04 Sep

Visa pour l’image, un coup de projecteur qui dure

Diana Zeyneb Alhindawi vient d'être récompensée du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge.

Diana Zeyneb Alhindawi a reçu mercredi soir le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge. © CAROLINE MALCZUK

Que deviennent les lauréats de Visa pour l’image, après avoir reçu leurs prix ? Tous poursuivent les projets engagés grâce à l’argent reçu. Mais le festival est aussi et surtout le moyen d’acquérir une notoriété. Car les jeunes photographes, habituellement derrière leur appareil, sont soudain mis sur le devant de la scène.  

Pour certains, l’impact a été immédiat. En juin 2015, Diana Zeyneb Alhindawi apprend qu’elle est lauréate du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge pour son travail sur le procès pour viol à Minova de militaires de la République démocratique du Congo. Les mois suivants, ses photos ont été publiées dans Paris Match, The Toronto Star, sur Newsweek.com. Elles sont actuellement visibles à Visa pour l’image, à Perpignan. Cette travailleuse humanitaire, qui était basée en République démocratique du Congo au moment de la prise des clichés, fait de la photographie professionnelle depuis deux ans. Elle ne s’attendait pas à gagner . « Je ne réalise pas encore ! Je n’étais pas du milieu. J’ai juste envoyé mon travail. Je voulais que les gens sachent ce qu’il se passait. J’ai été surprise quand j’ai reçu l’appel. » Ce prix lui a été remis en main propre mercredi soir.

L’impact a été moins flagrant pour Corentin Fohlen, qui, contrairement à Diana Zeyneb Alhindawi, avait déjà son « réseau » lorsqu’il a reçu le Visa d‘or du jeune reporter en 2010. Sa carrière était lancée, avec notamment des reportages sur Bangkok et sur Haïti. Pour lui, les retombées n’ont pas été directes. « Dans les trois mois qui ont suivi Visa, je n’ai eu aucun appel, aucune commande. A vrai dire, je n’ai jamais eu aussi peu de commandes ! Tu te poses des questions, quand même », sourit-il. Pour lui, il y a deux explications possibles : « C’était un prix sur l’actualité et il n’y avait déjà quasiment plus de commandes des journaux sur le news. Et deuxièmement, je me dis que les rédactions ne prennent pas forcément en compte les prix que tu reçois. » Il reconnaît pourtant que les effets se sont fait ressentir, un peu plus tard, mais surtout à l’étranger. « Ce prix a mis mon nom sur le devant de la scène. »

Diana Zeyneb Alhindawi a gagné sa place dans le métier. « Maintenant, quand je vais voir les gens du milieu, certains me reconnaissent. Mais bien sûr, c’est à vous de faire des efforts pour les rencontrer. » Car ce n’est pas tout de gagner un prix, il faut travailler dur pour cultiver cette nouvelle notoriété. Corentin, qui a pourtant déjà publié dans le Time, a rencontré pour la première fois une personne du magazine américain, cette semaine, à Visa. « Il y a eu des milliers de photographes qui ont eu des prix et on ne les appelle plus. Il faut faire tes preuves tout le temps. Si ton sujet est nul, s’il n’est pas intéressant, il n’est pas intéressant. »

Des bourses qui financent des projets

Arnau Bach, 33 ans, photographe espagnol, qui a reçu en 2013 le prix Alexandra et Pierre Boulat, a réussi à faire durer ce coup de projecteur. Avec les 8 000 euros reçus, il a enchaîné avec un projet sur les banlieues de Marseille. « Capital » a été projeté en 2014, à Visa. Il est exposé aujourd’hui à la galerie de l’agence Cosmos, à Paris, tenue par Annie Boulat, la mère d’Alexandre. Il part pour Zagreb, en Croatie, où son projet est présenté par un festival de photojournalisme. « Quand vous montez sur la scène pour qu’on vous remette le prix, les gens voient votre visage. Ils voient vos photos. J’ai reçu des appels, des messages. » Et pourtant, pour arriver à Visa, tout comme Diana Zeyneb Alhindawi, il avait simplement envoyé un portfolio et une explication de son futur projet. Le journal espagnol pour lequel il travaillait venait de mettre la clé sous la porte. Depuis, il a reçu des commandes de Newsweek, du New York Times, du New Yorker, et du magazine allemand Stern.

Un tremplin, avec ou sans prix

Jérémy Suyker, jeune photojournaliste, n’a jamais exposé à Visa, ni reçu de prix. Pour autant, le festival est pour lui un tremplin. « Moi, ce qui m’intéresse, c’est surtout de rencontrer les personnes qui me permettront de publier mes reportages dans des magazines. » Et c’est ce qui s’est passé l’an passé. « J’avais envoyé un reportage à Jean-François Leroy, directeur du festival, sur les artistes en Iran mais après la dead-line, il n’a pas été retenu. Par contre, je suis venu à Perpignan le présenter aux magazines. » Ainsi, l’an passé, fort d’une publication dans 6 Mois, il a réussi à vendre son sujet. Quatorze pages dans Geo Allemagne vendues 7 000 euros, quatre pages dans Newsweek Japan pour 1 600 euros, mais aussi six pages dans L’Obs à 2000 euros. Tout comme Corentin Fohlen, qui vend mieux à l’étranger, Jérémy Suyker remarque:« je ne gagne pas ma croûte en France. »

Prix ou pas, Visa reste le moment où le milieu se retrouve. Pour se rencontrer, pour exposer, pour recevoir des prix ou simplement pour essayer de travailler. Qu’ils percent ou non, la première semaine de septembre, à Perpignan, « c’est un peu la rentrée » pour les photojournalistes.

CAROLINE MALCZUK & MARINE LANGEVIN