27 Mai

Handball – CDB : la lettre ouverte de Pierre Terzi, qui défend son club de cœur

Vous connaissiez la fille (Léa, joueuse du Cercle Dijon Bourgogne et blogueuse occasionnelle chez Sports Bourgogne), mais cette fois c’est son père qui prend la plume, pour convaincre les collectivités de venir en aide au club. Alors que le CDB se bat financièrement pour faire valider sa montée en élite, son ancien entraîneur, Pierre Terzi (qui fait toujours partie du staff) revient sur les obstacles qui empêchent le Cercle Dijonnais de grandir, depuis toujours. Verbatim.

Pierre Terzi

« Le CDB est champion de France de division 2 pour la saison 2013-­‐2014 et inscrit (enfin !) pour la 1ère fois depuis la création du club en 1998, une ligne à son palmarès de l’équipe fanion. Ce titre est une bouffée d’oxygène et récompense 15 années de travail, d’abnégation, d’investissement, de joies, de frustrations aussi et de militantismes de tous les passionnés, investis, professionnels, bénévoles, joueuses, entraîneurs, collectivités, sponsors et mécènes qui ont accompagnés cette équipe depuis sa création sur les cendres d’un Cercle Laïque Dijonnais en difficulté à l’époque.

Ce ‘’titre’’ de championnes de France de 2ème division 2013-­2014 relève t’il de l’exploit ? De l’évidence ou de la normalité ? Ou confirme-t’il les pronostics eu égard au statut de grand favori du championnat ?

La performance est d’autant plus remarquable qu’une étiquette de favori vous crée des obligations, vous met la pression et décuple la motivation d’une adversité à se ‘’payer’’ la tête du favori … Mesdemoiselles ce titre est mérité, soyez en fières.

Pour vous avoir observé courir, muscler, combattre, douter, répéter vos gammes et réussir 20 fois sur 22 depuis Juillet 2013 ce titre est une récompense logique.

Pour avoir aussi, en 10 années, perdu beaucoup de finales à la tête des équipes du CDB de la décennie 2000-­‐2010, certainement par incompétence … mais souvent par manque de moyens face à des adversaires sportivement et économiquement mieux armées, j’ai souvent imaginé, ces années là dans mes pensées d’entraîneur ambitieux, à quoi aurait pu ressembler le palmarès si le CDB d’alors (alors 8éme ou 10éme budget d’un championnat à 12) avait bénéficié du petit coup de pouce qui lui aurait permis de vaincre plus régulièrement ses éternels rivaux de l’époque financièrement mieux nantis et regorgeant de joueuses internationales (Metz, Besançon, Le Havre …).

Au lieu d’inscrire des lignes au palmarès le CDB se contentait des accessits, entre la 3éme et la 5éme place, égayant ça et là ses parcours d’exploits en coupe d’Europe et d’une finale nationale ou internationale de temps en temps.

Toujours placés jamais gagnant … telle aurait pu être sa devise ! A tel point qu’un CDB brillant, pas cher, mais perdant, au bon rapport qualité-­prix était presque devenu une marque de fabrique, un label …

A en déglinguer le moral des plus ambitieux.

Nous sommes en 2014 et je fais le triste constat que, malgré tous les efforts entrepris par le club pour coller aux exigences du professionnalisme depuis 2010 et au cahier des charges du grand Dijon, la considération et la reconnaissance qui lui sont accordées dans le paysage politico-économique Dijonnais et Côte-d’Orien restent encore bien en marge de celles accordées aux homologues masculins avec tout le respect que nous leur devons et la sympathie sportive qui est la notre à leur égard.

Point n’est besoin de rappeler et de commenter les chiffres de l’excellent article du Bien Public du 05 Mai 2014 pour pointer les non moins substantiels écarts.

Pour autant dans la décennie précédente alors :

  • -­  que le CDB trustait les premières places du championnat féminin de D1F

  • –  qu’il remplissait moyennement le palais des sports à hauteur des 2500

    spectateurs avec quelques ‘’pics’’ à 3500

  • -­  qu’il évoluait régulièrement en coupe d’Europe

  • -­  disputait quelques finalités nationales ou internationales

  • -­  que ses homologues masculins tous sports collectifs confondus évoluaient dans

    des divisions inférieurs et encore moins dans le paysage Européen

  • -­  que son équipe réserve était la 2éme équipe féminine Bourguignone, tous sports

    confondus, évoluant au plus haut niveau national

Les écarts substantiels étaient – grosso modo – de même amplitude…
Autres temps mêmes pratiques ?

On pourrait inlassablement se plaindre d’une discrimination de genre en caricaturant le proverbe à l’intention de nos édiles : ‘’parité bien ordonnée commence par soi même’’

En ce sens, si louables soient ils, la pugnacité et le militantisme de Madame Safia Otokoré et de ses pairs du conseil régional paraissent isolés et se confrontent parfois à l’inertie et à la reconduction tacite des habitudes. Au delà de la loi, souhaitons que ce combat pour la parité ne soit pas, tel celui d’un Don Quichotte, un combat contre des moulins à vent …

Avec un peu de recul point n’est besoin de situer le débat sur la frustration d’un genre vis à vis d’un autre mais de porter la réflexion sur d’autres valeurs.

Celle de la représentativité. Celle de la finalité.

A ce jour 12 des 16 joueuses qui composent l’effectif du CDB 2013-­‐2014 et qui figurent sur les feuilles de matchs sont, excusez l’expression, des ‘’purs produits’’ de la formation locale impliquant le club, le pôle espoir de la ligue de bourgogne de handball et le centre de formation du CDB. Cet état de fait montre l’efficacité d’une politique de formation entreprise en 2007 et qui commence à porter ses fruits. Offrant par la même un avenir professionnel à certaines de ces jeunes filles puisque depuis 2007 non moins de huit d’entre elles ont paraphé un contrat professionnel à Dijon ou ailleurs (Daquin, Edwige, Delorme, Lefebvre, Terzi, François, Zullémaro, Prouvensier). Trois d’entre elles ont débuté le handball à Dijon les autres ont intégré le pôle espoir ou le centre de formation dans les catégories espoirs ou juniors.

A ce jour l’équipe est composée de joueuses apprenties professionnelles pensionnaires du centre de formation, de professionnelles issues du centre de formation du CDB, complétée par quelques recrues étrangères ou françaises à hauteur de 25% de l’effectif …

Alors que finaliste de la coupe d’Europe challenge-­‐cup en 2005 il m’était, à mots feutrés, reproché par mes pairs (ou par la fédération) de gérer une légion étrangère … (50% de l’effectif !) Il est facile d’observer qu’aujourd’hui la donne comptable à changé et que sur le banc de touche du CDB les consignes sont transmises et entendues dans la langue de Molière …

En poussant la réflexion vers un peu de provocation on pourrait s’interroger sur l’opportunité d’aider au financement de centres de formation à portées compétitives inopérantes et à représentativités locales, départementales ou régionales caduques.

Point n’est besoin d’observer le paysage des sports collectifs dijonnais pour constater que dans ce domaine le CDB a quelques longueurs d’avance sur ses homologues masculins. Avance qui pourrait argumenter une réduction voire un rééquilibrage des substantiels écarts …

A condition néanmoins que des règles et des arbitrages existent. Et sans règles point de jeu …

Bon retour à ce club dans l’élite Pierre TERZI
Ex entraineur du CDB de 2002 à 2010
2 fois Finaliste Coupe de France

2 fois Finaliste Coupe de la Ligue
Finaliste de la Coupe d’Europe Challenge Cup
Préparateur physique de l’Equipe de France de handball féminine. Championne du monde 2003 Membre du conseil d’administration de la ligue de Bourgogne de Handball »