04 Sep

Visa inquiet croit en l’avenir du photojournalisme

Soirée de projection au Campo Santo DR

Des soirées de projection sont organisées tous les soirs au Campo Santo, pendant la première semaine de Visa pour l’image. © Mazen Saggar.

Des paysages dévastés, des bateaux surchargés, des hommes et des femmes qui pleurent, qui crient, qui sourient. Les vingt-six expositions proposées cette année à Visa pour l’image ont encore une fois offert un reflet lucide du monde.

On lui reproche parfois de trop mettre en avant des photographies brutales, violentes : Jean-François Leroy, directeur du festival, assume pleinement. Il a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler sa conception du photojournalisme lors du débat, jeudi matin, face à Lars Boering, directeur du World Press Photo (non exposé à Perpignan cette année). Sa critique du World Press Photo of the year résume sa pensée : « Pour moi, la photo de l’année aurait dû traiter de ce qui se passe avec Ebola, Daech. L’actualité ne se déroulait pas dans la chambre d’un homosexuel russe. »

Continuer la lecture

Photojournaliste, un métier qui s’uberise

Photojournaliste, un métier en pleine mutation. © Justin Mourez

Le métier de photojournaliste est en pleine mutation. © Justin Mourez

De plus en plus précaires, les photojournalistes sont-ils les « sacrifiés » du monde de la presse ? Pour alerter les pouvoirs publics, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) publie une enquête alarmante présentée à Perpignan, vendredi 4 septembre à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication.

« S’il faut tapiner devant une mairie pour prendre des photos de mariage, je le ferai. » Georges Bartoli, photojournaliste depuis 30 ans, est prêt à tout pour travailler. Il est photographe avant d’être photojournaliste. Et il n’est pas le seul à accepter ce qui aurait paru inacceptable il y a quelques années. Sur Wedding photojournalist association, une plateforme en ligne, créée en 2002 dans le Connecticut, des photographes de presse proposent leurs services : les mariages y sont traités comme des reportages et les mariés comme les héros d’une histoire. Ils travaillent aussi pour des institutions, des comités d’entreprise ,ou des ONG. « Le savoir-faire est le même. Par définition, le métier est chaotique », résume Georges Bartoli. « Le métier est un champ de ruines », surenchérit Patrick Bard.

Continuer la lecture

Le Top 5 des pires phrases entendues par les photojournalistes

Petit florilège des pires phrases entendues par les photojournalistes au cours de leur carrière à propos de leur profession ou de leurs travaux.

Comme Edouard Elias, énervé d’entendre toujours les mêmes clichés sur la retouche photo. « Ça se faisait au temps de l’argentique et encore maintenant. L’important, c’est que ça ne dénature pas l’info », rabâche-t-il. Ou comme lorsque Gilles Favier, dans les années 1980, est venu présenter au Nouvel Obs le fruit – en noir et blanc – de dix ans de travail sur le conflit en Irlande du Nord et qu’on lui a répondu qu’il aurait été parfait… en couleurs ! Dur.

ZOE BARBIER et BENJAMIN CHAUVIRE

Visa pour l’image, un coup de projecteur qui dure

Diana Zeyneb Alhindawi vient d'être récompensée du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge.

Diana Zeyneb Alhindawi a reçu mercredi soir le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge. © CAROLINE MALCZUK

Que deviennent les lauréats de Visa pour l’image, après avoir reçu leurs prix ? Tous poursuivent les projets engagés grâce à l’argent reçu. Mais le festival est aussi et surtout le moyen d’acquérir une notoriété. Car les jeunes photographes, habituellement derrière leur appareil, sont soudain mis sur le devant de la scène.  

Pour certains, l’impact a été immédiat. En juin 2015, Diana Zeyneb Alhindawi apprend qu’elle est lauréate du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge pour son travail sur le procès pour viol à Minova de militaires de la République démocratique du Congo. Les mois suivants, ses photos ont été publiées dans Paris Match, The Toronto Star, sur Newsweek.com. Elles sont actuellement visibles à Visa pour l’image, à Perpignan. Cette travailleuse humanitaire, qui était basée en République démocratique du Congo au moment de la prise des clichés, fait de la photographie professionnelle depuis deux ans. Elle ne s’attendait pas à gagner . « Je ne réalise pas encore ! Je n’étais pas du milieu. J’ai juste envoyé mon travail. Je voulais que les gens sachent ce qu’il se passait. J’ai été surprise quand j’ai reçu l’appel. » Ce prix lui a été remis en main propre mercredi soir.

Continuer la lecture

Librairie éphémère de Visa : des « oeuvres qu’on ne trouve nulle part ailleurs »

Corinne Duchemin, responsable de la Librairie éphémère de Visa pour l'image avec son livre-photos coup de coeur de l'année. © Anne-Sophie Blot

Corinne Duchemin, responsable de la Librairie éphémère de Visa pour l’image, avec son livre-photos coup de coeur de l’année. © Anne-Sophie Blot

« Les gens achètent des livres de photos parce qu’une photo c’est une émotion, une claque. Ils veulent s’en emparer. » Corinne Duchemin s’occupe de la libraire éphémère de Visa pour l’image depuis onze ans. Sa priorité : proposer de l’originalité en permanence autour d’un concept « qui n’existe nulle part ailleurs ». Pour y parvenir, la professionnelle des livres depuis 25 ans commande des ouvrages dans le monde entier, « en Chine, Afghanistan, Mongolie… Toujours à la recherche de la perle rare ».

La librairie éphémère dispose de 600 références, 4 500 volumes. Parmi eux, un fonds d’incontournables comme Capa, Depardon, des coups de cœur de la libraire présents à chaque Visa sur les étals, et beaucoup de nouveautés. « Cette année, la richesse de la production est impressionnante. C’est la preuve que le livre photo va bien. » Corinne Duchemin note en revanche une baisse de la production de livres sur la guerre.

Continuer la lecture

03 Sep

#MIGRANTS « Somebody’s child » : les professionnels de la photo réagissent

© EPA/DOGAN NEWS AGENCY

© EPA/DOGAN NEWS AGENCY

Depuis mercredi, la photo d’un enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque interroge la presse internationale et enflamme les réseaux sociaux depuis hier. Il s’appelait Aylan Kurdi, avait 3 ans, et venait de Kobané. Son corps a été rejeté sur la plage de Bodrum avec ceux de onze autres personnes, dont sa mère et son frère âgé de 5 ans.

La Turquie et l’Angleterre, notamment, ont choisi de publier ce cliché en Une. En France, les médias ont mis du temps à réagir avant de la diffuser également.

Présents à Perpignan, les professionnels de la photo s’interrogent : fallait-il la publier ? Si oui, était-ce le meilleur moyen de secouer l’opinion publique ? Continuer la lecture

Éditeurs photos : comment leur taper dans l’oeil

Geronimo Molina, photographe colombien, présente son travail à Gilles Favier, directeur artistique du festival ImageSingulières.

Geronimo Molina, photographe colombien, présente son travail à Gilles Favier, directeur artistique du festival ImageSingulières. © Camille Vittet

A Visa, les éditeurs photos et les iconographes enchaînent les rendez-vous, sélectionnent les travaux des photoreporters qui pourraient intéresser leurs titres. Voici quelques clés pour préparer un entretien et décrocher une publication.

Difficile pour un photojournaliste de percer sur un marché saturé d’images. Pour y parvenir, Laetitia Guillemin et Emmanuel Zbinden, membres de l’ANI (Association nationale des iconographes), insistent sur le langage visuel. « C’est très comparable au style littéraire. Le langage visuel marque la singularité d’une personne », explique Emmanuel Zbinden.

« Prenons le sujet des migrants. Un photographe montrera un aspect personnel du sujet en ayant une écriture en noir et blanc, avec beaucoup de contrastes. Un autre choisira la couleur pour être dans une réalité plus immédiate », détaille Laetitia Guillemin. Cette iconographe indépendante travaille notamment pour le Monde diplomatique. Elle considère le langage visuel comme un moyen pour le photographe de faire passer un message plus fort.

Continuer la lecture

Retouche : jusqu’où ne pas aller trop loin ?

Grâce à Photoshop, il est facile de retoucher une photo. Photo H.S.

Grâce à Photoshop, il est facile de retoucher une photo. © LN S.

Les outils actuels permettent tous les excès. Aux photojournalistes de se limiter aux réglages essentiels, histoire de ne pas se décrédibiliser.

Les petits arrangements avec la réalité peuvent coûter cher : en 2009, Klavs Bo Christensen avait été exclu du concours de la Photo de l’année, au Danemark, pour avoir saturé les couleurs et les contrastes d’images qu’il avait prises à Haïti. Le curseur avait été poussé trop loin. Car « tous les photographes retouchent », assure Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef du magazine de photojournalisme 6 Mois. Les professionnels, sans tabou, assument utiliser les logiciels comme Photoshop ou Lightroom. Mohamed Abdiwahab, 28 ans, qui a travaillé en Somalie pour l’AFP, modère : « Parfois, j’ajuste la luminosité ou le contraste, mais c’est tout. De toute façon, on ne peut pas tout changer : le ciel bleu ne peut pas devenir rouge ! » Continuer la lecture

Visa / World Press Photo : la réconciliation

Une des photo de la série :" la ville noire " de l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet. L'homme sur l'image est le patron d'un bar de Charleroi

Une des photos de la série : « La ville noire » de l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet. L’homme sur l’image est le patron d’un bar de Charleroi. © Giovanni Troilo

C’était un moment attendu de cette édition de Visa pour l’image. Jean-François Leroy face à Lars Boering, Visa face à World Press. Deux visions du photojournalisme se sont exprimées ce jeudi matin, au cours d’un débat courtois mais animé au Palais des Congrès. L’absence de prix World Press au festival perpignanais cette année ? « Ce n’est pas simplement l’histoire du reportage de Troilo sur Charleroi qui a motivé mon choix. Cela fait plusieurs années que le World Press Photo of the year n’en est plus un », explique Jean-François Leroy.

C’est la première fois que tous deux débattent autour de la polémique suscitée par le retrait du prestigieux prix de photojournalisme à l’Italien Giovanni Troilo, accusé de manipulation et distorsion de la réalité. Le directeur de Visa pour l’image a refusé d’accueillir l’exposition à Perpignan.

Jean-François Leroy reproche avant tout au World Press de ne plus faire la part belle à l’actualité : «  Pour moi, la photo de l’année aurait dû traiter de ce qui se passe avec Ebola, Daech. L’actualité ne se déroulait pas dans la chambre d’un homosexuel russe ». La foule rigole, Lars Boering encaisse.

Lorsque le directeur de Visa vante « le classicisme » des photographes exposés à Visa, Boering revendique une vision plus ouverte du photojournalisme : « La photo a changé et elle aura encore changé quand on aura 70 ans. Le World Press doit refléter cette évolution ».

Le directeur général de l’organisation, basée à Amsterdam, a fait part de son vœu « de revenir à Visa l’année prochaine ». Jean-François Leroy ne ferme pas la porte : « On serait très heureux de vous accueillir à nouveau (…) Il faut arrêter la course à la création de catégories. Pourquoi vouloir toujours réinventer le photojournalisme ? » Lars Boering évoque sa lassitude « face à la controverse ». « Les règles de notre prix vont changer en 2016. Il y aura bientôt une seule catégorie au World Press Photo, sur un projet à long terme », promet-il.

Alors, World Press de retour à Perpignan l’an prochain ? « Une collaboration devrait être possible », espère Lars Boering. La salle applaudit. Les deux hommes s’étreignent. Les flashs crépitent. Réconciliés ?

 

Revivez notre direct :

Continuer la lecture

02 Sep

Omar Havana : « La vie revient au Népal »

Omar Havana présente son exposition "Séisme au Népal" au Couvent des minimes.

Omar Havana présente son exposition « Séisme au Népal » au Couvent des minimes.

Photojournaliste pour Getty images, Omar Havana a travaillé à Cuba puis au Cambodge pour s’installer ensuite au Népal. En avril 2015, un séisme ravage le pays. Il présente à Visa pour l’image une série de photos prises dès les premières minutes de la catastrophe jusqu’au début de la reconstruction. 

« J’étais en train de dormir, quand tout a tremblé. Je suis sorti dans la rue avec ma femme, les murs tombaient, les Népalais criaient. Là, j’ai su. J’ai pris mon appareil. Il y avait une photo devant moi, une à côté, une derrière. Et j’appuyais, j’appuyais… Je suis passé en mode automatique », se souvient Omar Havana alors qu’il présente son exposition aux visiteurs. Le photojournaliste espagnol a été pris au cœur de la plus grosse catastrophe naturelle de l’année.

Ses photos relatent chronologiquement les premiers secours, le temps du deuil, la reconstruction. Au plus près des Népalais, les vrais héros de ce reportage, avec qui il entretient une relation privilégiée : « Ils venaient nous chercher pour nous montrer : « Voilà ma maison, ma famille est morte. Montrez ça au monde », et je photographiais tout. Il n’y avait pas d’armée, personne pour aider, juste des journalistes ». Très critique envers le traitement médiatique de la catastrophe, Omar Havana a vu arriver dès les premiers jours une horde de reporters : « Ils cherchaient les corps, gênaient les gens qui sortaient les morts des décombres. Je me suis dit : « Si c’est ça le journalisme, je ne veux pas en être » ».

Continuer la lecture