03 Sep

Retouche : jusqu’où ne pas aller trop loin ?

Grâce à Photoshop, il est facile de retoucher une photo. Photo H.S.

Grâce à Photoshop, il est facile de retoucher une photo. © LN S.

Les outils actuels permettent tous les excès. Aux photojournalistes de se limiter aux réglages essentiels, histoire de ne pas se décrédibiliser.

Les petits arrangements avec la réalité peuvent coûter cher : en 2009, Klavs Bo Christensen avait été exclu du concours de la Photo de l’année, au Danemark, pour avoir saturé les couleurs et les contrastes d’images qu’il avait prises à Haïti. Le curseur avait été poussé trop loin. Car « tous les photographes retouchent », assure Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef du magazine de photojournalisme 6 Mois. Les professionnels, sans tabou, assument utiliser les logiciels comme Photoshop ou Lightroom. Mohamed Abdiwahab, 28 ans, qui a travaillé en Somalie pour l’AFP, modère : « Parfois, j’ajuste la luminosité ou le contraste, mais c’est tout. De toute façon, on ne peut pas tout changer : le ciel bleu ne peut pas devenir rouge ! »

« Les réglages, ça peut presque suffire »

La retouche existe depuis la naissance de l’argentique. Il n’était pas rare dans la chambre noire que les photographes interprètent leur image en jouant sur les contrastes ou les recadrages. Il y a également toujours eu des puristes. Jusque dans les années 80, la plupart des photographes se pliaient à la « règle du bord noir », l’héritage de Cartier Bresson avec ses images à bord noir, preuve qu’elles n’avaient pas été recadrées. Aujourd’hui, les règles sont plus souples, le matériel est sophistiqué. Selon Florian Tomasini, qui expose pour la deuxième fois aux Off de Visa une série de clichés pris au Bénin, « si les réglages de l’appareil photo sont bien préparés, ça peut presque suffire ». Mais il admet que cela ne l’empêche pas d’utiliser des logiciels de retouche.

Jean-François Leroy n’est pas réfractaire à la modification des photos. « Si c’est retoucher des courbes, ça ne me dérange pas, mais si vous ajoutez ou retirez quelque chose, ça me dérange. » Depuis 2011, il demande aux photographes, avant de les exposer à Visa, leurs fichiers informatiques bruts et originaux (RAW), afin de les comparer avec les tirages.

Jusqu’à quel point les photojournalistes peuvent-ils s’autoriser à « sublimer » la réalité ?

Entre photo journalistique et photo artistique, la frontière est de plus en plus floue pour certains reporters. « Où est la limite ? J’en fais une mais je sais que certains n’en font pas », confirme Adrienne Surprenant, jeune Canadienne qui expose ses photos sur le Nicaragua à Visa.

La directrice de 6 Mois apporte un éclairage : « Ce qui importe dans le photojournalisme, c’est le fond. Il doit y avoir une histoire, avec une attaque, une chute et un fil narrateur. La photo n’est qu’un moyen, un outil de communication. » Les photos trop retravaillées sont donc perçues par la profession comme une création, et non comme une information.

ZOÉ BARBIER, VIRGINIE BOQUIN, THIBAUT CARAGE et JEROME ROBILLARD