07 Sep

Pour Getty Images, ce n’est pas la crise

Du soleil chez NeXT, à Sonoma, Californie, 1986. Une exposition de Doug Menuez avec Getty Images et les archives de l'université de Stanford. (Crédit photo : Doug Menuez)

2,6 milliards d’euros. C’est la jolie somme que le fonds de placement américain Carlyle a déboursé, mi-août, pour s’offrir l’agence photographique Getty Images. La société Hellman & Friedman, qui avait racheté le groupe pour 1,9 milliard d’euros en 2008, s’offre une belle plus-value et se frotte les mains.

Alors que les photographes se battent pour vendre leurs images à des journaux toujours plus économes, comment Getty Images a-t-elle réussi, depuis sa création en 1995, à faire assez de bénéfices pour intéresser Carlyle ? Un ogre financier qui propose également des fournitures à l’armée américaine.

Getty Images, un partenaire privilégié de Visa pour l’image

À Perpignan, Getty Images est débordé. Difficile pour les photographes de proposer leurs images à l’agence qui possède « le plus grand stand du Palais des Congrès » et dont le carnet de rendez-vous est plein. Encore plus difficile d’évoquer leur modèle financier. Le service de communication traîne les pieds et les photoreporters sous contrat ne veulent pas évoquer leurs relations avec l’agence de photographie.

Partenaire privilégié du festival, Getty Images est partout. L’agence est celle qui présente le plus de reportages, dont ceux de Sebastian Liste et Julien Goldstein. Getty distribue quatre prix, d’un montant de 15 800 euros chacun. Une superbe vitrine pour l’entreprise qui fait pourtant ses bénéfices grâce aux images d’illustration vendues aux entreprises de communication ou aux agences de presse. En 2008, lorsque le groupe devait encore communiquer ses données financières parce qu’il était en bourse (il s’en est retiré la même année), il réalisait plus de 670 millions d’euros de chiffre d’affaires.

"Geek Sex", Adobe Systems, Mountain View, Californie, 1991. Une exposition de Doug Menuez avec Getty Images et les archives de l'université de Stanford. (Crédit photo : Doug Menuez)

Le photojournalisme financé par les bénéfices des images d’illustration

Getty Images a généré cette manne en comprenant très tôt que le développement d’Internet s’accompagnait de celui de la photographie d’illustration. Avec son énorme banque de données et ses prix cassés, l’agence est le leader du marché. Pour continuer son développement, elle s’est d’ailleurs associée à Flickr, un site Internet de partage d’images gratuit.

Plus besoin de contrat, Getty se contente de récupérer gratuitement les photographies d’amateurs et de les proposer à ses clients. Elle paie ensuite les auteurs en fonction des ventes, en leur reversant 20% des achats. Leur rémunération est extrêmement variable, de plusieurs centaines d’euros à quelques centimes.

Ces pratiques sont accusées de casser les statuts sociaux des photographes, mais elles se généralisent. Elles condamnent le photojournalisme à n’être qu’une vitrine, financée par les bénéfices des images d’illustration utilisées par les journaux afin de ne pas avoir à passer de commandes aux photoreporters.

En suivant ce modèle économique, Getty s’enrichit mais sape la réputation qu’elle entretient en accordant des bourses pour permettre à des photoreporters de monter des projets au long cours.

Dimitri Kucharczyk