zone humide » du domaine du Testet glace un peu les doigts. Pour accéder à la zone de chantier pour le futur barrage du Sivens, il faut franchir un premier cordon de gendarmes mobiles. Après avoir décliné nos identités ainsi qu’une « vérification avec les autorités », nous pouvons commencer à déclencher. Là, la présence de camions militaires procure une impression inhabituelle. Les différentes machines pour les bucherons et ouvriers sont sur les starting-block.

 

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Un homme se définissant comme « le chef de chantier » interpelle un officier de la gendarmerie mobile pour lui signifier que « les journalistes ne pourront entrer que s’ils ont des chaussures de sécurité, un gilet et un casque ». Les hommes en fluo démarrent leur marche, le bruit des machines rompt le silence matinal. Un adjudant consulte ses supérieurs au talkie-walkie pour régler la situation avec les journalistes. Nous sommes pour le moment 3 photojournalistes, l’un pour ObjectifNews, l’autre pour l’agence Sipa et moi-même. Après plusieurs minutes d’attentes et de discussions, nous resterons à proximité du chantier, sur le macadam.

 

Ordre, contre-ordre

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Les travaux de déboisements ne tardent pas et c’est un bruit continu de camions en déplacement qui résonnent dans cette cuvette. La puissance des machines qui déracinent les arbres, comme on casse un cure-dent en deux, démontrent leur efficacité. Un des confrères fait remarquer sèchement: « 100 ans tués en quelques secondes ». La terre est encore humide, la rosée du matin n’arrive pas encore à s’évaporer. Partout, des branches plus ou moins grandes. À de nombreux endroits sur les hauteurs, on ne voit plus la terre. « On croit marcher sur des cadavres d’arbres », fait entendre une voix.

 

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On remarque une tente et des cabanes sur les hauteurs des derniers arbres debouts sur le terrain plat central. Des militants sont présents. C’est une image à réaliser, celle qui marquera les esprits. Complétement par hasard, nous découvrons un livre posé sur un tronc coupé à un mètre environ. Le titre est sans équivoque: Les Derniers jours des dictateurs.

 

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De manière constante, un ou plusieurs gendarmes garderont un œil sur nous à distance raisonnable. Pratiquement deux heures après être arrivé, la chaleur se fait ressentir. Dans l’air, on sent la sève des différents arbres abattus. Nous souhaitons rejoindre un attroupement de militants à l’extrémité de la zone de chantier. Un officier supérieur nous barre la route en précisant qu’il nous faut revêtir la tenue obligatoire en arguant que si l’inspection du travail « constate » ce manquement, les travaux devront être arrêtés immédiatement. Quid des militants perchés aux arbres, ne serait-ce pas là un constat suffisant pour stopper les opérations de déboisement? Profitant d’un moment de confusion et de règle claire, nous sommes poliment invités à quitter la zone de chantier.

Un autre officier supérieur vient vers nous et nous autorise finalement à emprunter le macadam qui longe la zone de chantier pour réaliser les images des militants que nous recherchions. Une mine déconfite sur certains militaires apparait.

 

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Après cinq bonnes minutes, nous sommes à nouveau invité à quitter la zone de chantier. Nous constatons à un arbre qu’un jeune homme s’y est réfugié. Un bucheron coupe les branches à proximité du militant pour laisser de l’espace aux gendarmes du PSIG afin de l’interpeller. Une fois de plus, deux officiers supérieurs nous éloigne encore un peu plus de la scène des opérations. Rien n’est laissé au hasard.

Sur le chemin, une machine pour déraciner s’arrête et son conducteur nous interpelle. Dans le brouhaha permanent, l’ouvrier nous menace verbalement car il ne souhaite pas faire la Une des journaux. Nous constatons que les arbres abattus sont broyés en copeaux sur place. Nous réalisons les ultimes images sur le site. A notre retour sur le parking improvisé, une Clio de la gendarmerie nous dépasse. Dans le véhicule, le jeune homme qui était sur l’arbre.

 

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A Albi, devant le conseil général du Tarn. Les militants ont investis le parvis central de l’hôtel du département. Les grévistes de la faim qui sont à leur 12e jour semblent épuisés, leurs propos sont parfois confus. On leur tient le bras pour les garder stable. Là, un militant nous montre une munition de flash-ball.

Tous attendent que le président Carcenac vienne apporter « du dialogue ».

 

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