d‘Etienne Davodeau
Ecrasé par la chaleur, le vieux break fonce sur l’autoroute. Vincent, trente ans, vient de tenter un gros coup de poker. Assis à côté de lui, un vieil homme, il a traversé le siècle, ses contradictions et ses errements. Ces deux types n’ont rien en commun, pourtant, ensemble, ils foncent vers des ennuis et des désillusions qu’ils n’auraient pas imaginés dans leurs pires cauchemars. Heureusement sur leur route, il y a Rose, cette jeune femme sans attaches ni à priori…
Réédité en 2014, cet album est paru pour la première fois en 1996. Préfigurant la suite de l’œuvre d’Etienne Davodeau, « Le constat » emprunte la forme du road movie et du polar, et tout en suivant les codes du genre, il parvient à les dépasser. Vincent veut changer de vie… Abel la retrouver… Quant à Rose, l’autostoppeuse qu’ils croiseront sur leur chemin, elle semble fuir la routine et la monotonie… Ce trio hétéroclite va se retrouver lié et obligé de coexister.
En installant son récit, l’auteur distille peu à peu ce qui fera le sel de ses ouvrages à venir. Raconter l’histoire de ces gens qui a priori n’en n’ont pas. Révéler l’existence de ceux qui sont généralement des oubliés. Peu à peu au fil du récit, les trajectoires des personnages se révèlent les uns aux autres. Et de ces moments partagés, de ces confidences que l’on se fait, émerge la compréhension de l’autre et l’amitié.
Le scénario fait de rebondissements et de révélations est captivant. Lorgnant déjà du côté de la chronique sociale, le dessinateur, alors presque débutant, réussit le pari de tenir le lecteur en haleine. Mais la grande force de Davodeau est surtout de profiter des interstices du récit pour distiller chaleur et humanité. Bienveillant avec ses personnages, sans pour autant les ménager, Davodeau esquisse un monde sans pitié, où pour autant, il n’est pas interdit d’espérer.
M. Krim