Viols, agressions et abus sexuels… Des crimes contre les femmes passés sous silence dans l’armée américaine. Mary F. Calvert les dénonce dans une série de photos exposée au Couvent des Minimes dans le cadre de la 26e édition de Visa pour l’image à Perpignan.
Indécise. Mary F. Calvert ne sait pas quel cliché choisir. Quelle femme l’a le plus touchée parmi celles photographiées dans son exposition « Une lutte passée sous silence : les agressions sexuelles au sein de l’armée américaine ». Jessica Hinves, Jennifer Norris, Carrie Goodwin, Sophie Champoux, Heather Picovitch ont toutes été violées ou harcelées sexuellement. Elles étaient mécaniciennes spécialisées dans les avions de chasse, sergent, recruteur ou membre du corps des Marines. Et l’armée a étouffé leur voix. Leur crime : avoir parlé. Pourtant, les affiches de prévention placardées dans les casernes militaires le leur conseillaient. « Je me suis toujours dit que ces messages ne servaient à rien. Ils m’interpelaient à chaque fois que j’animais des formations en photographie dans des casernes. Je ne pensais pas que ça pouvait arriver dans l’armée américaine. »
Raconter l’histoire de ceux qui n’ont pas de voix
De nombreuses femmes militaires seraient concernées : près de 26 000. Mais, peu osent en parler. Mary F. Calvert est partie à leur rencontre. « J’ai voulu être journaliste pour raconter l’histoire de ceux qui n’ont pas de voix. Mes photos doivent être le reflet de la société. » Une première femme a témoigné, d’autres ont suivi. Certaines pour se sentir mieux, comme une thérapie. « Elles ont toutes été assez courageuses pour accepter que je raconte leur histoire, pour me laisser les photographier dans leur quotidien. »
Dépression, stress post-traumatique, suicide, Mary F. Calvert affiche les conséquences de viols. « Pour intégrer l’armée, il faut passer des tests physiques et psychologiques. Et, étrangement, juste après avoir dénoncées leurs agresseurs, ces femmes sont déclarées folles et mises à l’écart. Ça n’a aucun sens pour elles ! », s’agace la photojournaliste.
Jennifer Norris en a fait l’expérience. « Elle passait des épreuves pour entrer dans l’armée de l’air. Un jour, son recruteur l’a invitée à une fête. Quand elle est arrivée, elle était seule avec lui. » Droguée puis violée, c’est la fin de sa carrière. Elle tire un trait sur l’armée et, brisée, rejoint un groupe de parole. Elle y rencontre d’autres « survivantes » de viol. Son témoignage sera aussi entendu par le Congrès américain. Devant une salle quasi vide. « Il n’y a plus de place pour s’asseoir lorsqu’un joueur de baseball vient parler de problèmes de toxicomanies, raconte Mary F. Calvert. Mais là, il n’y avait personne. J’en avait le cœur brisé. » Un affront de plus pour l’ancienne militaire, et une des photos les plus marquantes de cette exposition.
Ophélie CREMILLIEUX & Laura MOREL
L’exposition « Une lutte passée sous silence : les agressions sexuelles au sein de l’armée américaine » est visible au Couvent des Minimes pendant toute la durée du 26e Festival