Cette fois-ci après quatre ans, j’arrive enfin à avoir du recul et à sortir de mon aveuglement total. Sûrement que j’étais en souffrance pour chercher bêtement le nom d’un psychanalyste dans un annuaire téléphonique, sûrement que j’étais têtu pour résister à des affronts répétés, sûrement que je croyais avoir à faire à un thérapeute compétent, sûrement que mon esprit compétiteur et gagneur m’ont poussé au delà de tout pour gagner cette partie de bras de fer contre lui.
Je rentre dans ce bureau, ce matin là, il fait très froid dehors mais je suis bouillant de détermination. Je suis le petit trois-quart aile qui doit plaquer ce deuxième ligne devant la ligne d’essai. Si je ne le fais pas mon équipe perd et si je n’arrête pas mes séances, c’est moi qui suis perdu.
-« Venezzzzz »
D’un ton fort depuis la salle d’attente j’hurle à mon tour : « J’arrive !!!!!! »
-Vous êtes malade de crier comme cela, vous…vous croyez où ?
-Chez un tortionnaire monsieur !
-Reprenons
-NON, je ne reprendrai pas, j’arrête mes séances.
-D’abord allongez-vous et reprenons où nous en étions, à votre soit disant copain qui venait de mourir sur un terrain.
-NON, je ne m’allongerai pas, je crois que vous ne comprenez pas: j’arrête !
-Ne soyez pas un enfant (d’une voix calme forcée)
-Je suis un homme libre, j’ai décidé d’arrêter sans explication mais déterminé.
-Vous ne pouvez pas faire ça! Notre travail a été magnifique, je vous ai associé dans mes groupes.
-NON, j’arrête!
J’essaye d’ouvrir la porte, il m’en empêche avec son pied.
-Antoine (il ne m’a jamais appelé Antoine!) vous devez continuer c’est vital pour vous.
-Non, laissez-moi partir.
-Alors, d’accord mais allongez vous pour me l’annoncer.
Je m’allonge sur ce divan pourri où l’odeur du tapis le recouvrant me donne cette force puissante qui me rappelle mes années de tortures.
-Docteur Mie, j’ai décidé d’arrêter mon travail avec vous et c’est définitif.
(je suis fier, bravo Toinou, c’est merveilleux tu as dit NON à ce gourou.
-On en restera là, à jeudi, cela fait 48 euros et en liquide !
Je me lève, je prends mon manteau, je laisse mes 48 euros sur la table, je ne le regarde pas, je lui dit simplement:
– A jamais, Docteur Mie.
A peine avais-je le dos tourné qu’il se mit à crier :
« A jeudi, à jeudi votre inconscient vous poussera vers vers moi. »
Je ne me retournai pas dans ce couloir de la liberté, je fonçai vers la porte d’entrée n’écoutant pas ses cris hystériques
« Votre inconscient vous ramènera vers moi. A jeudi, à jeudi ! »
Ma voiture était garée juste en bas de chez lui. Il ouvre la fenêtre et hurle : « A jeudi! »
Je le regarde depuis le trottoir, lui, sa tête frisée dépassant de cette fenêtre ovale.
Mettant mes mains en forme de haut parleur je crie comme jamais je ne l’ai fait dans ma vie:
« NON, NON, NON! »