Depuis deux semaines, le Sergent Léon Mortreux vit dans son nouveau cantonnement au centre d’instruction de Neuville-sur-Vanne, une petite commune de 400 habitants de Champagne-Ardenne, à plus de 100 kilomètres du Front … pour une petite vie apparemment tranquille.
Ce 6 juillet 1915, Léon est de garde. Il en profite pour écrire à sa famille.
Dans cette nouvelle correspondance de guerre, Léon ne donne pas d’informations sur ses opérations en cours. Il précise que le courrier arrive toujours plus tard à son destinataire … secret militaire ?
les lettres sont retenues à Troyes plusieurs jours.
En fait, les lettres sont lues à Troyes par « le contrôle postal » sur instruction du Général Joffre.
Par la note de 4 janvier 1915, le général Joffre demande « au contrôle postal » de vérifier les courriers. Les poilus sont obligés de remettre leurs lettres, ouvertes, non cachetées, aux vaguemestres. Ils ne doivent pas écrire dans leurs lettres, la localité où ils se trouvent.
A la lecture de la lettre de Léon, cette note ne semble pas concerner les poilus dans les zones à l’arrière du Front. La censure postale a laissé passer la lettre.
Dans sa correspondance de guerre du 6 juillet 1915, Léon parle de Neuville-sur-Vanne, la ville de cantonnement de la 26ème Compagnie … une petite commune qui séduit Léon encore loin de la zone de combat.
c’est une vie de cantonnement qui plait bien aux bleus de la classe 16, nous sommes bien logés.
Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 6 juillet 1915
Dans sa lettre, Léon espère que « les Boches ne pourront plus renouveler de démonstrations efficaces sur Béthune ». Tout le mois de juin, l’armée allemande a multiplié les bombardements sur la ville.
Correspondance de guerre, il y a cent ans …
Sergent Mortreux
26è Compagnie – 46è Régiment d’InfanterieA Neuville sur Vanne par Estissac ( Aube )
6 juillet 1915Cher Oncle
J’espère que tu auras reçu ma carte postale te donnant mon adresse ici. De notre centre d’instruction, la correspondance t’arrivera toujours tard car les lettres sont retenues à Troyes plusieurs jours.
Ceci est pour t’expliquer que le fait se produira chaque fois que je t’écrirai d’ici. Je t’envoie ces mots du poste de garde avec ce que j’ai pour rédiger … un crayon.
Je reçois toujours les « Petits Béthunois », ils m’intéressent beaucoup, merci chaleureux pour leur envoi.
Ce que j’avais confidentiellement à te dire ne concerne nullement des questions morales : d’honneur, de probité touchant mes frères ou moi, il s’agit de simples remarques que je t’exposerai quand je te reverrai … elles n’ont pas autrement d’importance
J’espère que ta santé est bonne et que vous acquerriez la certitude que les Boches ne pourront plus renouveler de démonstrations efficaces sur Béthune.
Il te sera moins aisé de venir à Neuville qu’à Fontainebleau, aussi je n’ose te demander ta visite. Peut-être, espérons-le, en rentrant à Fontainebleau. Quand ?
Y resterons-nous quelque temps. Je t’écrirai alors soit pour un rendez-vous au Cadran Bleu par exemple ou à Paris où il te plaira.
Je m’habitue bien ici, c’est une vie de cantonnement qui plait bien aux bleus de la classe 16, nous sommes bien logés. Je te parlerai d’ailleurs de tous ces détails.
Mon Oncle Paul vient de répondre de Forge-les-Eaux à mes souhaits, je le suppose bien portant ainsi que les petites car il ne parle pas de leur santé. Il a des nouvelles de Beuvry par Jannequin.
Veux-tu me donner l’adresse de mon oncle Auguste. J’espère que Francis, Emile, Alphonse Bar, Robert Plancke sont en bonne santé. Et pour Martial as-tu de bonnes nouvelles ?
Nous sommes dans la zone des armées, donc pas de permissions.
Je t’embrasse affectueusement
Léon