01 Sep

Anne Rearick : « Je photographie ce qui me touche ou me secoue »

© Anne Rearick / Agence Vu'

© Anne Rearick / Agence Vu’

Depuis dix ans, Anne Rearick photographie les mêmes gens, dans le même township, près du Cap. Elle prend son temps, une notion de base du documentaire. Ses photos en noir et blanc, exposées à Perpignan à l’occasion de la 26e édition de Visa pour l’image, dépeignent un quotidien qui n’a pas vraiment changé depuis la fin de l’apartheid. 

« Tous les jours, j’entendais qu’un homme avait été poignardé dans la rue. Par là-bas, une femme était violée, une autre tuée» La violence rythme le quotidien de Khayelitsha, un township près du Cap dont la photographe américaine Anna Rearick est une visiteuse régulière. Pourtant, les photos de la banlieue sud-africaine qu’elle expose à Visa pour l’image décrivent une autre réalité. « Certes, la vie est précaire, il n’y a pas de travail et les gens subissent l’esclavage économique, constate Anne Rearick. Mais ils sont aussi remplis de joie. Ce ne sont pas que des victimes, les enfants jouent, il y a de l’amour et les églises sont pleines le dimanche. »

 Des photos « humaines » et « poétiques »

© Anne Rearick / Agence Vu'

© Anne Rearick / Agence Vu’

Pas d’armes donc. Ni de sang ou d’images crues dans ses Chroniques d’un township. Mais des photos « humaines », voire « poétiques », confie la photographe. Pour capter ces tranches de vie, l’Américaine s’est lancée en 2004 dans un vrai travail de fond. Instaurer une confiance et entretenir l’échange durant plusieurs semaines. Sans prendre son appareil argentique.

Une fois ouvertes les portes de l’intimité de ses hôtes, Anne Rearick est entrée dans la vie des habitants de Khayelitsha. Au point d’y revenir chaque année. Elle a assisté aux rites sionistes chrétiens, a participé à des enterrements, s’est tenue aux côtés des familles qui prient et pleurent leurs proches. Elle a saisi les rires de jeunes garçons devenus des hommes après leur circoncision. « Ces choses qui me frappent, me touchent et me secouent », dit-elle. Comme ce couple enlacé qui s’embrasse, sourire aux lèvres. L’image est douce, la légende rappelle que cet homme à l’air heureux ne touche pas de salaire mais est payé en bouteilles d’alcool.

Un format carré, des clichés en noir et blanc

Intimement impliquée dans la vie du township dans lequel elle a tissé des liens, Anne Rearick est parfois rattrapée par la réalité sud-africaine, plus dure. Son regard parfois candide ne peut échapper à la misère d’une population qu’elle a cru tirée d’affaire après l’apartheid et son vent d’optimisme. Certains clichés illustrent ces maux. A l’image de cette femme au regard apeuré et aux blessures en apparence superficielles. Elle vient d’être battue par son compagnon ivre. Au point d’avoir la main et le crâne brisés, le poumon perforé.


L’exposition « Afrique du Sud. Chroniques d’un… par F3languedocroussillon

Les photos d’Anne Rearick donnent le sentiment d’être « hors du temps ». Les Chroniques d’un township s’écrivent depuis dix ans mais il est impossible de leur donner un âge. De les ancrer dans une époque. La photographe, elle, rechigne à entrer dans celle du numérique et ne vibre qu’avec son appareil argentique en main et son format unique. Parce qu’Anne Rearick voit toujours « les choses en carré ».

Malik KEBOUR & Hendrik DELAIRE

Visite de l’exposition « Afrique du Sud. Chroniques d’un township » avec Anne Rearick – mercredi 3 septembre à 16h au Couvent des Minimes.