13 Déc

Fin de la restauration de L’Atelier du peintre de Gustave Courbet

L'Atelier du peintre de Gustave Courbet. © Photo RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowsky et © Photo musée d'OrsayDist. RMN Grand Palais/ Patrice Schmidt.

L’Atelier du peintre de Gustave Courbet. © Photo RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowsky et © Photo musée d’OrsayDist. RMN Grand Palais/ Patrice Schmidt.

24 novembre 2014 – 29 novembre 2016. Deux années d’une aventure passionnante… La restauration de L’Atelier du peintre que Gustave Courbet qualifiait d’ « allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique » a été riche en découvertes et en questionnements. Le comité scientifique a du faire des choix pour que ce tableau manifeste peint en 1855 soit préservé pour les générations futures.

La décision a été prise en 2013 par Guy Cogeval, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie. C’était un pari. La restauration aura duré une année de plus que le temps initialement annoncé. Cette immense toile était en mauvaise état depuis de nombreuses années. Elle n’est rentrée dans les collections nationales du Louvre qu’en 1920; pendant soixante-cinq ans, cet encombrant chef d’oeuvre a changé cinq fois de propriétaires. Autant de déplacements délicats pour cette oeuvre formée de sept lès de toile et mesurant 3 mètres 61 de haut et presque 6 mètres de large.

Il a fallu d’abord fixer une méthode de travail. Le musée d’Orsay a travaillé avec le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) pour constituer un comité scientifique composé de 16 membres . L’objectif était de suivre toutes les étapes de cette opération exceptionnelle. Le public d’Orsay a eu accès à une partie de ce travail de longue haleine.


Restauration d’un tableau de Courbet

Une enceinte vitrée à été construite autour du tableau pour que le public puisse observer le travail des restaurateurs. En prime, des tablettes numériques ont été mises à disposition du public pour expliquer les grandes lignes de ce tableau qui demeure encore mystérieux. Il est encore possible de visionner cette animation en allant sur le site créé spécialement pour l’opération Entrezdanslatelier. Ces deux dispositifs, réalisés par une coproduction Musée d’Orsay-Fondation Orange, ont été financés par le mécénat.

L’Atelier du peintre de Courbet sur Tablette

Première étape : rassembler toute la documentation sur ce tableau et faire le point sur toutes les interventions précédentes. De nombreuses radiographies existaient déjà. L’occasion de découvrir les repentirs du peintre. Courbet a rajouté le personnage du chasseur (Napoléon III), il a diminué l’importance du personnage à la cassette, situé tout à gauche avec un turban et une barbe, et il aussi dissimulé la maitresse de Baudelaire à la demande du poète !

 

 

La maîtresse de Baudelaire effacée par Courbet de L'Atelier du peintre à la demande du poète. © C2RMF/Jean-Louis Bellec

La maîtresse de Baudelaire effacée par Courbet de L’Atelier du peintre à la demande du poète. © C2RMF/Jean-Louis Bellec

Après avoir « décrasser » l’oeuvre de ses vernis jaunissants et des repeints, la partie sans doute la plus délicate de la restauration, a eu lieu. Elle concerne le support du tableau.

Rentoilage de l'Atelier du peintre. Photos extraites du dossier de presse du musée d'Orsay

Rentoilage de l’Atelier du peintre. Photos extraites du dossier de presse du musée d’Orsay

Un travail tellement délicat et complexe que l’oeuvre a du être déplacée dans les réserves. Lors de son entrée dans les collections publiques du Louvre, les toiles originales avaient été doublées. Ces deux toiles collées au revers ont du être retirées avec les résidus de colle… Ensuite, une nouvelle toile de renfort a été posée au revers, un nouveau châssis a été créé.. Puis, il a fallu de nouveau enlever des vernis et enfin restaurer le cadre. Un vrai exploit cette restauration !

Un nouveau cadre pour L'Atelier du peintre. Photos extraites du dossier de presse du musée d'Orsay

Un nouveau cadre pour L’Atelier du peintre. Photos extraites du dossier de presse du musée d’Orsay

 

Au fur et à mesure de cette restauration, l’oeuvre que Courbet désirait mystérieuse, a livré aux historiens d’art des indices pour améliorer sa compréhension. On pouvait désormais mieux voir la pipe de Baudelaire, le corbeau juste à côté de son livre mais aussi le tableau accroché au mur de l’atelier dont parle Courbet dans sa correspondance : Les Paysans de Flagey revenant de la Foire, qu’il avait commencé à peindre en 1850. Pour les 30 ans d’orsay, le musée d’ Ornans a prêté ce tableau. Vous pouvez les voir côte à côte en ce moment ! Voir à ce sujet les explications dans notre reportage tourné au musée d’Orsay début décembre et présenté au début de cet article.

Le coût total de cette « remise en vie » de L’Atelier du peintre est de 600 000 euros. La moitié de cette somme a été financée par le mécénat dont plus de 155 000 euros collectés grâce au financement participatif avec Ulule. C’est la seconde fois que ce tableau est sauvegardé grâce à la passion de particuliers pour l’oeuvre de Courbet.

En 1920, le Louvre négocie avec pour acheter le tableau à la galerie Barbazanges mais, malgré une large participation des Amis du Louvre, le musée ne parvient pas à rassembler la somme demandée soit 900 000 Francs de l’époque. D’où l’idée de lancer une souscription publique. En deux mois, 471 donateurs versent au total 357 829 francs et L’Atelier du peintre entre au Louvre le 13 février 1920.  Parmi les souscripteurs, il y a de nombreux artistes comme Bonnard, Matisse, Derain, Dufy, Waroquier mais aussi Gustave Effel, Gabriel Fauré, Arthur Rubinstein, André Gide, Roger Martin-du-Gard, Pierre Drieu-la-Rochelle. Les dons les plus importants viennent de collectionneurs privés, de marchands et même la galerie Barbazanges ! Toutes ces informations sont mentionnées dans une archive précieuse qui vient de rejoindre le musée d’Orsay. ll s’agit du manuscrit original de la souscription organisée par un groupe d’amateurs pour offrir au musée du Louvre ce tableau si important pour l’histoire de l’art. 

Une telle aventure ne peut donner lieu qu’à un livre. Prochainement, une publication réunira les recherches scientifiques menées sur l’histoire du tableau, sa matérialité et sa technique. Et cet été, le musée Courbet d’Ornans prévoit de présenter l’histoire de cette restauration dans une exposition qui s’appellera «Histoires d’ateliers ». 

Nouvel objectif du musée d’Orsay, la restauration d’un autre chef d’oeuvre de Gustave Courbet, conservé au musée d’Orsay : Un Enterrement à Ornans.

Isabelle Brunnarius
Isabelle.brunnarius(a)francetv.fr