L’un est français, l’autre ukrainien. Visa pour l’Image expose les photos de Guillaume Herbaut et Maxim Dondyuk au couvent des Minimes, à Perpignan. Les deux photojournalistes ont une lecture du conflit ukrainien qui frôle parfois le film d’action.
Vous les avez forcement vues en lisant les magazines et quotidiens évoquant le conflit ukrainien. Votre œil s’est arrêté sur ces combattants en tenue de ski affrontant des soldats bien armés, ou ces combats, place Maïdan, aux couleurs surréalistes.
Maxim Dondyuk et Guillaume Herbaut ont été les témoins directs de ces événements cruciaux, à Kiev comme dans le Donbass, théâtre de violents affrontements entre Ukrainiens et militaires russes.
Pas facile de prendre de la distance lorsqu’un conflit se passe dans son propre pays. « Quand j’ai couvert Maïdan, j’ai perdu beaucoup d’amis en Russie, et quand j’ai couvert les pro-russes, j’ai perdu beaucoup d’amis ukrainiens », témoigne Maxim Dondyuk. Le jeune homme de 31 ans se considère d’ailleurs comme un militant et non comme un journaliste.
« Mon appareil photo, c’est mon journal intime »
De toute évidence plus à l’aise derrière son objectif qu’en interview, Maxim a fait de ses photos son moyen de communication. « Je ne veux pas parler, je n’aime pas expliquer. Je veux juste montrer ». Le message est clair. Le conflit ukrainien est son conflit. Au delà de l’Histoire, c’est son histoire qui se joue sous les yeux de la scène internationale. Un conflit, de la violence certes, mais également la création d’une identité au sein de la population : « La révolution a permis aux Ukrainiens de se sentir patriotes. Ce qui n’existait pas avant. »
Même constat du côté de Guillaume Herbaut. Tout aussi « épris » de la cause ukrainienne, le photojournaliste français, qui travaille en Ukraine depuis 2001, est conscient du caractère historique de l’événement.
« Il n’y a pas d’œil juste ou neutre. Chacun livre sa propre interprétation. » Les deux photographes ont vu et vécu la révolution de leur point de vue. Pour Maxim, photographe, mais « citoyen ukrainien » avant tout, c’était un devoir d’être sur la place Maïdan. « Je n’ai pas jeté de cocktail Molotov sur la police. Mon arme, c’était mon appareil. » Il déplore d’ailleurs que les photojournalistes soient trop éloignés des scènes de combats, comme Serguei Loznitsa, réalisateur du film « Maïdan », qui a utilisé un téléobjectif.
Guillaume comprend bien ce que veut dire Maxim même si, pour lui, la logistique est essentielle : « Je bénéficie d’un interprète, d’un chauffeur et je loge à l’hôtel, des conditions essentielles si l’on veut travailler en sécurité. »
Maïdan : deux regards, un même spectacle
Pour eux, les événements qui se sont déroulés sur cette place de l’indépendance « sont dignes d’un film hollywoodien ». La description que fait Maxim Dondyuk de son exposition peut surprendre. Comment une révolution peut-elle ressembler à une production cinématographique ? Pour le jeune photographe, partager l’émotion est essentiel. Il tente donc de réaliser des photos marquantes plutôt que brutales. Des photos qui font presque oublier la violence du conflit tant elles sont magnifiées. « Si la photo est belle, les gens la regarderont; ils s’en détourneront si elle trop difficile à regarder. »
Il trouve que l’éditing de ses images accentue les contrastes : le bien/le mal, le clair et l’obscur, la noirceur d’une épaisse fumée et l’éclatante blancheur de la neige. Mais il assume : « En une journée, tout peut arriver, la réalité rejoint la fiction.»
Pour Guillaume, l’Ukraine est un univers de conte, où les protagonistes du conflit s’apparentent à des personnages de fiction : Ianoukovytch est un ogre contre lequel lutte le peuple ukrainien, tels les nains du Seigneur des anneaux. « Les Ukrainiens adorent les jeux de rôle ». D’où ces scènes stupéfiantes de confrontation en costumes à la « Madmax », perchés sur des barricades de planches et de sacs remplis de glace. Le bruit est omniprésent : « A Kiev, j’aimais m’asseoir à la fenêtre de mon hôtel pour écouter le son de la rue. Jour et nuit, les manifestants tapaient avec des barres de fer. C’était fou ».
Cette folie, tous les journalistes sur place l’avaient prédite : « De la révolution orange au refus de l’accord d’association avec l’Union européenne, jusqu’à l’invasion de la Crimée en passant par les affrontements place Maïdan, nos pires pronostics se sont révélés exacts.»
Deux photographes. Deux hommes en colère face à une communauté internationale beaucoup trop spectatrice à leur goût.
Julie PHILIPPE, Céline PETIT et Aurore GENESTON
Maxim Dondyuk sera au Palais des Congrès de Perpignan jeudi 4 septembre de 10 h à 12h pour recevoir le prix de la ville de Perpignan Rémi Ochlik.