24 Jan

« On peut voir votre carte de presse? »

La semaine dernière, l’Institut Civitas était à Toulouse dans le cadre d’une rencontre avec ses sympathisants. En réponse, plusieurs centaines de personnes ont organisé une contre-manifestation à forte valeur visuelle.

Vendredi 17 janvier 2014. Dans le quartier de Compans-Caffarelli, le flot permanent d’usagers du métro qui entre et sort de la station de métro est examiné par plusieurs policiers en civil.

18 heures passées, une meute d’individu venue des rues adjacente converge près de la sortie du métro, côté cité administrative. Drapeaux, pancartes en cartons, banderoles sombres. Le kit du parfait manifestant. On y retrouve des visages déjà connus pour des luttes en faveur des droits des personnes LGBT, Act-Up en tête.

L’Institut Civitas organise une réunion à plusieurs centaines de mètres du lieu de rassemblement. Ce mouvement est engagé «dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général», fait savoir le site Internet dudit mouvement.

Foutue carte de presse

La presse est là. Michel, photojournaliste dans un canard de la PQR bien connu, Alain lui aussi photojournaliste pour une agence de presse et Téo, journaliste-stagiaire pour un pure-player toulousain.

Plusieurs personnes s’approchent de nous. Le visage pour certain presque caché. «On peut voir votre carte de presse?», Michel sort sa carte. Pour ma part, je ne la possède pas encore. Je montre ma carte d’identité en déclinant mon patronyme : «KEVIN FIGUIER». On leur demande en retour pourquoi ils veulent voir la carte de presse. «C’est un ordre du S.O. », selon leurs dires, des militants d’extrême-droite photographieraient les militants antifascistes et ces derniers souhaitent être précautionneux. J’entends au loin plusieurs voix qui disent me reconnaître, «Oui, il travaille pour Carré d’Info, c’est OK!».

Vous faîtes votre boulot, laissez-nous faire le nôtre

Pour Alain et Téo, les choses semblent prendre une tournure qui va à leur désavantage. Ils ne possèdent pas de carte de presse. Pas de carte de presse, pas le droit de prendre des photos. Mes confrères parlementent, le ton monte gentiment et Alain est exaspéré. Il prend quelques photos mais aussitôt, deux jeunes hommes se placent devant lui pour l’empêcher de travailler. Le sort sera identique pour Téo dont je viens de faire sa connaissance.

«Nous sommes dans un lieu public, sur une manifestation publique. Vous faîtes votre boulot, laissez-nous faire le nôtre», déclare l’un d’entre-nous. A distance raisonnable, un fonctionnaire de police en civil entend notre échange. Je prends la parole et interroge les jeunes qui pourraient avoir mon âge : «La prochaine fois, ce n’est pas la peine que nous journalistes nous nous déplacions. Vous ferez les photos, vous nous les envoyez par mail et ce n’est pas la peine qu’on travaille, non?».

Finalement après plusieurs minutes, Alain et Téo peuvent prendre des clichés. Au cours du rassemblement qui s’est transformé en une marche, des membres du S.O. veilleront aux images réalisées par Téo, l’un d’entre-eux se placera derrière le jeune journaliste pour vérifier l’image capturée. Il ne manquerait plus qu’ils réalisent ensemble l’editing [étape de sélection devant l’ordinateur des images pour l’article de presse, NDLR].

Sur la forme, cette manifestation est très visuelle. C’est sans doute la marque de fabrique et leur point fort d’Act-Up ou de tous ces militants antifascistes. On sent les années d’expériences. L’utilisation de pancartes, de fumigènes et sifflets confère une ambiance atypique. Tout y est pour attirer l’attention. L’attention justement, elle se trouve être troublée par un chant en fond sonore. Les manifestants entendent derrière eux un chant que certains pourraient considérer à la première écoute comme un chant religieux ou de scout. Le doute plane. En fait non, il s’agit d’espagnols venus se greffer aux causes de l’ensemble des participants.

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A plusieurs mètres du lieu de la réunion, une demi-compagnie de policiers d’une CRS est prête. Il n’y aura aucun contact, 5 mètres de vide les séparent. 21h, le cortège d’environ deux cents personnes regagne son point de départ. En fin de soirée, un utilisateur du réseau Twitter publiera une photo de lui dans laquelle il aurait été agressé par d’autres militants d’extrême-droite à la fin de la manifestation.