07 Sep

La photo du jour : « Un groupe de rock tahitien » ?

Toscane, juillet 2010 : la "Fête Hawaïenne" des skinheads italiens. (Crédit : Paolo Marchetti)

Chaque jour, des festivaliers découvrent et commentent une des photographies de Visa pour l’image. Devant une boutique de vêtements, quai Vauban, Véronique, Thérèse, Cindy et Joëlle fument une cigarette. Valérie n’est pas très inspirée par la photo de Paolo Marchetti. Ses amies, elles, n’hésitent pas : « C’est un groupe de rock ! ».

« Ah, oui, ils sont tous habillés pareil », acquiesce Valérie. « Et ils ont des tatouages », ajoutent les autres. Cindy tente sa chance : « C’est des bad boys de Tahiti, un groupe de rock tahitien ! ». Bon, d’accord pour les chemises, mais les tatouages ne font pas vraiment tribal…

« C’est des mecs un peu rock qui se la jouent cubain », précise Thérèse. Observatrice…. Thérèse a remarqué le cigare dans la main du personnage au premier plan. Et le drapeau dans le fond : « Ils sont italiens ». Bien vu.

Cindy a une idée. « Je sais ! C’est des militaires ! Les tatouages, là, sur les coudes, c’est un code ! Des légionnaires. C’est un signe genre « accoudés au bar » ! »

Cindy, Joëlle et Thérèse dans leur boutique de prêt-à-porter, quai Vauban, à Perpignan. (Crédit photo : Aurélia Dumté)

Ses collègues la vannent un peu. « Tu connais des légionnaires, toi ? Un ex ? » « Bah, non, un copain militaire qui m’a expliqué… Mais je ne me souviens plus trop… », répond Cindy, sur la défensive. « Ils ont l’air sympathiques… », pense-t-elle tout haut. Puis se reprend : « Non ! C’est des anciens taulards ! ».

Les trois vendeuses n’en peuvent plus, elles veulent savoir. Lorsqu’elles apprennent que les personnages de la photo sont des membres d’un groupuscule fasciste, Thérèse s’énerve carrément. « Je déteste les skins. C’est honteux de prendre des photos comme ça. Je ne l’applaudis pas, le photographe ». « Au contraire, il veut dénoncer », tempère Joëlle. « C’est sûr qu’habillés comme ça, on ne peut pas deviner… », ajoute-t-elle.

Thérèse se sent trompée. Mais si elle avait vu cette image au milieu de la série de clichés « Fever » de Paolo Marchetti, elle aurait compris que c’est le premier chapitre d’un documentaire sur la montée de l’extrême droite en Europe. Ce photographe italien a reçu jeudi 6 septembre, lors de la projection du festival, le prix Getty image. Vingt mille dollars pour continuer son projet.

Aurélia Dumté