En réalité, la prise de position est assez simple. La vaccination a sauvé des millions de vies, et en France certaines maladies ont disparu. Le risque est peut-être moins visible depuis qu’on ne croise plus d’enfants atteints de polio dans les écoles, mais justement, c’est grâce aux vaccins. Si on a encore un peu peur, il faut se rappeler que la vaccination n’est pas seulement un choix personnel : elle bénéficie à toute la collectivité.
Un grand débat
Il est toujours légitime de se poser des questions, de débattre. Mais lorsqu’on entend s’exprimer dans un reportage tour à tour un défenseur des vaccins puis un opposant, il ne faut pas croire que la discussion se joue à 50-50. La grande majorité des scientifiques défend la vaccination, le fameux rapport bénéfice-risque penche clairement de ce côté. L’aluminium comme adjuvant dans les vaccins est-il dangereux ? Là encore il y a débat. Mais l’aluminium que l’on ingère par exemple en buvant le café préféré de Georges Clooney suscite bizarrement beaucoup moins de polémique. Il faut enfin se méfier des nombreuses fausses informations qui circulent notamment sur les réseaux sociaux, et qui minent cet enjeu de société.
Et les soignants ?
Revenons à la nouvelle campagne de vaccination contre la grippe.
Alors que l’on demande aux patients de se positionner, les soignants ne sont pas les meilleurs vecteurs de confiance : ils sont tout aussi concernés par ce qu’on appelle l’ « hésitation vaccinale ». Le gouvernement lui-même estime que 25% des médecins seulement se vaccinent contre la grippe. Ce chiffre est basé sur des données déclaratives, et la question n’est même pas réellement étudiée. Pour expliquer leur choix, certains mettent en avant la liberté individuelle, ou la possibilité de subir un risque pour leur propre santé face à une vaccination annuelle dont on ne connaît pas les effets sur le long terme.
Jusqu’ici, aucun plan spécifique n’a été mis en place à l’échelle nationale. Le conseil national de l’ordre des médecins se dit pourtant favorable à une obligation vaccinale contre la grippe pour les médecins. En lançant sa campagne de vaccination contre la grippe 2017-2018, la nouvelle ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est aussi exprimée dans ce sens : « J’enjoins aux professionnels d’adopter une conduite exemplaire en veillant à ne pas propager involontairement l’infection ». Elle envisagerait même des mesures plus incitatives, voire coercitives. Mais en vrai, on n’en est pas là : si 11 vaccins sont rendus obligatoires pour les enfants, les soignants restent libres face à la grippe.
D’abord, ne pas nuire
Dans une tribune publiée dans le journal le Monde en juillet 2017, Cyril Goulenok, médecin réanimateur, expliquait : « Il est intéressant de revenir à la source d’un des fondements du soin : primum non nocere. En étant non-vacciné, le risque de nuire est loin d’être négligeable. À l’heure où chacun est en droit d’exiger une médecine de qualité sur l’ensemble du territoire, où l’on lutte contre les inégalités d’accès aux soins, où l’on se bat contre la pollution environnementale, peut-on accepter d’être exposé à un risque infectieux potentiellement grave, par des professionnels censés nous protéger et nous soigner ? »
Certes, aucune étude ne démontre qu’une vaccination systématique des soignants ferait baisser le nombre de décès liés à la grippe saisonnière (14 000 l’hiver dernier en France selon Santé Publique France). Mais attendre une telle preuve, c’est aussi perdre du temps. Des vies sont en jeu, dès ces prochaines semaines.