Par Laurent Lataste, journaliste à France 3 Aquitaine
« C’est à la tête seulement qu’il appartient de délibérer et de résoudre, et toutes les fonctions des autres membres ne consistent que dans l’exécution des commandements qui leur sont donnés », cet extrait des mémoires de Louis XIV pour l’instruction du Dauphin, semble être toujours d’actualité. Ce lundi 08 février, le « Patron » a décidé pour Bordeaux et désigné sa dauphine. Alain Juppé a annoncé que Virginie Calmels lui succéderait, si les portes de l’Elysée s’ouvraient à lui.
Pourtant, ce point n’était pas à l’ordre du jour de la réunion des adjoints de la mairie de Bordeaux qui se tenait lundi, dans un salon du Palais Rohan. Et, à en croire certains participants, la nouvelle est arrivée brutalement sans que personne n’ait son mot à dire. Visiblement agacé par certaines publications, dont celle de notre blog (cf article : Virgine Calmels attendra pour Bordeaux), le maire de Bordeaux veut couper court à toutes les spéculations et souhaite mettre un terme à cette guerre de tranchées semblant se mettre en place avec certains élus bordelais qui ne veulent pas de Virginie Calmels comme dauphine.
Une ambiance glaciale au moment de l’annonce.
Tout en demandant à chacun de cesser de se répandre en « off » dans la presse, Alain Juppé a bien fait comprendre que toute opposition à Virginie Calmels vaut opposition à sa personne. Fermer le ban !
Difficile désormais, pour les plus récalcitrants d’ouvrir le bec, ils frôleraient le crime de lèse-majesté. La politique est parfois brutale ! Ses chefs sont là pour le rappeler, et le chef au Palais Rohan, c’est Alain Juppé, alors on le suit ou on le quitte.
Une première adjointe sans titre
Pourtant, Virginie Calmels n’a toujours pas le titre officiel de première adjointe, même si cet adoubement prévaut sur un quelconque rang au sein de l’équipe municipale. Mais, elle bénéficie de beaucoup d’avantages pour asseoir sa légitimité en terre bordelaise. Un chauffeur de la mairie, sans lui être attitré, est à sa disposition, et un staff l’aide pour sa conquête. Dernièrement Valérie Cocozza, son ancienne directrice de campagne lors des élections régionales (elle avait auparavant occupé les fonctions de directrice de cabinet du maire du Vème arrondissement de Paris et de chef de cabinet de Nathalie Kosciusco-Morizet au ministère de l’environnement), s’est vu confier deux postes, l’un au groupe « Les Républicains » du Conseil Régional et l’autre de chargée de mission à Bordeaux Métropole. La « Dame de Faire » tisse sa toile et place ses pions.
Maire et députée ?
Et comme si cela n’était pas suffisant, Alain Juppé a ajouté dans le panier de mariage, la deuxième circonscription de la Gironde. Battu en 2007 par la socialiste Michèle Delaunay lors des législatives, il souhaite que sa dauphine soit candidate et tente de reconquérir ce territoire, longtemps dévolu aux maires de Bordeaux depuis 1946, année où Jacques Chaban-Delmas y a été élu pour la première fois. Mais quid du cumul des mandats ? En 2017 il ne sera pas possible pour Virginie Calmels de cumuler mairie de Bordeaux et députation. La voilà donc, flanquée de plusieurs candidatures sans que la loi lui permette d’assumer ces deux fonctions. Plutôt étrange ! Pourquoi lui offrir ces deux candidatures sur un plateau ?
Une nouvelle fois, le chef a voulu calmer les ardeurs de certains, en douchant les espoirs d’élus de la majorité qui se voyaient déjà en candidats potentiels comme Jean Louis David ou Fabien Robert. Il semble, d’ailleurs, selon nos informations que ce dernier puisse être désormais le suppléant de Virginie Calmels sur cette circonscription. Les voix du Modem pouvant être déterminantes et Fabien Robert un concurrent potentiel, c’est faire d’une pierre deux coups. Si Virginie Calmels devient ministre, dans le sillage d’un Alain Juppé président, c’est son suppléant qui siègerait à l’Assemblée nationale, Fabien Robert deviendrait alors député !
Et les militants dans tout ça ?
Si les élus grincent des dents, il en va de même chez certains militants « Les Républicains », peu enclins à faire campagne une nouvelle fois pour Virginie Calmels. Son score à Bordeaux, lors des dernières élections régionales est loin d’être glorieux puisqu’elle fut largement distancée par le socialiste Alain Rousset. Et, beaucoup doute de sa compatibilité avec la nouvelle sociologie de Bordeaux où l’on constate, élection après élection, un renforcement de l’électorat de gauche, sauf pour les élections municipales où Alain Juppé était indéboulonnable. Les militants n’ont pas leur mot à dire, même si nos hommes politiques vantent de nouvelles pratiques, uniquement les soirs de second tour d’élection quand le score du Front National les alerte. Une démocratie digne de ce nom pourrait laisser aux militants le choix de leur candidat. Un vote à bulletins secrets vaut mieux qu’une désignation digne de l’ancien régime où l’on distribuait les prébendes !
Tous dans le rang
On le comprend bien, Alain Juppé fait preuve d’autorité car il ne veut pas de vagues à Bordeaux. L’image d’une majorité qui se déchire n’est pas forcément bonne pour un candidat à la présidentielle. Il doit donc tenir ses troupes, en bon commandant. Mais surtout la campagne des primaires l’accapare assez pour qu’il n’ait pas à s’occuper des querelles de sa majorité municipale. D’autre part, si lui-même est ancré dans le paysage bordelais comme le sont le pont de Pierre et La Place des Quinconces, il n’en est pas de même pour Virginie Calmels qui a encore un long chemin à parcourir (semé d’embûches ?) pour acquérir la légitimité nécessaire à une possible victoire en terre bordelaise.