Pendant plus de six mois j’ai continué ces séances au rythme de deux fois par semaine le lundi à 6h30 et le vendredi à 13h30. J’étais toujours assis en face de mon gourou et au fur et à mesure nos relations évoluaient.
Il ne venait plus me chercher dans la salle d’attente après avoir ramené le patient précédent, il allait dans son bureau, me faisait patienter, surtout le vendredi le jour où j’étais pressé et il me hurlait depuis son bureau : »VENEZ !!!! ».
Un jour, à la fin d’une séance, il m’annonce comme un cadeau : « Voilà, il est temps maintenant de s’allonger. J’étais super content, en fait, j’allais être comme dans les films sur le divan, lui derrière moi en train de réfléchir et moi, immobile en train de sortir de mon cortex des phrases, des jouissances, des frustrations, des tourments.
Je ne suis pas déçu, si on peut dire, car si je voulais être allongé, j’allais être allongé !! il rajoute à mon cadeau une séance supplémentaire. » Vous viendrez le jeudi à 6h15, c’est primordial, vous en avez trop besoin et notre travail progresse trop lentement ! »
« Oui, mais le jeudi pour moi ce n’est pas pratique pour mon travail »
– A jeudi, j’ai dit ! »
Une fois de plus, je ne râlais même pas. J’essayais de trouver une explication, et même je pensais en mon fort intérieur: il est vraiment super fort ce Lacan des pauvres !
Je devenais lacanien toute la journée, j’écoutais mes patients me parler de leur rhume, de leurs hémorroïdes, de leurs histoires de cul et j’arrivais à trouver des signes, des manifestations de leur inconscient même à en être grivois. Un jour, une vieille fille qui me faisait part de sa détresse dans sa solitude, de sa panique de finir seule et moi, l’élève du fameux docteur Mie, je lui jette en pleine figure: » Voilà, vous êtes pas… niquée ! C’est là le problème ! »
Je lisais des articles sur internet, j’envoyais tous mes copains chez les lacaniens et même chez le grand des grands, le fameux Dr Mie ! Ce qui peut paraître bizarre, mais le docteur me disait que chez les Lacaniens rien n’était comme chez les autres et que c’était la « différence positive ».
Je passais mes dimanches à lire des articles, à regarder des revues et, un matin d’un dimanche de printemps, quelle émotion ! Je découvre qu’il existe une association se nommant « l’école de la Cause Freudienne » dont le président n’était autre que notre fabuleux gourou bordelais, le docteur de mes maux dedans mon « Phiphi » national !!.
Ce n’était donc pas un imposteur, c’était le fils spirituel de Jacques Lacan et peut être le nouveau monstre de la psychanalyse.
Evidement, dès la prochaine séance, je me précipite pour lui faire part de ma découverte et là, je me suis aperçu que sa modestie avait sûrement été oubliée lors de ces réunions à Paris. Il jouissait en me racontant son cheminement, sa rencontre avec Lacan, ses relations avec sa fille, son gendre et que c’est toute cette petite famille qui avait imposé au monde de la psychanalyse le nom du Dr Mie !
Cette séance avait durée plus que d’ habitude, 25 minutes au moins! On avait parlé que de lui et; juste à la fin, il m’avait lancé : « Et où en êtes vous avec votre inconscient ? »
Ma réponse fut aussi courte que sincère : « J’y travaille, j’y travaille ! »
– Bien ! Cela fait 40 euros, en liquide s’il vous plait. »
Debout devant la porte pour la première fois, il me parla sans être mon psy : « ça vous intéresse cette école Lacanienne ? » Très flatté par cette soudaine complicité, je répondais que j’avais trouvé enfin une nouvelle passion et que cela me rendait heureux. Alors, si cela vous plaît, faites savoir autour de vous, dans votre clientèle, votre entourage amical, que cela existe et que nous faisons une revue que l’on vend 2 euros.
» Vous en voulez une ? »
Bien sur que j’acceptai et, pensant que c’était un cadeau, je le mettai dans mon cartable. Là, il se mit presque en colère:
« Je vous ai dit 2 euros ! »
– Ah oui pardon !
– D’ailleurs, donnez-moi 20 euros et vendez-le à vos relations ! »
– Ok , à lundi. »