04 Jan

« C’est au combat du 4 janvier devant Steinbach que votre fils Pierre Mortreux a été mortellement blessé »

Terrible début d’année pour la famille Mortreux. Ce 4 janvier 1915, l’adjudant Pierre Mortreux, 25 ans, est tué dans « l’enfer de Steinbach » en Alsace, près du Hartmannswillerkopf surnommée « la montagne de la mort »

Ses frères aînés Léon et Jules Mortreux ne savent pas encore que leur jeune frère est mort sur le Front.

La lettre du décès a été envoyée début janvier 1915 à leur père Georges Mortreux. Elle décrit les circonstances de la mort du plus jeune soldat de la famille, Pierre Mortreux.

Ayant reçu l’ordre le 4 janvier à 15h30 de se porter avec sa section à l’attaque d’une tranchée ennemie il se trouva bientôt dans l’impossibilité d’avancer en raison de la violence du feu. Il voulut malgré cela exécuter les ordres donnés et c’est en entraînant ses hommes qu’il fut frappé d’une balle à la tête.

Pierre Mortreux, 24 ans, tué dans " l'enfer de Steinbach " le 4 janvier 1915.

Pierre Mortreux, 25 ans, tué dans  » l’enfer de Steinbach  » en Alsace, le lundi 4 janvier 1915.

Son agonie a été de quelques minutes à peine et il ne perdit pas un instant connaissance. Tranquillisez-vous sa mort a été douce et exempte de toute souffrance.

Pierre Mortreux, 25 ans, trouve la mort à Steinbach … dans « l’enfer de Steinbach » comme l’écrira quelques mois plus tard le Monde Illustré du 8 mai 1915.

Ce courrier précise que Pierre est enterré sur place à Steinbach  sans donner plus d’explications à cause de la censure postale.

la censure postale ne me permet pas de vous donner d’autres détails par correspondance.

Au début de la guerre, la censure postale a pour mission de lire les lettres des poilus pour supprimer les éventuelles informations militaires. Ces renseignements pourraient être repris par la presse et informer l’armée allemande. Par la suite, la censure servira aussi à surveiller le moral des poilus.


L’acte de décès de Pierre Mortreux précise :

Mort pour la France le 4 janvier 1915 à Steinbach Alsace
Genre de Mort Tué à l’ennemi

Extrait de la base de données des morts pour la France de la Première Guerre Mondiale

Extrait de la base de données des morts pour la France de la Première Guerre Mondiale


La  bataille de Steinbach

Fin décembre 1914, le village alsacien de Steinbach, au pied du massif du Hartmannswillerkopf, est tenue par l’armée allemande. En 1914, toute l’Alsace est allemande depuis le traité de Francfort de 1871.

Le gouvernement français veut reprendre l’Alsace abandonnée au Reich. Le secteur de Thann, Cernay, Steinbach, objectif stratégique de la France ouvre la porte vers Mulhouse et sa zone industrielle.

L’ennemi occupe les hauteurs de Steinbach, le plateau d’Uffholtz et la côte 425 qui sépare Steinbach de Vieux-Thann.

Le 24 décembre 1914, la 66è division d’infanterie de l’armée française reçoit ordre d’attaquer. Les poilus du 152è sont aussi engagés dans cette bataille dont l’adjudant Pierre Mortreux.

Commencent alors 15 jours de combats terribles dans le froid de l’hiver alsacien, racontés en détails dans « La boue rouge » par Vincent Bullière.

Le Hartmannswillerkopf, l’un des champs de bataille les plus meurtriers en 1915
Voir le reportage de Anne de Chalendar de france 3 Alsace


14/18 au Hartmannswillerkopf

 

Pierre Mortreux ne verra pas la victoire de l’armée française à Steinbach … un grand fait d’armes selon la presse française. Cette victoire est saluée à l’époque comme le symbole du retour de l’Alsace dans le giron de la France.

Les combats dans le cimetière de Steinbach, dessinés par André Galland en 1915. Publié dans "La boue rouge" par Vincent Bullière

Les combats dans le cimetière de Steinbach, dessinés par André Galland en 1915. Dessin publié dans « La boue rouge » par Vincent Bullière

Ce 4 janvier 1915, Pierre Mortreux est tué au combat, d’une balle dans la tête, dans l’attaque d’une tranchée allemande.

Il est retrouvé sans ses papiers « sans doute a-t-il été fouillé par un soldat ennemi » précise la lettre envoyée au père de Pierre Mortreux.

La tombe de l’Adjudant Pierre Mortreux du 152è Régiment d’Infanterie tué à Steinbach le 4 janvier 1915

Nous avons retrouvé sa montre que nous vous ferons parvenir au plus tôt c’est le seul souvenir qui vous restera de ce pauvre Pierre.

Selon le journal des opérations du 152è R.I., les combats de la journée du 4 janvier à Steinbach ont fait « 23 tués, 68 blessés et 2 disparus »

 

Courrier envoyé à Georges Mortreux annonçant la mort de son fils Pierre Mortreux le 4 janvier 1915 à Steinbach.

Lettre-deces

 

C’est au combat du 4 janvier devant Steinbach (Alsace) que votre fils Pierre a été mortellement blessé.
Voici dans quelles conditions.

Ayant reçu l’ordre le 4 janvier à 15h30 de se porter avec sa section à l’attaque d’une tranchée ennemie il se trouva bientôt dans l’impossibilité d’avancer en raison de la violence du feu. Il voulut malgré cela exécuter les ordres donnés et c’est en entraînant ses hommes qu’il fut frappé d’une balle à la tête.

Son agonie a été de quelques minutes à peine et il ne perdit pas un instant connaissance. Tranquillisez-vous sa mort a été douce et exempte de toute souffrance.

Quant à ses papiers que nous nous serions fait un devoir de vous faire parvenir ils avaient disparu quand nous avons pu nous occuper de son cadavre. Sans doute a-t-il été fouillé par un soldat ennemi pendant les péripéties du combat.

Nous l’avons enseveli à l’endroit où il a payé de sa vie son courage et son dévouement pour lesquels il a d’ailleurs été cité à l’ordre de l’armée. Il repose actuellement à gauche du village de Steinbach.

Vous comprendrez qu’il est bien difficile de vous indiquer exactement l’endroit par correspondance mais étant moi-même Parisien je me ferai un devoir de vous donner de vive voix tous les renseignements complémentaires dès que je pourrai vous rendre visite car la censure postale ne me permet pas de vous donner d’autres détails par correspondance.

Je me fais l’interprète de tous mes camarades pour vous répéter encore combien grande est notre participation à votre douleur.
Comptez sur moi, Monsieur, pour l’adoucir autant que cela me sera possible par quelques détails réconfortants sur notre vie antérieure et cela dès que je pourrai le faire.

Je vous renouvelle encore mes condoléances les plus sincères et vous prie d’agréer ma profonde considération.

P.S. Nous avons retrouvé sa montre que nous vous ferons parvenir au plus tôt c’est le seul souvenir qui vous restera de ce pauvre Pierre.
Comptez également sur nous pour vous retourner toutes correspondances qui pourraient parvenir à son adresse.