Avec l’exposition La Syrie d’Assad, le Russe Sergey Ponomarev montre un pays où la vie suit son cours malgré la guerre. Sa nationalité lui a ouvert beaucoup de portes à Damas. Sa profession de photojournaliste lui a permis de contourner au mieux la propagande.
Sergey Ponomarev a choisi de raconter le conflit depuis le « camp » de Bachar Al-Assad et de son armée. « Le fait que je sois russe a été un atout pour me faire accepter par le régime, quel que soit le journal pour lequel je travaille», explique-t-il lors de sa rencontre avec les festivaliers à Visa pour l’image, mardi 1er septembre, au Palais des congrès de Perpignan.
Le photographe du New-York Times s’est rendu à deux reprises en Syrie, à Damas et Homs, en août 2013 et mars 2014. Sur ses clichés, la capitale du pays semble « au premier abord, une ville comme les autres. J’ai trouvé intéressant de raconter le conflit du point de vue du régime. La version des rebelles a déjà été largement relayée dans les médias. Bien sûr, ça n’a pas été facile de côtoyer les partisans de Bachar Al-Assad, qui tue son propre peuple, mais on ne peut pas juger son régime qu’à travers les morts. Il faut voir comment cela se passe à l’intérieur ». Être Russe a aussi facilité les relations de Sergey Ponomarev avec les militaires qu’il a beaucoup photographiés. « La première chose qu’ils m’ont dite en me voyant, c’est « Félicitations pour la Crimée » », confie-t-il avec un rire nerveux.
Contrastes saisissants
Mais venir d’un pays proche du régime n’a pas donné tous les droits au photographe, accompagné par trois autres journalistes du New York Times de nationalités différentes. « Une fois notre visa obtenu, nous avons gagné du terrain, petit à petit, au fil de longues négociations avec les fixeurs, les agents du bureau politique, les militaires, etc. » Sur place, les journalistes se sont aussi heurtés au poids de la dictature. Ils étaient suivis en permanence par un accompagnateur et un interprète officiels. « Il fallait passer des contrôles routiers tous les 100 mètres pour montrer nos autorisations de travail. Lorsque nous demandions à aller quelque part, le ménage était fait avant notre arrivée. »
A travers ses rencontres à Damas, le photographe, récompensé au World Press Photo 2015, a saisi les Syriens au café, en train de faire leur courses, se rendant à la mosquée, et pour qui « le bruit des obus qui résonnent toutes les quinze minutes est devenu familier ». C’est en se rendant dans la banlieue de la capitale, en particulier dans le quartier de la Ghouta, un bastion de l’Armée syrienne libre, qu’il a découvert les traces des affrontements.
© Lisa Sanchez
Le contraste est encore plus saisissant avec les images prises à Homs, ville contrôlée par l’opposition durant deux ans et reprise par le gouvernement au prix de lourdes pertes et destructions. « Il y a d’un côté Damas, la ville effervescente et de l’autre Homs, la ville fantôme. »
Le photojournaliste de 34 ans a pu discuter avec ces Syriens qui ont choisi de rester dans leur pays. « Certains détestent le régime mais pensent qu’il est le meilleur du pire. Il n’y a pas que des pro-Assad et des anti-Assad, ce n’est pas si manichéen ». Sergey Ponomarev évoque la difficulté de distinguer le réel de l’illusoire. « Nous avons souvent l’impression d’être perdus dans un labyrinthe de miroirs, de vitres opaques. »
La propagande exercée par Bachar-al-Assad lui rappelle un peu celle des années du régime soviétique. Il affirme que ses images n’ont pas été censurées par le régime syrien et qu’il n’a pas subi de pression après leur parution dans le New-York Times. Certaines de ses légendes semblent pourtant manquer de distance.
En dessous d’une photographie réalisée dans le quartier de la Ghouta à Damas, il affirme que son sujet, un militaire de l’armée syrienne, a trouvé des armes chimiques. Une affirmation qui aurait mérité d’être nuancée car elle suggère que les opposants les ont déposées. Le doute persiste toujours sur les responsables des attaques chimiques. Lorsqu’on lui demande s’il pourrait se rendre dans le camp des opposants à l’avenir, sa réponse est résignée et sans appel : « Je ne crois pas que je me ferais accepter. Ils peuvent désormais googliser mon nom et trouver mon reportage aux côtés des militaires. Ce sont des gens trop passionnés par leur lutte pour entendre que je ne fais que mon travail de journaliste ».
ANNE-SOPHIE BLOT ET LISA SANCHEZ
Le festival Visa pour l’image expose une autre série de photographies sur la Syrie. Il s’agit du travail de la photojournaliste américaine Linsey Addario qui a suivi les réfugiés syriens au Moyen-Orient, aux frontières avec la Turquie, la Jordanie, le Liban et l’Irak. Ses photographies sur ces familles en détresse montrent un tout autre regard sur la Syrie. Elles sont exposées au Couvent des minimes, tout comme le travail de Sergey Ponomarev.