Par Laurent Lataste, journaliste à France 3 Aquitaine
Le 21 février dernier, Michèle Delaunay a envisagé publiquement sa candidature pour les élections municipales de 2020 à Bordeaux, alors qu’en 2014, Vincent Feltesse avait conduit la liste socialiste contre Alain Juppé. Aujourd’hui, tenu au silence, par ses fonctions de conseiller du Président de la République, Vincent Feltesse ne peut lui répondre, alors qu’il ambitionne peut-être encore de conquérir la ville.
Il s’est pris une « rouste », comme on le dit populairement à Bordeaux. La « belle endormie » s’est réveillée en ce premier tour des élections municipales de 2014. Et son maire, Alain Juppé est réélu avec plus de 60 % des voix. Le premier gros revers électoral de Vincent Feltesse. Et pourtant, il arrivait jeune, brillant, auréolé de ses triomphes à Blanquefort et de ses compromis réussis à la présidence de la Communauté Urbaine de Bordeaux.
Qui aurait pu parier sur une telle défaite pour celui qui était alors le plus prometteur du PS girondin ? Certes, il est mal « fagotté » avec ses cols de chemise mal repassés et ses cravates de travers mais il a « l’urbanité et l’urbanisme » en lui. Il affectionne arpenter les rues de New York ou de Tokyo. Il aime « la ville », il aime la structurer voire la refonder. C’est un urbaniste en chef, avec ses plans en tête. Il avait nombre de projets pour Bordeaux. Mais en 2014, les Bordelais se sont détournés de lui, à cause d’une campagne un peu trop brouillonne et du bon bilan d’Alain Juppé. Le combat était inégal.
Et maintenant ?
Vincent Feltesse a été élu conseiller régional et il a quitté les rives de la Garonne pour Paris, et ses bords de Seine sur lesquels il court très tôt tous les matins, avant de franchir les grilles de l’Elysée où il est l’un des principaux conseillers du Président de la République. Pour autant, il assiste toujours aux conseils municipaux, pas à tous, mais il ne se détourne pas complètement de la capitale girondine et l’assure : « en 2020, je serai maire de Bordeaux ».
Mais comment revenir ? Comment retrouver une légitimité après sa lourde défaite de 2014 ? Dans un an, ce sera l’heure des élections législatives et Vincent Feltesse ne serait pas contre succéder à Noël Mamère sur sa circonscription, qui est essentiellement sur Bègles mais qui englobe une partie du sud de Bordeaux. Noël Mamère a déjà fait savoir qu’il trouvait cela indécent, Naïma Charaï sa suppléante socialiste étant également prétendante depuis plusieurs années.
En 2012, Vincent Feltesse s’était imposé suppléant de Michèle Delaunay sur la deuxième circonscription de la Gironde (centre ville de Bordeaux), et il avait siégé, alors, à l’Assemblée nationale à la faveur de l’entrée de celle-ci dans le gouvernement Ayrault. Au grand désespoir d’Emmanuelle Ajon, qui elle aussi attendait ce moment et qui était pourtant aux côtés de la nouvelle ministre sur les premières affiches électorales. Dans cette deuxième circonscription justement, Michèle Delaunay, à 69 ans, a décidé de se lancer dans le combat pour les municipales. Pourrait-elle lâcher le Palais Bourbon pour son ancien suppléant ? Pas sûr, tant les relations semblent polaires entre les deux. Celle qui a battu Alain Juppé lors des législatives de 2007 reproche au conseiller du Président d’être trop absent et pas assez le nez dans les dossiers bordelais.
Vincent Feltesse l’assure, il reviendra à plein temps à Bordeaux avant la fin de l’année, même s’il est difficile de lâcher François Hollande à quelques mois de nouvelles échéances qui s’annoncent difficiles pour l’actuel locataire de l’Elysée et sa probable candidature pour un deuxième mandat.
Les municipales de 2020 auront lieu dans 4 ans.
C’est une éternité en politique ! Mais, assez de temps pour entretenir et réveiller des réseaux. Un sacré boulot ! Car les élus se détournent de lui, et les militants aussi. Beaucoup se plaignent, aujourd’hui, qu’après les élections municipales de 2014, ils n’ont eu que peu de remerciements sur leur engagement aux côtés de celui qui était alors leur espoir. Autant de petites mains à reconquérir, tant elles sont essentielles pour mener à bien tout combat électoral.
L’avenir bordelais de Vincent Feltesse semble incertain mais il fait partie de ces politiques qui ont la trempe pour rebondir et se replacer dans le jeu. Lui aussi a une revanche à prendre. Econduit par les Bordelais, il va sans doute tenter à nouveau de les séduire pour les conquérir. On a longtemps reproché à Alain Rousset d’avoir tarder à se lancer contre Alain Juppé en 2008. Vincent Feltesse a tenté un coup de poker et il a tout perdu. Et cela, les socialistes girondins ne peuvent pas lui reprocher totalement.