Voila pourquoi j’ai écrit !
Deux semaines se sont passées. Je savoure quotidiennement cette fin de psychanalyse. J’avoue que parfois, allongé dans mon lit, je me dis qu’il a peut-être réussi dans sa mission, qu’il m’a appris à dire « non ».
J’ai honte de penser cela, quand je me remémore cette mascarade, ses cris, ses humeurs, ses demandes, ses humiliations, ses sommes d’argent demandées.
Puis un jour, au cabinet ma secrétaire me passe un appel.
« Bonjour Antoine, c’est le docteur Mie. J’aimerais que vous repreniez vos séances, pouvons-nous nous voir jeudi ?
-Je crois que vous n’avez pas compris, j’arrête.
-Vous faites une erreur, c’est dangereux pour vous, je vous en conjure.
-J’arrête! » (et je raccroche)
Huit jours plus tard, sur mon portable je vois le numéro de son cabinet qui m’appelle, je ne décroche pas. Il va réitérer ses tentatives peut être 15 fois ! Je ne décroche jamais.
Un matin, un numéro inconnu me réveille.
« C’est le docteur Mie, j’ai besoin de vous voir, c’est urgent.
-Vous êtes malade ?
-Non je ne veux pas que l’on arrête notre relation sur un mal entendu.
-Où ?
-Chez moi, jeudi 6 heures. »
Ce jour-là, j’ai eu le doute, je ne savais quoi penser. Y avait-il de l’humain chez le gourou ? Est-ce encore une manoeuvre machiavélique?
Quel intérêt pour lui de continuer ? Sa clientèle est énorme, il a un emploi du temps monstrueux, alors pourquoi ?
Je n’y suis pas allé ce jeudi matin. J’ai même tout fait pour ne plus penser à lui. J’ai fait comme dans un couple qui se déchire et qui, un jour, décide d’enlever de leur cortex la personne. Comme dirait un adolescente, « je l’ai zappé » !
Pendant 18 mois, le nom de docteur Mie est sorti de ma vie. Mais, comme le méchant génie des bandes dessinées, un jour…
Un jour est venue à mon cabinet Pascale, la jeune femme qui suivait une psychanalyse sans le savoir avec le même thérapeute que moi.
« Antoine, tu connais un psy qui s’appelle docteur Mie ?
-euh oui, de réputation…
-Arrête, ne me mens pas, tu as fait une psychanalyse avec lui !
-Quoi ? (le mauvais génie sortait de sa lampe par les mains frêles de Pascale )
-Arrête, je le sais .
-Bon d’accord, mais comment le sais-tu et quel est le problème ?
-Il n’y a pas de problème mais il n’y a pas que moi qui le sais. Nous sommes nombreux, très nombreux.
Je suis à ce moment-là tremblant, blême, abasourdi.
-Explique moi !
-Je suis allé à une séance signature du livre du docteur Mie, j’ai acheté son livre.
-Quoi ?
Il vient de faire un livre et il est vendu chez Mollat.
-Et alors ?
-Alors, page 45 (Pascale sort de son sac le livre et l’ouvre à cette fameuse page qu’elle a soigneusement agrafée d’un trombone.)
-Je te lis ?
-Vite !
-« C’est donc François 45 ans qui vient me voir un jour, lui médecin, deux enfants ancien joueur de rugby, président d’un club huppé de première division pour soit disant apprendre à dire Non¨…. »
-Alors, ce n’est pas toi ce François ? A part le prénom tu en connais beaucoup des médecins de 45 ans avec une telle description ?
J’ai ouvert la porte de mon bureau, j’ai simplement dit à Pascale : je préfère que tu partes. Je me suis assis, j’ai pleuré longtemps, longtemps.
Un seul mot tournait dans ma tête: VIOL, VIOL,VIOL.
Cela fait plus de dix ans, ma vie aujourd’hui est belle, mon métier est le plus merveilleux du monde mais comme l’enfant abusé n’oublie jamais j’ai essayé, j’ai consulté un vrai psy, il m’ a aidé mais pour guérir complètement, j’avais besoin d’écrire, j’avais besoin de dire, j’avais besoin de …..revivre.
N.B. toute similitude avec une personne existante ne saurait être une coïncidence.