04 Sep

Au pays du off

Les clients de la boucherie "Guillaume" peuvent en patientant admirer l'exposition de Célia Wechenk.

Dans la boucherie « Guillaume », place de la République en plein centre de Perpignan, Hervé découpe les côtes de bœuf en face de femmes africaines en boubou. Les saucisses catalanes et le jambon de pays côtoient les photos de Célia Wechenk sur les mines du Burkina Faso.  « J’ai deux types de clientèle, explique Hervé, les habitués et les amateurs. Les uns regardent l’exposition en patientant, et les autres entrent pour regarder les photos ».
C’est ça le festival off. Un grand bric à brac.

Le principe est simple. Contre 50 euros le commerçant accueille une expo. Et il ne l’a pas choisie, d’où quelques télescopages.

« En 17 ans, ça a dû me rapporter trois brushings ». Dominique Di Palma, coiffeur près du Campo Santo, n’attend pas de grandes retombées économiques du festival. Comme 86 autres commerçants de la ville, il accueille cette année les photos d’un amateur.

Rue de la cloche d’or, Jean-François, libraire, expose une artiste de 17 ans. Sur sa devanture, un large drapeau rose signale aux passants l’exposition. Les grenouilles d’Ella Garrigue tapissent un mur du magasin de BD. Le vendeur se réjouit de participer à l’événement même s’il se désole de voir certaines personnes « entrer, regarder et repartir sans nous calculer ».

Le « Off », c’est une entreprise. 10 000 à 15 000 visiteurs attendus. Autant de clients potentiels pour les commerçants. Selon Didier Hoiry, le président de l’association « Off », chaque visiteur génère 10 euros de recette. Un chiffre non négligeable en cette fin de saison. Dans sa chocolaterie, Cécile abrite des clichés de Jacques Miot sur les animaux de la lagune catalane des Aiguamolls. Et elle est plutôt satisfaite : « C’est beaucoup de passage et l’arrivée d’une clientèle plus aisée que celle qui vient passer l’été sur la côte ». Gérard est d’ailleurs entré dans sa boutique. Aussi bien attiré par le chocolat que par les photos : « Ce qui est agréable avec le Off , c’est qu’on est accueilli chaleureusement. Toute à l’heure, on pouvait boire un café et regarder l’ exposition ! ».

Dominique Di Palma, coiffeur : « En 17 ans, ça a dû me rapporter trois brushings ». (Crédit photo : Julien Depelchin)

Alors le « Off », concurrent du « In » ? Pas le moins du monde, selon Didier Hoiry : « Les expositions ne concernent pas l’actualité ». Un jury fait le tri. Composé de 25 personnes, photographes et commerçants, il sélectionne fin avril les meilleurs dossiers et recale près de la moitié des candidats.

Au bout d’une vingtaine de commerces, la tête nous tourne et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Heureusement, à quelques pas de la place de la République, le Lisboa accueille derrière le comptoir l’une des plus belles expositions du « Off », « Sarajevo, 20 ans après » de Sophie Dupressoir. Salariée dans une entreprise de conseil, à 46 ans, elle souhaite se reconvertir et devenir photojournaliste. Le « Off » c’est pour elle l’occasion de confronter son travail au regard des professionnels de passage. Et « pourquoi pas, dans quelques années, passer du Off au In ».

Julien Depelchin

Rendez-vous :

– Jeudi 6 à 18h30, remise des prix à l’Hôtel de ville : prix du festival, prix de la découverte, prix du coup de cœur, prix du thème libre et prix du collectif.

– Mercredi 12 septembre, 21 heures, la « Nuit du Off » place de la République : projections et animations

Nos coups de cœur :

– Bruno Aveillan, Banque Populaire agence Clemenceau

– Joël Espié, « Fête du Phaung-Dawu », Carlane

– Nicole Bergé, « Savoir une chose comme l’ayant vue », Atelier d’urbanisme

– Claude Candille, « Le cœur et l’ouvrage », Bourse du travail

– Olivier Zolger, « Des gamins et des pneus », Tokyo Jeans

– Sophie Dupressoir, « Sarajevo, 20 ans après », Le Lisboa