On nous apprend à la faculté à ne pas être écoeuré par ce que nous voyons. Je ne suis pas une âme sensible mais parfois il y a des limites à tout!
« Allo docteur, c’est madame Dauga, pouvez-vous avoir l’extrême gentillesse de venir me consulter à mon domicile? j’ai eu un embarras toute la nuit. »
Le vocabulaire est choisi, l’élocution est belle, la voix est posée mais il semble que la patiente parle les mâchoires serrées donnant un air snob à sa demande.
L’arrivée devant la grille d’une belle chartreuse du 18 ième, la femme de ménage qui se précipite, « Madame vous attend dans sa chambre ».
En rentrant dans la chambre mon diagnostic est olfactif. L’odeur que je peux qualifier d’immonde me donne l’impression que la gasrtro-enterite bordelaise a encore frappée. « Cher toubib, j’ai passé une nuit atroce, j’ai eu une dysenterie monstrueuse, et pour vous aider dans votre diagnostic j’ai conservé…
– Conservé quoi?
– Mes selles et, je m’en excuse, cela n’est pas très agréable mais l’aspect m’inquiète. »
C’est à ce moment-là que l’employée de maison apporte une batterie de casseroles de couleur rouge bordeaux se déclinant de la plus grande à la plus petite et dont chacune est remplie des excrétions nauséabondes de la nuit. Il est 7 heures, mon café est déjà bien loin. La nausée que je ressens me fait oublier que je pratique le plus beau métier du monde, mais tel Bayard sans peur et sans reproche, j’examine notre patiente avec moi aussi les mâchoires très serrées mais pas par snobisme.
Le comble de tout dans cette histoire c’est qu’au moment du départ, madame Dauga demande à Pierrette de m’apporter un petit présent. Elle m’apporte dans la plus grande des casseroles un foie gras qu’elle venait de faire cuire. Mon humour carabin revient au galop et pour démystifier cette scène hallucinante, je réponds: » Ah celle là, elle me paraît bien moulée, ça va mieux madame Dauga ! »