22 Août

« C’est l’anniversaire de l’engagement du 46è avec les Boches » Léon Mortreux

Déjà un an ! Cela fait un an que le 46è Régiment d’Infanterie est engagé dans la guerre contre les allemands.

Le sergent Léon Mortreux … du 46è R.I. le rappelle dans sa lettre datée du 22 août 1915.

C’est aujourd’hui l’anniversaire de l’engagement du 46è avec les Boches, pour le 246, ce fut le 4 août, dates mémorables.

Ce que Léon ne rappelle pas. Depuis un an la guerre a laissé de profondes cicatrices.

Il y a un an, en août 1914 Léon affrontait la bataille pour la 1ère fois, sur le front de la Meuse avant d’être sérieusement blessé par un sharpnel dans la Marne. En un an, Léon a perdu ses deux frères à la guerre. Pierre, son cadet a été tué en janvier 1915 à la bataille de Steinbach. Jules l’aîné des frères Mortreux est mort en mars 1915 à la bataille de Vauquois.

Ce dimanche 22 août 1915, Léon en cantonnement à Fontvannes écrit à la fin de sa lettre  :

Toujours aucune nouvelle pour un éventuel départ. Beau temps

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 22 août 1915

Dans sa lettre, Léon rassure sa famille sur sa santé, L’entorse au pied, au regard de l’année écoulée apparaît presque dérisoire. Plus important pour Léon, il annonce à son oncle Fernand Bar avoir repris son service et fait fonction de sergent du jour.


Correspondance de guerre il y a cent ans …

Fontvannes

22 août 1915
26è Compagnie 46è Régiment Infanterie

Cher Oncle,

Je souhaite que la présente te trouveras bien portant, ainsi que nos parents Béthunois.

Merci pour les « télégrammes » et les « Petit Béthunois », mais je ne sais pas pourquoi la Poste les taxe. Ils doivent – parait-il – être affranchis à raison de 0,02 fcs par journal.

Je vais mieux de mon entorse et fais fonction de sergent de jour. Cette semaine je remplace l’adjudant absent. Il va sans dire que je ne vais pas aux exercices de par l’obligeance du Capitaine, car le médecin lui me ferait carrément marcher.

Berthe est allée à Chartres. Flore et la famille vont bien.

Vois-tu encore Martial, est-il bien portant ?

C’est aujourd’hui l’anniversaire de l’engagement du 46è avec les Boches, pour le 246, ce fut le 4 août, dates mémorables.

Tranquilise-moi sur le sort de Béthune et reçois mes plus affectueux baisers.

Ton neveu reconnaissant
Léon

Souvenirs à Marie
Toujours sans nouvelle au sujet d’un départ éventuel.
Beau temps, il fait très frais la nuit et le matin

29 Juil

« Le beffroi de Béthune doit hélas constituer une belle cible » Léon Mortreux

Changement de cantonnement pour le sergent Léon Mortreux. Après Neuville sur Vanne, sa compagnie est déplacée de quelques kilomètres pour s’installer à Fontvannes, toujours en Champagne

Dans sa lettre 29 juillet 1915, Léon Mortreux parle de son état de santé. Blessé au pied droit lors des exercices militaires, Léon se morfond à l’infirmerie. Impossible de poser le pied par terre !

Plus que de son entorse, Léon se plaint de son affectation et reproche à son père d’être intervenu pour le faire changer de Compagnie.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

 

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 29 juillet 1915

Dans sa lettre, Léon s’inquiète pour sa famille avec les obus de 77 tirés par l’armée allemande sur Béthune.

le beffroi doit hélas constituer une belle cible

Correspondance de guerre il y a cent ans … 

29 juillet 1915

Cher Oncle,

Voici ma nouvelle adresse. : Sergent Mortreux 26è Compagnie – 46è Régiment Infanterie à Fontvannes (Aube)

Nous venons en effet de laisser Neuville au 89 qui est plus nombreux que nous, c’est te dire que nous sommes plus à l’étroit à Fontvannes, donc moins bien qu’à notre ancien cantonnement.

Je loge à l’infirmerie et vais légèrement mieux. C’est bête et ennuyeux que ces entorses.

J’ai eu ta lettre du 22 juillet. Je lis avec peine que vous recevez de si gros obus que cela prouve que l’ennemi n’est pas bien loin puisqu’il se sert de 77 pour vous bombarder. Le beffroi doit hélas constituer une belle cible.

J’espère que nos efforts pourront détourner les Boches de leur quiétude à vous arroser de projectiles par des attaques répétées sur leurs positions. Ils auraient ainsi à utiliser leurs canons ailleurs.

Je ne t’ai jamais parlé de Victor Bréhon. Qu’est-il devenu ? J’espère que ta santé est bonne et te remercie pour les nouvelles que tu me donnes du pays et de la famille.

Je viens d’écrire à Gravelines à mon oncle Auguste. Oscar Bar vient de répondre à un mot que je lui avais adressé. Il dit que les obus commencent à inquiéter les Béthunois.

Flore m’a envoyé des nouvelles de Robert. Il est sauvé maintenant mais a beaucoup maigri.

Il est question que nous retournions à Fontainebleau au cours du mois prochain.

Le cadran bleu est le restaurant où tu as déjeuné ou dîné avec Papa et Berthe lors de ton voyage pour me voir à Fontainebleau.

Je me morfonds quand je pense que si Papa n’avait pas au Commandant du 46è, j’appartiendrais toujours à la 31ème Compagnie, une unité où nous étions très bien. Nous qui avons peut-être peu de temps à vivre, je serais resté à Fontainebleau et n’aurais pas eu cette entorse de laquelle je ne me remettrai jamais complètement.

D’après mon ??? à la 31è je ne serais pas encore parti sur le front, enfin … conclusion, il faut laisser faire la marche des choses et ne pas intervenir pour obtenir mieux. J’aurais mieux préféré casser ma pipe au milieu de mes vieux camarades qu’au milieu de ces jeunots de la Classe 16. C’est triste de voir périr des éphèbes de 19 ans et physiquement, ils souffriront tant avant la mort.

Que font les anglais là-bas ? Ne manquez-vous de rien à Béthune ? J’ai lu différents articles sur la question charbon.

Je t’embrasse affectueusement.

Ton neveu reconnaissant
Léon

Souvenir à Marie à Jeanne qu’elle doit être grande, gracile ou plantureuse maintenant

 

22 Juil

Léon Mortreux immobilisé à l’infirmerie … pour une entorse

Cela fait maintenant un mois que le sergent Léon Mortreux est affecté à l’instruction de la Classe 16, des jeunes appelés âgés de 18 ou 19 ans.

Fin juin, il a rejoint le cantonnement de Neuville-sur-Vanne près de Troyes en Champagne-Ardenne.

Mais depuis quelques jours, Léon Mortreux est pratiquement immobilisé à l’infirmerie à la suite d’une entorse lors d’un exercice militaire avec les appelés.

Loin de sa terre natale et de sa famille, Léon demande des nouvelles à son oncle. Il demande surtout si les anglais, dans le Nord Pas-de-Calais, tiennent un front seul ou avec des non-britanniques. Une question très intéressée. Anglophone, Léon souhaite vivement rejoindre les troupes britanniques comme interprète militaire. Il a sollicité sa hiérarchie à plusieurs reprises … en vain.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

 

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 22 juillet 1915

Dans sa lettre du 22 juillet, Léon Mortreux s’inquiète pour la famille, « je n’ai pas de nouvelles de Béthune,ne recevant plus le Petit Béthunois ».

En ce mois de juillet 1915, la ville est relativement épargnée par l’ennemi allemand plus mobilisé sur le secteur d’Arras. Béthune vit à l’heure anglaise. L’armée britannique a fait de Béthune un de ses quartiers généraux.

Correspondance de guerre il y a cent ans …

Neuville sur Vanne près d’Estissac ( Aube )

Cher Oncle

C’est un impotent qui t’écris. Je viens en effet d’attraper au cours d’un exercice une forte entorse du tarse au pied droit. Elle me met dans l’impossibilité de m’appuyer sur le membre malade.

J’espère quant à toi que ta santé reste excellente. Je n’ai pas de nouvelles de Béthune, ne recevant plus « le Petit Béthunois ». Que deviennent là-bas les parents de Bar, Cosse, Taquin, Leclerc, Duquesne, etc … et tes amis Campion ?

Dis-moi donc si vraiment les anglais tiennent un front à eux seuls ou si autant que tu le saches pourtant, ils sont mélangés avec des éléments non britanniques ? Si tu juges ma question indiscrète n’y réponds pas.

Berthe m’écrit que Robert souffre d’un commencement de rougeole. J’attends une lettre de Flore à ce sujet.

Au revoir cher Oncle, bonne santé et affectueux baisers pour toi et Martial qui j’espère est bien portant. Berthe m’a parlé récemment de Francis Bar.

Ton neveu affectueux
Léon
22.7.1915

Qui est Georges Albert dont tu m’as parlé dans ta dernière lettre ?

 

16 Juil

« Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois » Léon Mortreux

A Neuville-sur-Vanne en Champagne, le sergent Léon Mortreux attend son heure dans son nouveau cantonnement.

 J’attends qu’on m’appelle quand mon tour sera marqué à nouveau à l’horloge du front.

Dans sa lettre du 16 juillet 1915, Léon Mortreux décrit son quotidien rythmé par le bruit « du canon nuit et jour par temps calme. » 

Sergent Leon Mortreux affecté à l'instruction de la Classe 16 à Neuville-sur-Vanne en Champagne

Sergent Leon Mortreux affecté à l’instruction de la Classe 16 à Neuville-sur-Vanne en Champagne

A Neuville-sur-Vanne, Léon est affecté à l’instruction de la Classe 16, loin du front.

Dans cette lettre, Léon Mortreux fait part de son malaise à son oncle Fernand Bar. Léon forme les jeunes appelés de 18 et 19 ans de la Classe 16 pour les envoyer au front. Il culpabilise.

Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois.

Dans cette lettre, Léon laisse aussi paraître son amertume. Il rappelle qu’il est affecté à l’instruction des appelés alors qu’il voulait être détaché comme interprète.

Anglophone après avoir suivi des études en Grande-Bretagne avant guerre, Léon Mortreux espérait rejoindre sa région natale dans le nord de la France. Un espoir d’autant plus fort que Béthune est devenue « une ville anglaise ».

L’armée britannique a fait de Béthune sa ville de cantonnement pour ses régiments depuis le début de la guerre.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 16 juillet 1915

« Je ne sais rien pour le livret de Jules »
A la fin de sa lettre Léon s’interroge sur le livret de Jules tué en mars 1915 à la bataille Vauquois. 4 mois après le décès de son frère aîné, Léon ne sait pas ce qu’est devenu ce livret.

S’agit-il du livret militaire tenu par Jules comme tous les soldats ou du livret matricule ? Ce document était tenu par la compagnie et permettait d’avoir de nombreux détails sur le parcours des soldats.

Correspondance de guerre il y a cent ans …
 

Neuville sur Vanne près d’Estissac ( Aube )

Cher Oncle

Je n’ai qu’une encre incolore sous la main et préfère donc t’écrire au crayon. Rien de neuf pour moi ici. J’attends qu’on m’appelle quand mon tour sera marqué à nouveau à l’horloge du front.

Etant affecté à l’instruction de la classe 16, je ne puis en être détaché pour être interprète, du moins c’est la réponse qu’on m’objecterait justement. 

Bien qu’avec mes camarades, nous dépensons pas mal ici, je puis attendre encore avant de faire un nouvel appel à ta bourse généreuse et te remercie.

Je lis moins … c’est un tort. Les journaux qui d’ailleurs parviennent tard ici, on y parle pas de Béthune pour le moment. Est ce plus tranquille aujourd’hui ? 

D’ici on entend le canon nuit et jour par un temps calme. Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois.

Bonne santé et affectueux baisers.
Léon

Bonjour à Martial.
A Paris, Chartres, Gorges les Eaux, on va bien.
Je ne sais rien pour le livret de Jules.

 

06 Juil

Les lettres des poilus sont lues à Troyes par le contrôle militaire

Depuis deux semaines, le Sergent Léon Mortreux vit dans son nouveau cantonnement au centre d’instruction de Neuville-sur-Vanne, une petite commune de 400 habitants de Champagne-Ardenne, à plus de 100 kilomètres du Front … pour une petite vie apparemment tranquille.

Ce 6 juillet 1915, Léon est de garde. Il en profite pour écrire à sa famille.

Dans cette nouvelle correspondance de guerre, Léon ne donne pas d’informations sur ses opérations en cours. Il précise que le courrier arrive toujours plus tard à son destinataire … secret militaire ?

les lettres sont retenues à Troyes plusieurs jours.

En fait, les lettres sont lues à Troyes par « le contrôle postal » sur instruction du Général Joffre.

Par la note de 4 janvier 1915, le général Joffre demande « au contrôle postal » de vérifier les courriers. Les poilus sont obligés de remettre leurs lettres, ouvertes, non cachetées, aux vaguemestres. Ils ne doivent pas écrire dans leurs lettres, la localité où ils se trouvent.

A la lecture de la lettre de Léon, cette note ne semble pas concerner les poilus dans les zones à l’arrière du Front. La censure postale a laissé passer la lettre.

Dans sa correspondance de guerre du 6 juillet 1915, Léon parle de Neuville-sur-Vanne, la ville de cantonnement de la 26ème Compagnie … une petite commune qui séduit Léon encore loin de la zone de combat.

c’est une vie de cantonnement qui plait bien aux bleus de la classe 16, nous sommes bien logés.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 6 juillet 1915

Dans sa lettre, Léon espère que « les Boches ne pourront plus renouveler de démonstrations efficaces sur Béthune ». Tout le mois de juin, l’armée allemande a multiplié les bombardements sur la ville.


Correspondance de guerre, il y a cent ans …

Sergent Mortreux
26è Compagnie – 46è Régiment d’Infanterie

A Neuville sur Vanne par Estissac ( Aube )
6 juillet 1915

Cher Oncle

J’espère que tu auras reçu ma carte postale te donnant mon adresse ici. De notre centre d’instruction, la correspondance t’arrivera toujours tard car les lettres sont retenues à Troyes plusieurs jours.

Ceci est pour t’expliquer que le fait se produira chaque fois que je t’écrirai d’ici. Je t’envoie ces mots du poste de garde avec ce que j’ai pour rédiger … un crayon. 

Je reçois toujours les « Petits Béthunois », ils m’intéressent beaucoup, merci chaleureux pour leur envoi.

Ce que j’avais confidentiellement à te dire ne concerne nullement des questions morales : d’honneur, de probité touchant mes frères ou moi, il s’agit de simples remarques que je t’exposerai quand je te reverrai … elles n’ont pas autrement d’importance

J’espère que ta santé est bonne et que vous acquerriez la certitude que les Boches ne pourront plus renouveler de démonstrations efficaces sur Béthune.

Il te sera moins aisé de venir à Neuville qu’à Fontainebleau, aussi je n’ose te demander ta visite. Peut-être, espérons-le, en rentrant à Fontainebleau. Quand ?

Y resterons-nous quelque temps. Je t’écrirai alors soit pour un rendez-vous au Cadran Bleu par exemple ou à Paris où il te plaira.

Je m’habitue bien ici, c’est une vie de cantonnement qui plait bien aux bleus de la classe 16, nous sommes bien logés. Je te parlerai d’ailleurs de tous ces détails.

Mon Oncle Paul vient de répondre de Forge-les-Eaux à mes souhaits, je le suppose bien portant ainsi que les petites car il ne parle pas de leur santé. Il a des nouvelles de Beuvry par Jannequin.

Veux-tu me donner l’adresse de mon oncle Auguste. J’espère que Francis, Emile, Alphonse Bar, Robert Plancke sont en bonne santé. Et pour Martial as-tu de bonnes nouvelles ?

Nous sommes dans la zone des armées, donc pas de permissions.

Je t’embrasse affectueusement

Léon

26 Juin

« Sommes arrivés par train à Neuville-sur-Vanne par Estissac » Léon Mortreux

Nous sommes le 26 juin 1915. Le Sergent Léon Mortreux et la 26ème Compagnie du 46ème Régiment d’Infanterie ont quitté Fontainebleau pour rejoindre Neuville-sur-Vanne en Champagne-Ardenne où la troupe est installée en cantonnement.

Léon Mortreux donne de ses nouvelles à sa famille de Béthune. Avec légèreté, il écrit sur cette carte postale, comme pour une carte de vacances.

Beau temps, bon voyage, la classe 16 heureuse d’essayer la vie en cantonnement

Carte-leon

Pendant ce temps en Artois, les allemands ont lancé une importante offensive dans le secteur de Souchez, comme en Argonne en Champagne-Ardenne et en Lorraine.

Ce 26 juin 1915, à Béthune, les bombardements ont endommagé le Bureau d’Octroi, rue de Lille. 10 obus sont tombés faubourg de Lille, rappelle @Bethune1418

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

 

Carte postale de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 26 juin 1915

 

 

 

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

Carte-leon2

 

Cher Oncle,

Sommes arrivés ici hier à 5h par train voyageurs.

Beau temps, bon voyage

La classe 16 heureuse d’essayer la vie en cantonnement.

Pas trop entassés, aussi sommes nous assez bien.

J’espère en bonne santé et t’embrasse

Léon

26è Compagnie – 46è Régiment Infanterie

Neuville-sur-Vanne par Estissac (Aube)

 

21 Juin

« Je pars à Estissac avec les bleus » … jusqu’au départ vers le front ? Léon Mortreux

Ce 21 juin 1915, Léon Mortreux s’apprête à quitter le Dépôt de Fontainebleau avec « les bleus » de sa Compagnie … des soldats inexpérimentés n’ayant jamais vu le feu. Cela fait maintenant près de 5 mois que le Sergent Léon Mortreux est affecté à l’instruction de la classe 1916. Il attend l’ordre de partir sur le Front.

Dans cette correspondance de guerre il y a cent ans, Léon raconte qu’il a profité d’un jour de permission. Le dimanche précédent, il a rendu visite à son père Georges Mortreux et sa soeur Berthe à Paris. Léon dit avoir « beaucoup causé de Jules » avec son père et sa soeur.

Discrètement, avec retenue, il évoque dans cette lettre la mort au combat de son frère aîné Jules Mortreux à Vauquois le 15 mars 1915, deux mois après la mort de son frère cadet Pierre Mortreux à Steinbach en janvier 1915.

Dans cette lettre du 21 juin 1915 adressée à son oncle Fernand Bar à Béthune, Léon Mortreux parle de la famille et des bombardements sur la ville.

Je pensais que vous en aviez fini avec les All… à Béthune

Le Sergent Léon Mortreux fait route vers la Champagne-Ardenne

Léon Mortreux annonce qu’il doit partir de Fontainebleau le vendredi 25 juin 1915 pour rejoindre Estissac en Champagne-Ardenne. Il part avec « les bleus » de la 26è Compagnie, pour quelques semaines … et peut-être ensuite pour le Front. Léon ne sait pas.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 21 juin 1915

Dans sa lettre, Léon s’inquiète pour sa famille béthunoise avec les bombardements intenses et répétés sur la ville. Depuis le 1er juin 1915, 15 obus tombent chaque jour sur Béthune.
Le 8 juin 1915, le bombardement est encore plus nourri entre 40 et 50 obus raconte @Béthune1418

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

Sergent Mortreux
26è Cie – 46 Cie

Fontainebleau le 21-6-1915

Cher Oncle,

Merci pour ta bonne lettre et son contenu : écriture et billet. Le tout m’a fait bien plaisir. J’ai vu dimanche chez nous papa et Berthe en bonne santé. Augustin vient souvent à la maison et va bien.

René Hazard, un de tes beaux-frères a été blessé au combat. Je pensais que vous en aviez fini avec les All… à Béthune. Je conçois que ces bombardements intenses et répétés portent terriblement sur les nerfs des habitants.

Il faut que tu portes danger à une extrême limite pour demeurer la nuit à un 1er étage : pour ma part, j’ai toujours compris que tu ne voudrais pas te résigner à dormir dans une cave. Et la cave aux cuirs ne l’as-tu pas fait aménager ? Elle est moins humide que celle à Gaspard.

Je pars vendredi à Estissac près de Troyes avec les bleus nous y serons pour quelques semaines peut-être jusqu’au moment du départ vers le front !

Je ne sais pas si l’on donnera des permissions, en tous cas ce serait seulement pour 24 heures.

Je t’écrirai de là-bas te disant comment ça fonctionne et si je vois un moyen possible de nous rencontrer.

Je t’embrasse affectueusement. Souvenir à Marie-Jeanne

Léon

Nous avons beaucoup causé de Jules dont les malles de Londres sont arrivés chez nous.
Je vais écrire à mon oncle Paul pour sa fête.

09 Juin

« Le mess nous retient 1,5 frc, sans vin ni café » Léon Mortreux

Après des semaines de silence et de deuil, cette nouvelle lettre écrite par Léon Mortreux est datée du 9 juin 1915 … une lettre plus légère que les précédentes dans laquelle il parle de sa vie de poilu au Dépôt du Régiment à Fontainebleau, de morsures d’insectes, du mess et de l’argent du soldat.

Un mois et demi s’est écoulé depuis la dernière lettre du 18 avril 1915.

Dans cette lettre datée du 18 avril, Léon évoquait la disparition de son frère Jules et de « la mort gourmande, trop insatiable » . 

En deux mois Léon a perdu ses deux frères. Après la mort de son cadet Pierre Mortreux le 4 janvier 1915 à Steinbach en Alsace, son frère aîné Jules Mortreux a été tué à Vauquois en Lorraine le 15 mars 1915.

Le début d’année 1915 est douloureux. Dans cette nouvelle lettre du 9 juin 1915 adressée à Fernand Bar, les écrits de Léon peuvent paraître anodins et décalés. Il ne parle pas de ses deux frères tués à la guerre mais de lui, d’une souffrance, une douleur ressentie à la main droite … par des morsures d’insectes.

Après le traumatisme du décès de ses frères, a-t-il « fait le deuil » de cette double disparition ?

Léon semble vouloir rassurer ses proches. Il décrit le quotidien du poilu au Dépôt de Fontainebleau, de la solde du soldat et de la cherté de la vie… avant de terminer sa lettre par quelques mots, comme une évocation du passé.

J’étais infiniment mieux à la 31è Compagnie

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 9 juin 1915

« Point de bénéfice comme paie ». Dans cette lettre Léon Mortreux parle argent et paie du soldat. Comme Sergent, il touche 7,8 frcs par jour, soit 234 fcs par mois.

Je touche à ce jour 7,8 frcs par jour et le mess nous retient 1,5 frc sans vin ni café

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

Fontainebleau, le 9-6-1915

Cher Oncle,

Je t’écris au crayon souffrant pour l’instant d’une forte enflure à la main droite, enflure causée par des morsures d’insectes. Il m’est moins difficile de me servir d’un crayon que d’un porte-plumes.

Le service ici est très dur, et c’est parce que je suis exempt de service que je puis écrire. Il reste très peu de sous-officiers au Dépôt. Les cadres ne sont même pas complets à la Compagnie où j’ai une section de bonshommes sans avoir autre Sergent pour m’aider.

Tu comprends que l’instruction est intensive, gymnastiques, marches de nuit, chercher de nuit des blessés … le soir on est rompu, des camarades viennent causer, on ne peut écrire. Tous les 3 jours, je suis de garde.

Point de bénéfice comme paie. Je suis au prêt franc et touche de ce jour 1,8 franc par jour. Le mess nous reteint, 1,50 sans vin ni café. Tu vois que nous dépensons obligatoirement plus et rien que pour la nourriture, plus que nous touchons !

Veux-tu donc prélever sur mon livret cent francs dont je garderai la moitié et je remettrai le reste à Berthe.

Il va sans dire que je suis créditeur chez Bidart, je lui ai demandé 30 francs il y a un mois et il m’a adressé le montant de suite. J’aime mieux qu’il me doive plutôt que d’être de retour envers lui. Mais sois rassuré, je ne lui ferai pas crédit du reste.

Et cette affaire du journal « l’Avenir de Béthune » que devient-elle ?

J’étais infiniment mieux à la 31è Compagnie.

Léon

 

18 Avr

« Je trouve la Mort gourmande, trop insatiable. » Léon Mortreux

Dans cette correspondance de guerre du 18 avril 1915, Léon Mortreux semble avoir perdu l’espoir de revoir son frère aîné Jules. Les mots, le ton de cette lettre sur papier borduré de noir, toutes les lignes laissent paraître une certaine résignation.

Après la mort de son jeune frère Pierre en janvier à Steinbach, Léon semble déjà faire le deuil de Jules.

Et pourtant, personne n’a encore informé la famille que Jules Mortreux a été tué au combat à Vauquois le 15 mars 1915 … officiellement du moins. Mais les nouvelles des terribles batailles meurtrières de Vauquois en Lorraine sont maintenant connues de tous. Et Léon pressent le pire. Il parle déjà de ce « pauvre Jules qui a toujours été un garçon sensible, émotif et de grande dignité ». Léon parle de Jules … au passé.

Le silence Jules est mortel</p#>

Pour Léon, le silence de Jules est mortel. Jules Mortreux écrivait régulièrement. Il donnait presque toutes les semaines de ses nouvelles, même dans les pires combats contre les allemands comme dans sa dernière lettre du 12 mars sur la butte de Vauquois.

Ce 18 avril 1915, cela fait maintenant plus d’un mois que Léon et toute la famille Mortreux n’ont reçu aucune lettre. C’est long. Trop long.

D’autant plus long, que Léon n’a pas d’informations, ni de l’armée à Paris, ni du Service de Renseignements du 76è régiment d’infanterie.

Léon écrit « Je m’incline devant la dignité, l’Honneur qu’il a su porter bien haut. »
Leon

Je l’admire et le pleure de toutes mes larmes

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar


Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 18 avril 1915

Dans cette lettre adressée à son oncle, Léon évoque son prochain départ sur le front. « J’approche mon départ, seulement je trouve la Mort gourmande, trop insatiable. »

 

Correspondance de guerre, il y a cent ans

 

Sergent Mortreux 46ème . 31ème Cie
Fontainebleau, le 18-4-1915

Cher oncle, 

Je suis allé hier à Paris quelques heures espérant apprendre des renseignements qui donneraient espoir de retrouver Jules, mais chez nous pas plus qu’ici pour moi, aucune lettre n’est arrivée du front parlant de l’absent.

J’ai à la Cie ici le sergent qui s’occupe des lettres du 46 en retour et est assez versé dans les rouages du Service de renseignements, il m’a dit que la meilleure chose à faire pour tenter d’avoir des nouvelles est d’écrire au Service de renseignements du 76, au front, ce que j’ai fait. J’attends qu’on me fixe.

D’autre part j’ai écrit à des amis du 46 blessés à Vauquois –antérieurement au 15 mars- (car je n’en connais pas qui ait été atteint le 15) pour demander si près d’eux il n’y avait pas de blessés des 46 et 76ème, évacués après le 15 écoulé.

J’ai eu l’adresse de ces sous-offs en traitement à Agen, Nantes etc… par des lettres que, des hôpitaux, ils ont écrites à des amis, ici, au dépôt du régiment.

Pauvre Jules, il avait bien travaillé, bien peiné pour vaincre les difficultés de la vie et se faire une position parmi les gens qui ne veulent compter que sur eux-mêmes et arriver par le fruit de leurs efforts. Il a toujours été un garçon sensible, émotif et de grande dignité.

A Londres il a beaucoup souffert en silence. La vie a été plutôt ingrate envers lui, je veux dire ingrate avant qu’il ne vienne de lui-même joindre les rangs du 76 car au point de vue de notre admiration, de notre amour et qui sait peut-être a-t-il pu le comprendre lui-même pendant quelques instants, sa vie courte, cruelle … a eu le plus beau couronnement dans l’abandon qu’il en a offert au Pays parmi les ruines entassées de Vauquois.

Je m’incline devant la dignité, l’Honneur qu’il a su porter bien haut. Je l’admire et le pleure de toutes mes larmes. Il est avec Pierre une maille de cette chaîne qui a retenu l’envahisseur, chaîne qui restera fermée car le grand forgeron, le Pays, ne pourra rouvrir les mailles, rendre la vie aux morts, alors que les armes seront déposées et l’existence de la Patrie pour toujours assurée libre, prospère et fière.

Berthe et Papa voudraient que je sois à l’abri du danger, ils vont t’écrire à ce sujet. Ils tremblent pour moi. Tu voudras bien leur donner espoir si tu le juges à propos mais ne t’occupe de rien, d’ailleurs il est trop tard ! J’approche mon départ, seulement je trouve la Mort gourmande, trop insatiable.

J’aurais voulu laisser mon vieux cuir ailleurs qu’à Vauquois où l’on subit mille morts par toutes les conditions affreuses qui y règnent : émanations putrides, vermine etc… Je sais que c’est un peu partout la même chose mais à Vauquois c’est à l’extrême.

J’espère que tu vas bien et Martial mieux et que vous êtes plus tranquilles à Béthune. Merci pour les Petits Béthunois qui m’arrivent régulièrement. Je ne vois plus Neuville, Dussart qui sont à Blois. Je te remercie pour l’offre généreuse que tu me renouvelles, pour l’instant je n’ai besoin de rien.

Nos réformés seront bientôt de parfaits soldats, je ne puis pas du tout te dire si je partirai avec eux. Quelquefois même nous passons des sous- offs à d’autres régiments… mais nous sommes désignés par tour dans chaque Cie et n’avons pas l’option entre le 46 et ces autres corps.

Je t’embrasse de tout cœur et pense beaucoup à toi.
Léon

 

 

01 Avr

Léon Mortreux angoissé par le silence de son frère Jules … mort à Vauquois en mars 1915

Une lettre bordurée d’un gros trait noir, des propos angoissés … dans cette correspondance de guerre du 1er avril 1915, Léon Mortreux est très inquiet. Il partage son émotion avec son oncle Fernand Bar.

Léon n’a plus de nouvelles de son frère aîné, Jules Mortreux, depuis le 14 mars … la veille « d’une grande attaque à Vauquois » en Lorraine.

Je suis très ennuyé du silence prolongé de Jules.

Jules et Pierre

Déjà en deuil après le décès de son jeune frère Pierre, tué en janvier à Steinbach en Alsace, Léon craint le pire pour son frère aîné Jules.

Et ses craintes sont justifiées. Léon ne sait pas encore que son frère Jules a été tué dans la bataille de Vauquois le 15 mars 1915.

15 jours après la mort de Jules, Léon raconte dans cette lettre que son frère aîné n’a pas reparu à la Compagnie depuis la journée du 15 mars. Son inquiétude est d’autant plus forte que Jules lui avait parlé de cette grande attaque de l’armée française sur Vauquois.

D’après des renseignements collectés de proche en proche, Léon a appris que le 15 mars son frère Jules et sa compagnie ont livré une bataille très meurtrière … et Jules ?

La tranchée que Jules et nos amis occupaient à quelques mètres des boches a été prise en enfilade par ceux-ci et c’est pendant que les nôtres quittaient au plus vite que les allemands de leur tranchée leur tiraient dessus.

Jules est-il encore en vie ? Dans cette correspondance de guerre du 1er avril 1915, Léon Mortreux s’interroge, interroge ceux qui reviennent du front avec l’espoir d’une prochaine lettre de Jules.

Ce jour-là, Léon ne sait pas encore qu’il a perdu son frère aîné Jules depuis 15 jours, après Pierre … deux frères morts dans cette guerre contre les allemands en 1915.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, le 1er avril 1915

Dans cette lettre écrite depuis une caserne de Fontainebleau, Léon espère que Jules s’en tirera, comme lui s’en est tiré à Varreddes« Je t’embrasse affectueusement, espérant que bientôt Jules écrira. » 

 

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

 

Fontainebleau, 1/4/1915

46ème Infanterie  31ème Cie

 Cher Oncle,

Entre toutes les lettres que tu m’as adressées la dernière est une de celles qui m’a causé le plus de plaisir. Pourquoi : parce qu’elle me vient à un moment où je suis très ennuyé du silence prolongé de Jules et que je vois de plus en plus que si – malheur affreux – il fallait perdre aussi mon frère aîné, ton affection si grande grandirait encore pour essayer de faire oublier autant que faire se peut le vide produit.

D’après renseignements de personnes ayant un parent au front, lesquelles personnes sont venues voir Berthe, celle-ci m’écrit :

Il paraît que Jules et ses amis que nous connaissons (Leroux et Langeais) n’ont pas reparu à la Cie depuis la journée du 15 mars, où Jules avait écrit le 14 que le lendemain il y aurait une grande attaque à Vauquois ! 

Personne n’a vu aucun cadavre des trois ci-dessus.

La tranchée que Jules et nos amis occupaient à quelques mètres des boches a été prise en enfilade par ceux-ci et c’est pendant que les nôtres quittaient au plus vite que les allemands de leur tranchée leur tiraient dessus.

A côté même tranchée prise momentanément par les allemands a été reprise par le 46 disent les personnes qui sont venues voir Berthe.

Berthe me dit encore : « Essaie de savoir si le 46 a retrouvé des blessés du 76 et de savoir si le 15 à Vauquois les boches ont fait des prisonniers. »

Enfin tout n’est pas perdu puisqu’aucun indice ne répond de la mort d’aucun des trois noms précités.

Berthe m’écrit encore : « Si tu écris à la famille ne répands pas de bruits aussi alarmants puisque nous n’avons aucune certitude ».

Je lui désobéis en te soumettant le précédent exposé, mais j’ai pensé qu’il valait mieux que tu saches.

Ici j’ai consulté un gradé revenu du front le 20 mars, il est du 46 et ne peut me donner aucune indication précise.

Ceux qui pourraient parler sont des blessés mais dans quels hôpitaux sont-ils !

Patientons, attendons un peu et pensons que prisonnier s’il l’est Jules s’en tirera comme moi à Varreddes, la chance aidant.

Je te remercie des détails que tu me donnes sur Béthune, sur Martial. Reçu aussi les « Petit Béthunois », merci bien.

J’ai écrit il y a 15 jours environ à Marie Deloles.

As-tu reçu ma carte te parlant du frère Dussart et de Lemille ?

Il y a ici un Vanacker du 273 en traitement à l’hôpital.

Comment vas-tu ? Rien encore pour le départ.

Chacun a applaudi à la chute de Przemysl. Espérons que les succès des Russes s’affirmeront.

Je t’embrasse affectueusement, espérant que bientôt Jules écrira.

Léon