02 Sep

Visa rend hommage aux photographes disparus

Benghazi, Libye, 15 avril 2011. Ali Salem el-Faizani, 10 ans, posté au carrefour où il règle la circulation. Depuis presque deux mois, les écoles de l’est du pays sont fermées à cause du conflit en cours. Certains enfants travaillent pour passer le temps. Benghazi, Libya, April 15, 2011.   Ali Salem el-Faizani (10) at a street corner while working as a traffic officer. With schools across eastern Libya closed for nearly two months because of the ongoing civil conflict, some children such as Al, chose to work to pass the time. © Chris Hondros / Getty Images

Benghazi, Libye, 15 avril 2011.Ali Salem el-Faizani, 10 ans, posté au carrefour où il règle la circulation. Depuis presque deux mois, les écoles de l’est du pays sont fermées à cause du conflit en cours. Certains enfants travaillent pour passer le temps.© Chris Hondros / Getty Images

Camille Lepage, Anja Niedringhaus, James Foley… La liste de reporters disparus sur les champs de bataille, appareil photo en main, s’allonge chaque année. Comment témoigner sans s’exposer, c’est la question centrale de cette 26e édition. 

« Lorsqu’on est reporter, la guerre, c’est le Graal de la profession. » Par ces mots, Régis Le Sommier, directeur adjoint de Paris Match, illustre ce besoin incessant de Chris Hondros de « sauter dans le vide ». Au point d’y laisser sa vie le 20 avril 2011, en Libye.

Chaque jour, des journalistes se mettent en danger pour capter une image d’un conflit ou mettre des mots sur une guerre. Ces photos recouvrent une partie des murs de Visa pour l’image depuis vingt-six ans. Devant les disparitions de ces témoins, le festival refuse de rester muet. « C’est important de rendre hommage à ces gens qui ont pris des risques immenses pour montrer ce qu’il se passe dans le monde. Heureusement que Visa est là pour jouer ce rôle », souligne le photographe Bruno Amsellem.

 Un livre pour financer le prix Camille-Lepage

L’exposition du travail de Chris Hondros, Testament, un recueil de ses meilleures images en Irak ou en Libye, et Hommage de l’Allemande Anja Niedringhaus, tuée en Afghanistan en avril dernier, symbolisent ce rituel de Visa. L’Américain James Foley, décapité le 19 août dernier par les djihadistes de l’Etat islamique, « aura sa place lors d’une projection à Visa » samedi, annonce Jean-François Leroy, directeur général du festival.

Camille Lepage ne pouvait pas être oubliée. Assassinée en Centrafrique le 12 mai dernier, la photographe avait 26 ans. Comme le festival. « C’est une gamine que j’avais croisée par correspondance il y a deux ans, se souvient Jean-François Leroy. Elle m’envoyait des photos, je la conseillais, je lui disais ce que j’en pensais. J’ai beaucoup aimé son travail et je lui ai dit, en avril, que je lui ferai une projection. Elle devait venir me voir en juin… »

La jeune photographe ne présentera jamais ses clichés au couvent des Minimes à Perpignan. Son nom, en revanche, restera. « Un éditeur est tombé amoureux de son travail et a réalisé un livre qui est vendu symboliquement dix euros. Tout l’argent récolté doit servir à doter un prix Camille-Lepage qui devrait être décerné l’année prochaine. »

« Aucune photo ne vaut une vie »

La guerre serait-elle pour ces jeunes photojournalistes le seul moyen de percer ? « Ils pensent que ça va les faire connaître mais ils se trompent. La preuve, personne n’avait entendu parler de Camille Lepage avant qu’elle ne soit tuée, dit le directeur du festival. Elle est morte pour des photos qui n’intéressaient personne. Un journaliste peut raconter de grandes histoires sans prendre de risques inconsidérés. Aucune photo ne vaut une vie. »

Ce à quoi le photographe de guerre Patrick Chauvel qui, à 18 ans, couvrait la guerre du Vietnam, réagit spontanément par un « allez-y ! ». Et de préciser : « Je ne peux pas dire à des jeunes de ne pas aller sur les champs de bataille. On sait que c’est dangereux, ce n’est pas un scoop. Quand j’étais au Salvador, on se retrouvait le soir et on se regardait en se demandant qui va être tué. La seule chose, c’est qu’aujourd’hui, les jeunes se croient aguerris, il y a une course à l’info mais ils ne savent pas ce qu’est une vraie guerre. »

Cette tradition qui veut que l’on mette en lumière ces photographes morts en faisant leur travail n’est pas du goût de tous. « Il y a deux ans, lorsque James Foley était en Syrie, personne ne voulait de ses papiers et maintenant tout le monde l’encense », déplore un ex-otage.

Malik KEBOUR et Maud COILLARD