03 Sep

Éditeurs photos : comment leur taper dans l’oeil

Geronimo Molina, photographe colombien, présente son travail à Gilles Favier, directeur artistique du festival ImageSingulières.

Geronimo Molina, photographe colombien, présente son travail à Gilles Favier, directeur artistique du festival ImageSingulières. © Camille Vittet

A Visa, les éditeurs photos et les iconographes enchaînent les rendez-vous, sélectionnent les travaux des photoreporters qui pourraient intéresser leurs titres. Voici quelques clés pour préparer un entretien et décrocher une publication.

Difficile pour un photojournaliste de percer sur un marché saturé d’images. Pour y parvenir, Laetitia Guillemin et Emmanuel Zbinden, membres de l’ANI (Association nationale des iconographes), insistent sur le langage visuel. « C’est très comparable au style littéraire. Le langage visuel marque la singularité d’une personne », explique Emmanuel Zbinden.

« Prenons le sujet des migrants. Un photographe montrera un aspect personnel du sujet en ayant une écriture en noir et blanc, avec beaucoup de contrastes. Un autre choisira la couleur pour être dans une réalité plus immédiate », détaille Laetitia Guillemin. Cette iconographe indépendante travaille notamment pour le Monde diplomatique. Elle considère le langage visuel comme un moyen pour le photographe de faire passer un message plus fort.

Laetitia Guillemin et Emmanuel Zbinden font partie des dix membres de l'ANI qui effectuent, dans le cadre de Visa pour l'image, des lectures de portfolios au Palais des Congrès.

Laetitia Guillemin et Emmanuel Zbinden font partie des dix membres de l’ANI qui effectuent, dans le cadre de Visa pour l’image 2015, des lectures de portfolios au Palais des Congrès. © Camille Vittet

Autre critère important ? La manière dont le photographe aborde son sujet. « La photo, c’est aussi la relation et la rencontre avec l’autre. La façon dont on l’approche, et la part de respect quand on le photographie », poursuit Laetitia Guillemin. Autrement dit, la manière de représenter « l’humain ». Elle a eu un coup de coeur pour le travail d’approche de  Nadège Mazars. La photographe a en effet mis deux ans pour entrer en contact avec un groupe de Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) avant de se faire adopter.

Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef du magazine 6mois, évoque quant à elle des critères propres à sa publication. Sa revue raconte le XXIe siècle en images. « Les photos doivent être très bonnes. Mais il faut aussi que ce soit du journalisme ». Pour la rédactrice en chef, le photographe doit « s’interroger sur le monde qui bouge », « aller au-delà des constats » et « être décalé ».

« Raconter une histoire »

« Les séries ne nous intéressent pas. Nous voulons du mouvement, une attaque, une chute. Il faut raconter une histoire », poursuit Marie-Pierre Subtil. Beaucoup de photographes travaillent, selon elle, sur « le monde en disparition », sans aller plus loin. « Parce que c’est ce que demande la presse ».

Autres impairs généralement commis : « Une différence entre l’intention et le contenu. Quand l’ambition n’est pas atteinte », relève Laetitia Guillemin. Pour Emmanuel Zbinden, les images manquent parfois de cohérence entre elles pour articuler l’editing (la sélection des images). « Les photographes oublient des étapes ou des éléments charnières, ou veulent en dire trop ». Les iconographes conseillent donc « de se renseigner comme un journaliste ». Et de bien définir son angle avant de partir.

5 conseils pour percer sur le marché de l’image

  1. Se renseigner sur les photos déjà publiées. « Si un sujet a été beaucoup traité, il vaut mieux choisir un angle spécifique que de répondre à la totalité de la question », recommandent Laetitia Guillemin et Emmanuel Zbinden.
  2. Penser aux photoreportages locaux. « Les photographes ont un grand désir d’aller à l’autre bout du monde. Mais c’est déjà pas mal d’aller en bas de chez soi », invite Laetitia Guillemin.
  3. Présenter une trentaine de photos en entretien. « C’est le bon équilibre. Il faut de la matière, mais pas trop pour éviter de se perdre », précise Emmanuel Zbinden. Les deux iconographes conseillent aussi de présenter un travail structuré et de bannir les photos isolées.
  4. Etre sûr de soi. Pour Jeremy Suyker, publié récemment dans le magazine 6mois, il ne faut pas avoir peur d’aller vers les représentants de magazines, ni avoir l’impression de déranger. Le photographe de 30 ans conseille d’être souriant et avenant. Et de faire comprendre que l’on est là pour travailler.
  5. Etre persévérant. Martin Barzilai, photographe français basé à Buenos Aires, recommande surtout « d’y croire ». « Il ne faut pas se laisser abattre par des critiques parfois dures », encourage le jeune homme, notamment publié dans l’Obs.

CAMILLE VITTET