Au Moyen-Âge, il valait déjà mieux boire le vin de la vallée de la Loue que l’eau de la rivière… La Loue charriait tous les détritus des hommes d’où la préférence pour le vin plutôt que pour cette eau de la Loue, véritable égout ! L’anecdote est racontée par l’historien Robert Chapuis. Cet enfant de Vuillafans connaît comme sa poche le passé de la vigne dans la vallée de la Loue; il a même donné une conférence à Ornans sur le sujet en octobre dernier.
Aujourd’hui, la Loue n’est plus un véritable égout en apparence mais demeure très malade. Quant au vin de la vallée de la Loue, il joue son avenir. Ce vin pourrait être un atout touristique supplémentaire à condition que les difficultés actuelles soient surmontées. Le vigneron Denis Pin qui exploite les vignes de Vuillafans, vient d’être mis en redressement judiciaire, une procédure qui devrait lui permettre d’étaler le remboursement de ses dettes et de repartir dès les prochaines vendanges.
Mais d’où viennent ses difficultés ? La situation est complexe. Les coteaux de Vuillafans auraient pu rester en friche si des passionnés n’avaient pas eu la volonté de replanter de la vigne à la fin des années 80. Une initiative de l’association pour le développement et l’animation de la haute vallée de la Loue, Ruranim. 1700 souscripteurs détiennent chacun une partie de ces 6,5 hectares. La première récolte a eu lieu en 1993. Les cépages de Trousseau, Chardonnay et Auxerrois donnent un vin de pays qui bénéficie désormais de l’IGP « Vin de Franche-Comté ». Au fil des ans, la qualité du vin s’est améliorée mais le climat de la vallée de la Loue n’est pas des plus adapté à une activité commerciale. On peut faire du vin mais de là à gagner chaque année sa vie… Les années de gel sont catastrophiques pour les comptes d’exploitation. 2012 restera une « annus horribilis » pour Denis Pin.
Et puis, la vie associative n’est pas une longue rivière tranquille… Des conflits internes minent l’association, le vigneron s’en va travailler dans le Jura. En 2009, Gaëtan Madoz, l’ancien président de Ruranim reprend la présidence de la structure à la place d’Alain Verdenet. A partir de ce moment là, le vigneron Denis Pin revient travailler à Vuillafans mais cette fois-ci, il n’est plus salarié mais fermier. Le contentieux financier entre Alain Verdenet et Ruranim est toujours en attente de jugement.
L’étalement des dettes de Denis Pin pourrait mettre en difficulté Ruranim. Ce n’est pas encore le cas, des paiements différés ayant été obtenus mais l’association ne pas renoncer durablement aux loyers que doit lui verser le vigneron.
Pour sortir de cette situation délicate, le vigneron de Vuillafans n’est pas seul. Il est soutenu par l’agence de développement économique du Doubs notamment pour travailler l’aspect commercial et marketing de son exploitation. Ils ne sont pas les seuls à croire à l’avenir de la Vigne dans la vallée de la Loue. La municipalité d’Ornans souhaite confier à Denis Pin l’exploitation de sa future vigne. Elle est située juste au pied de la Roche du Mont là où Courbet avait peint un vigneron au travail… Une demande de replantation de pieds de vigne est en cours. « Un clin d’oeil à Courbet » explique Jean-François Longeot , le maire d’Ornans. Une pierre de plus à l’édifice touristique de la vallée.
Et quand on écoute l’historien Robert Chapuis, on ne peut que croire à ce projet. « En 1122, les vins d’Ornans ont le privilège de se mesurer aux meilleurs crus comtois : Arbois, Château-Chalon et Gy ». Et de citer un confrère « La vigne était la joie, l’espoir de la vallée. Ornans, Vuillafans, Mouthier ne vivaient que d’elle« .
« A la veille de la Révolution, la Haute-Loue compte environ 1000 hectares de vigne dont 280 à Ornans et 230 à Vuillafans, 180 à Mouthier-Haute-Pierre, 130 à Lods, 90 à Montgesoye mais seulement 36 à Scey et 9 à Maisières. »
Et puis il y a eu la concurrence des vins du Midi, les maladies, les guerres, le départ des paysans pour les usines… Le commerce du vin avait définitivement disparu de la vallée à la fin de la seconde guerre mondiale. Et c’est pour qu’il ne disparaisse pas une seconde fois que le vigneron Denis Pin a lancé dernièrement son appel à l’aide.
Isabelle Brunnarius
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