Sur le Doubs Franco-Suisse, la saison s’annonce sous de bons auspices. A l’occasion de l’ouverture, Patrice Malavaux, le garde particulier de la société de pêche franco-suisse de Goumois confiait à mes confrères du journal C’est à dire sa satisfaction. « Le dossier des éclusées a enfin abouti ! »
Depuis 2011, Suisses et Français se retrouvent régulièrement au sein du groupe « Gestion des débits » pour concilier les intérêts des gestionnaires des barrages et ceux des défenseurs de l’environnement. Toujours d’après cette interview, Patrice Malavaux précise que « le nouveau règlement d’eau est appliqué et nos préconisations ont bien été prises en compte. Résultat, la mortalité liée aux variations intempestives du niveau d’eau est très majoritairement diminuée et on travaille sur des pistes sérieuses pour régler les derniers problèmes qui subsistent ».
Côté suisse, la Fédération Suisse de Pêche est elle aussi satisfaite par une mesure qui ne concerne pas que le Doubs mais qui montre que les autorités prennent plus en compte l’impact sur l’environnement des centrales hydroélectriques. Voici une partie de son communiqué publié sur son site début mars 2016 :
Le Conseil national a décidé que les petites centrales hydroélectriques ne puissent bénéficier de mesures de soutien que si leur puissance atteint un minimum de 1 Mégawatt. La Fédération Suisse de Pêche se réjouit de cette décision pleine de bon sens. La FSP se bat depuis des années contre la « ruée vers l’or » suscitée par ces micro centrales. Les installations plus petites sont économiquement non rentables et provoquent un trop fort impact sur l’environnement.
Autre bonne nouvelle, l’autre groupe de travail bi-national créé en 2011 et cette fois-ci consacré à l’amélioration de la qualité des eaux et des milieux aquatiques, s’est réuni le 14 mars à Hauterive dans le canton de Neuchâtel. Les Suisses ont précisé que le canton du Jura avait mené des travaux de revitalisation pour cinq petits affluents de la boucle suisse du Doubs. C’est l’un des résultats du plan d’action binational pour l’amélioration de la qualité du Doubs de 2014. Il s’agit essentiellement de mettre en place des actions pour diminuer les pollutions industrielles,forestières, urbaines et agricoles et de restaurer la continuité écologique de la rivière.
Exemple de cette revitalisation avec le ruisseau de Vautenaivre à Saignelégier: un piège à gravier a été éliminé. Une buse empêchait également les poissons de remonter le petit cours d’eau, elle a été remplacée par un système plus naturel pour faire passer le ruisseau sous la route. En France, c’est la fédération de pêche du Doubs qui doit restaurer le Bief du Fuesse.
Dans ce communiqué du 14 mars 2016, il est précisé que les ouvrages du Moulin du Plain et du Theusseret vont être supprimés pour améliorer la continuité écologique sur le Doubs. Sur le Doubs franco-suisse, 13 seuils et barrages ont été recensés. Selon les conclusions d’une étude, Suisses et Français privilégient l’effacement partiel ou total de 4 ouvrages ( deux seuils de la Rasse, celui du Moulin du Plain et celui du Theusseret) plutôt que la construction de passe à poissons. Et, ce sont ceux du Moulin du Plain puis du Theusseret qui vont être ciblés en premier. Ils sont les plus en aval et les effets escomptés seront les plus bénéfiques.
Le Moulin du Plain a une histoire particulière liée à la famille Choulet qui a fait de ce lieu un paradis pour pêcheurs à la mouche. Ce seuil est présent sur les cartes anciennes dès la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il n’est plus utilisé depuis longtemps et, malgré des recherches, l’EPTB Saône-Doubs n’est pas parvenu à retrouver un document historique faisant office de titre de propriété. En clair, aujourd’hui, il n’appartient à personne. La loi a prévu cette situation. Si il est prouvé que toutes les recherches ont bien été effectués, le porteur de projet ( en l’occurence l’EPTB) pet prendre en charge l’organisation des travaux. Sous réserve d’un accord avec les riverains, le seuil devrait être supprimé en 2017. Il s’agit de trouver un équilibre entre le gain écologique de cet arasement et ce que les propriétaires riverains sont prêts à voir modifier. A terme, le paysage sera effectivement différent : c’est un retour à une rivière courante et naturelle à l’amont immédiat du seuil détruit. 400 mètres d’eau « courantes » devraient être ainsi restaurés. Les poissons pourront plus facilement remonter le Doubs.
Les travaux du Theusseret devraient suivre avec un an d’écart.Ce barrage est actuellement infranchissable par les poissons, il fait 3.8 mètres de haut ! Il n’est plus utilisé aujourd’hui, là aussi aucun propriétaire n’a été identifié en Suisse ou en France. Ce barrage doit obligatoirement être mis aux normes pour la continuité écologique avant 2018 comme l’impose la Directive Cadre sur l’Eau et la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques. Cette fois-ci, 900 mètres d’eaux « courantes » et la restauration de 1800 mètres d’habitats diversifiés seront possibles grâce à ces travaux.
Voilà dans les grandes lignes ce qui est prévu pour redonner du naturel au Doubs. Pour le défenseur des rivières Patrice Malavaux, c’est bon signe mais, selon lui, il ne faut pas délaisser un autre volet important d’amélioration de la qualité des rivières, celle de la qualité chimique de l’eau. Sur ce point, les résultats se font attendre d’après le garde pêche. « Dans les plans d’actions, nous déplorons que cela reste à l’état de plan et qu’il n’y ait pas d »actions » me confie le pêcheur.
A titre d’exemple, Patrice Malavaux rappelle que la fin des travaux pour l’amélioration du fonctionnement des stations d’épuration du Locle et de la Chaux de Fonds n’en finissent pas d’être reporté. Dans le plan d’action, il est précisé que « le programme pluriannuel de travaux de mise en séparatif du réseau d’assainissement du Locle (représenterait entre 25 et 30 km de nouvelles canalisations) » doit durer entre 10 et 15 ans à partir de 2013. Pour la Chaux de Fonds, il n’y a pas de date de mentionner.
Mais, des actions sont entreprises. En Suisse, « La nouvelle taxe fédérale sur les micropolluants introduite dès le 1er janvier 2016 est appliquée à chaque ménage en Suisse raccordé à une station d’épuration. Elle permettra de financer à hauteur de 75% les installations nécessaires à l’élimination des micropolluants contenus dans les eaux usées. Grâce à l’installation de nouveaux dispositifs de traitement, une centaine de STEP seront alors capables de digérer ces substances néfastes aux poissons et à leur reproduction. Les Villes de La Chaux-de-Fonds, de Neuchâtel et du Locle ont adapté le prix de la taxe d’épuration sur recommandation de la Confédération. » précise un communiqué de Viteos, l’entreprise chargé de distribuer l’eau et l’énergie dans le canton de Neuchâtel.
Florence Carone, de l’EPTB et chargé du secrétariat technique du groupe binational « qualité des cours d’eaux » du Doubs franco-suisse, précise qu’ il faut prendre en compte le vaste diagnostic entrepris dans le cadre d’une opération collective « Micropolluants » à cheval sur les bassins versants du Doubs et du Dessoubre. Le syndicat mixte du Dessoubre est entrain de rencontrer 200 entreprises pour établir un bilan de leur pratique pour proposer ensuite des actions d’amélioration. Florence Carone souligne également que les stations d’épuration du Locle et de la Chaux de Fonds doivent désormais permettre un traitement des micropolluants.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr