05 Sep

Sebastian Liste : le temps de l’immersion

Dans cette usine, Sebastian Liste a pu saisi des instants très intimes. (Crédit photo : Sebastian Liste)

Sebastian Liste a passé deux ans dans une usine désaffectée du Brésil, peuplée d’exclus. Un travail singulier : le photographe observe cette étrange communauté avec le regard d’un sociologue. Cette exposition lui a valu le Prix Rémi Ochlik de la ville de Perpignan 2012.

Un homme et une femme font l’amour sur un canapé défoncé. Le photographe Sebastian Liste est dans l’intimité des habitants de cette chocolaterie désaffectée de Salvador de Bahia au Brésil. Une des photo de l’exposition Urban Quilombo,  Prix Rémi Ochlik de la ville de Perpignan 2012.

« Je les connaissais depuis deux ans. Un matin, chez lui, on discutait. Il s’est mis à fumer du crack, ce qui était normal. Puis la fille, qui était sa copine sans vraiment l’être, est arrivée. Ils ont déplacé le sofa devant la porte pour fumer discrètement. Ils ont commencé par s’embrasser.  J’ai voulu partir, mais impossible, le canapé bloquait la porte et il n’y avait pas de fenêtre ». Sebastian Liste sort alors son appareil et immortalise cet instant, le couple ayant totalement oublié sa présence.

L’histoire de cette photographie est à l’image de l’ensemble du travail de Sebastian Liste : une longue immersion pour une grande proximité. Une dispute conjugale dans une cour, des femmes qui boivent des bières, une partie de billard, l’anniversaire d’une petite fille, une adolescente qui « sniffe »…

Le photographe espagnol livre ici un véritable travail sociologique. Il saisit des scènes de vie du peuple de l’usine. Une soixantaine de familles rassemblée en communauté pour fuir le danger de la rue, se partageant l’espace désaffecté de la chocolaterie. « Je ne peux pas travailler sans approche sociologique, j’en ai besoin. J’ai d’ailleurs une formation de sociologue… et de photographe ».

Sébastien Liste : "Les habitants ne m'ont jamais rejeté. Il y avait beaucoup de violence mais je n'en ai jamais été la cible."

L’expérience Urban Quilombo commence lors d’un premier voyage au Brésil. « Un ami m’a présenté des habitants de l’usine. Je suis allé les voir souvent, je me suis intéressé à eux, à leur situation, au lieu… ». Des liens d’amitié se créent mais pas question d’en faire un sujet photographique. A la fin de son master de photojournalisme, en 2009, une bourse en poche, il repart au Brésil, à Salvador de Bahia. Son appareil photo dans les bagages. « J’avais loué un petit appartement très modeste dans le centre de la ville. Quand je suis retourné voir mes amis de l’usine, j’ai eu une agréable surprise : ils m’avaient préparé un endroit pour vivre. Je me suis donc installé à leurs côtés ».

Sebastian Liste partage alors leur quotidien intensément. « Les habitants ne m’ont jamais rejeté. Il y avait beaucoup de violence mais je n’en ai jamais été la cible. Les seuls problèmes que j’ai rencontrés, c’est avec des gens de l’extérieur qui venaient à l’usine pour acheter de la drogue ».

Sebastian retourne régulièrement au Brésil pour voir les familles. En mars 2011, elles ont été expulsées de l’usine par les autorités. A l’approche du Mondial de football et des Jeux olympiques, on fait place nette dans les favelas. « La communauté a été relogée dans des logements neufs mais éloignés de la ville et sans aucune infrastructure alentours. Elle reste très soudée et s’organise pour reconstruire une vie commune ». Cette exposition aura donc une suite.

Violaine Gargala

Réactions des visiteurs face à l’exposition de Sebastian Liste


Visa pour l’image : impressions et réactions… par visaesj2012