La troupe de Thomas Ostermeier joue Richard III à Clermont-Ferrand (seules dates de province depuis Avignon en 2015) pendant trois soirs. La première, vendredi soir, a été ovationnée par le public, conquis par ce scélérat qu’incarne avec une folie appropriée le comédien Lars Eidinger.
La salle Jean Cocteau était pleine vendredi soir pour voir cette curiosité dont on a tant parlé lors de sa création à Avignon en 2015. Au bout d’une demi-heure pourtant, un spectateur n’y tenait plus et décide de quitter la salle. Il faut dire que la troupe n’a pas été tendre avec le public depuis le début du spectacle: musique hurlante, des comédiens qui sautent comme des cabris d’un bout à l’autre du décor mais aussi d’un bout à l’autre de la salle et un Richard III plus affreux encore qu’il ne l’avoue lui-même au début de la pièce. Sur la scène, Lars Eidinger interrompt sa tirade shakespearienne et interpelle le déserteur pour lui dire « au revoir« . Après ça, difficile pour un autre mécontent de s’extraire de ce royaume nauséabond que le metteur en scène Thomas Ostermeier a édifié sur les vers déjà bien pervers de Shakespeare.
Je suis comme un miroir », Lars Eidinger à propos de son personnage Richard III
A moins bien sûr que ce courageux fuyard n’ait été le seul à vouloir fuir… Car si ce Richard III nous repousse admirablement, il nous embobine aussi diablement. Comme il trompe l’esseulée Lady Anne qu’il a privé d’un père et d’un époux, il nous fascine en gesticulant comme un pantin désarticulé autour de son mic qu’il agite pour tour à tour déclamer, cracher sa haine, livrer ses plans et même rapper like a ripper. « Je suis comme un miroir, nous confie le comédien Lars Eidinger à propos de son personnage, je leur (les spectateurs) renvoie leur propre image. D’abord, ils vont se moquer d’eux-mêmes et à la fin, ils sont choqués de voir leur vrai visage. » Et c’est vrai que ce n’est pas simple de regarder en face l’ignominie dont l’homme est capable. Car ce Richard III ne cache rien de ses pensées les plus malsaines et se sert de nous comme des pages d’un journal intime sur lesquelles il écrit son Histoire. En laissant son acteur improviser et jouer avec son auditoire, Thomas Ostermeier renforce la perversité du dramaturge anglais qui règle ses comptes avec l’âme humaine en aparté.
Répétitions de Richard III à Clermont-Ferrand
Prochaines représentations: Samedi 15 Avril à 20h30 et dimanche 16 Avril à 17h00. Du 21 au 29 juin 2017 au Théâtre de L’Odéon, Paris.