Chez Gustave Courbet, il y a les bons et mauvais jours. Le peintre est connu pour sa bipolarité. Le maître d’Ornans a laissé des chefs d’oeuvres et des peintures beaucoup moins réussies. La Vue du Lac Léman, réalisée l’année précédente de celle de sa mort en 1877, fait partie de celles qui marquent un jalon dans l’oeuvre du peintre.
Le Franc-Comtois a réalisé deux autres représentations des Alpes : le Grand panorama des Alpes, les Dents du Midi, de 1877, conservé au Cleveland Museum of Art aux Etats-Unis, et, un autre Panorama des Alpes, plus petit, sans doute peint en 1876 et présenté au public pour la première fois au musée Rath à Genève lors de l’exposition Gustave Courbet, les années suisses.
C’était fin 2014 et c’était un choc : une composition, inachevée, faite de roche et de ciel, sans anecdote ni présence humaine. Courbet tutoyait l’éternité. Laurence Madeline, la conservateur en chef et commissaire général de l’exposition suisse explique qu’avec son Grand panorama des Alpes, « considéré comme le chef d’oeuvre de sa période suisse, Courbet espérait faire son grand retour à Paris, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878 ». Et de citer le journaliste suisse Henri Flamans-Aebischer :
Mais ce qui nous intéressa le plus ce fut le grand paysage alpestre auquel travaillait le peintre, en face des hauts sommets neigeux de la rive savoyarde, lorsque nous l’abordâmes, paysage qui éclairait tout son atelier de ses cimes argentées émergeant du lointain azur et baignant leurs contrefort de rocaille dans l’outremer du lac. C’était le spectacle que Courbet avait constamment sous les yeux tout le long de ses journées d’exil et qu’il ne se lassait pas de reproduire.
De sa maison à la Tour-de-Peilz, Gustave Courbet n’avait que quelques pas à faire pour se retrouver au pied du lac Leman. Voici la vue qu’il avait au bord du lac, intacte deux siècles plus tard. Cette photo a été prise sur le port de la Tour-de-Peilz par une des guides conférencières du musée Courbet.
Bien que malade à la fin de sa vie, Courbet donne le meilleur de lui-même. Il peint à merveille les ciels rougeoyants du lac Leman.
Pour la conservatrice du musée Courbet, Frédérique Thomas-Maurin, le Franc-comtois a gardé en mémoire ce qu’il avait ressenti lors de son séjour en Normandie dans les années 1865-66. Dix ans plus tard, en Suisse, il retrouve sa palette claire.
Courbet n’est pas seulement un des chefs de file du réalisme. Cette étiquette est trop étriquée pour lui, il est aussi considéré comme l’un des précurseurs de l’impressionnisme.
Le tableau Vue du Lac Leman, prêté pendant un an par les musées de Granville au musée Courbet d’Ornans, est justement accroché dans la salle des marines. Un bonheur pour les Francs-comtois ! En mars dernier, sur les conseils de Frédérique Thomas-Maurin, le tableau avait été expertisé par Bruno Mottin, conservateur en chef du patrimoine, chef de la filière peinture du C2RMF. Les conservateurs de Granville s’étaient adressées à leur homologue franc-comtoise lors de la préparation d’une exposition. L’équipe normande avait dans ses réserves trois tableaux attribués à Courbet à la suite d’une donation mais rien ne garantissait l’authenticité des toiles. Le verdict de Bruno Mottin tombe : cette Vue du Lac Leman est bien de Courbet. Et, c’est un chef d’oeuvre ! Sa photo se met à circuler à grande vitesse sur les réseaux sociaux, le grand public ne s’y trompe pas. Ce tableau fascine les spécialistes et les néophytes.
Intervenants : Christiane Gallier Régisseur des oeuvres d’art et d’histoire de Granville, Alexandra Jalaber Adjointe à la conservatrice des musées de Granville, Bruno Mottin Conservateur général au laboratoire des musées de France. Un reportage de : I.Brunnarius, D.Colle, JL.Saintain, R.Bolard et S.Chevallier
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr