16 Juil

« Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois » Léon Mortreux

A Neuville-sur-Vanne en Champagne, le sergent Léon Mortreux attend son heure dans son nouveau cantonnement.

 J’attends qu’on m’appelle quand mon tour sera marqué à nouveau à l’horloge du front.

Dans sa lettre du 16 juillet 1915, Léon Mortreux décrit son quotidien rythmé par le bruit « du canon nuit et jour par temps calme. » 

Sergent Leon Mortreux affecté à l'instruction de la Classe 16 à Neuville-sur-Vanne en Champagne

Sergent Leon Mortreux affecté à l’instruction de la Classe 16 à Neuville-sur-Vanne en Champagne

A Neuville-sur-Vanne, Léon est affecté à l’instruction de la Classe 16, loin du front.

Dans cette lettre, Léon Mortreux fait part de son malaise à son oncle Fernand Bar. Léon forme les jeunes appelés de 18 et 19 ans de la Classe 16 pour les envoyer au front. Il culpabilise.

Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois.

Dans cette lettre, Léon laisse aussi paraître son amertume. Il rappelle qu’il est affecté à l’instruction des appelés alors qu’il voulait être détaché comme interprète.

Anglophone après avoir suivi des études en Grande-Bretagne avant guerre, Léon Mortreux espérait rejoindre sa région natale dans le nord de la France. Un espoir d’autant plus fort que Béthune est devenue « une ville anglaise ».

L’armée britannique a fait de Béthune sa ville de cantonnement pour ses régiments depuis le début de la guerre.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 16 juillet 1915

« Je ne sais rien pour le livret de Jules »
A la fin de sa lettre Léon s’interroge sur le livret de Jules tué en mars 1915 à la bataille Vauquois. 4 mois après le décès de son frère aîné, Léon ne sait pas ce qu’est devenu ce livret.

S’agit-il du livret militaire tenu par Jules comme tous les soldats ou du livret matricule ? Ce document était tenu par la compagnie et permettait d’avoir de nombreux détails sur le parcours des soldats.

Correspondance de guerre il y a cent ans …
 

Neuville sur Vanne près d’Estissac ( Aube )

Cher Oncle

Je n’ai qu’une encre incolore sous la main et préfère donc t’écrire au crayon. Rien de neuf pour moi ici. J’attends qu’on m’appelle quand mon tour sera marqué à nouveau à l’horloge du front.

Etant affecté à l’instruction de la classe 16, je ne puis en être détaché pour être interprète, du moins c’est la réponse qu’on m’objecterait justement. 

Bien qu’avec mes camarades, nous dépensons pas mal ici, je puis attendre encore avant de faire un nouvel appel à ta bourse généreuse et te remercie.

Je lis moins … c’est un tort. Les journaux qui d’ailleurs parviennent tard ici, on y parle pas de Béthune pour le moment. Est ce plus tranquille aujourd’hui ? 

D’ici on entend le canon nuit et jour par un temps calme. Penser que beaucoup meurent pendant que je suis à l’abri, on s’en veut parfois.

Bonne santé et affectueux baisers.
Léon

Bonjour à Martial.
A Paris, Chartres, Gorges les Eaux, on va bien.
Je ne sais rien pour le livret de Jules.