Avec le Delano Orchestra, l’écrivain Jean-Philippe Toussaint propose une relecture très personnelle de sa tétralogie romanesque Marie Madeleine Marguerite de Montalte devenue pour cette création à la Comédie de Clermont-Ferrand l’envoûtant spectacle M.M.M.M.
C’est donc Marie qui a réuni l’écrivain Jean-Philippe Toussaint et le musicien Alexandre Rochon, leader du groupe The Delano Orchestra. Marie, c’est l’héroïne des quatre derniers romans de Toussaint, la figure d’un amour infernal et impossible, l’image même de la rupture amoureuse. En quatre tomes, le narrateur tente tour à tour de quitter et de conquérir Marie. Mais Marie a surtout conquis Alexandre du Delano Orchestra et ce dernier a décidé de l’intégrer dans l’un de ses concerts. De là est née la collaboration puis l’amitié entre les deux artistes. Pour l’écrivain également cinéaste et vidéaste à ses heures, le projet mêlant musique, littérature et vidéo que lui proposait le musicien avait tout pour plaire et c’est avec une joie non feinte que Jean-Philippe Toussaint a redonné vie à Marie sur la scène de la Comédie.
Un Reportage de Valérie Mathieu et Richard Beaune – Montage: Sébastien Bonnetot – Prise son: Laurent Bortolazzo – Intervenants: Jean-Philippe Toussaint, auteur du Cycle de Marie et Alexandre Rochon, leader du Delano Orchestra.
Accepter de quitter Marie
Lors de la générale à Clermont-Ferrand, l’écrivain et le groupe ont donc donné une performance inédite, une sorte de concert-lecture arty qui envoyait paitre notre propre lecture du Cycle de Marie, Faire l’amour (2002), Fuir (2005), La vérité sur Marie (2009) et Nue (2013). D’abord on découvrait la voix du narrateur et sa façon très monocorde de lire cette passion amoureuse et puis d’un coup, c’est le corps de l’écrivain, enjoué et un peu maladroit, qui surgit sur scène et qui fait voler en éclat notre propre passion pour cette héroïne de roman. Car La Vérité sur Marie, nous étions persuadé de la connaître par coeur. C’était notre vérité, c’était nous qui aimions fuir Marie ou lui faire l’amour. Or ce spectacle nous invite à en faire une autre lecture, celle très personnelle de l’écrivain et du musicien.
Le plateau représente tour à tour une piste d’atterrissage ou un podium de défilé de mode en référence à deux scènes cultes de la tétralogie, celle extraite de La Vérité sur Marie, mettant en scène un pur-sang qui s’échappe sur la piste d’un aéroport et celle qui ouvre Nue où un mannequin se retrouve esclave d’une robe de miel. D’un côté de la scène, le Delano (Alexandre Rochon à la guitare, aux claviers et aux machines, Julien Quinet, à la trompette et aux claviers et Guillaume Bongiraud au violoncelle, au piano et aux claviers) rythme cette lecture des moments-clés de la relation entre le narrateur et Marie par une musique tantôt electro, tantôt rock et avec tout le lyrisme qui caractérise les compositions du groupe clermontois. De l’autre, l’écrivain, volubile, qui par l’écriture redessine le visage de ce personnage qui l’a hanté pendant près d’une dizaine d’années. Au centre, des vidéos réalisées par Toussaint lui-même montrent les lieux où Marie a fait l’amour, les lieux où Marie a dormi, les eaux dans lesquelles elle s’est baignée mais jamais on ne voit Marie. Le seul personnage qui manque à l’appel dans ce spectacle, c’est elle, Marie Madeleine Marguerite de Montalte. Car qu’est-il ce M sinon l’évocation de l’amour inaccessible, la figure de l’alter ego, le fantasme de l’écrivain? Ce spectacle, c’est peut-être aussi la réponse à la question que l’on se pose tout au long de notre propre lecture des quatre romans: où veut-il en venir? A Marie, ni plus, ni moins.
M.M.M.M. Jean-Philippe Toussaint et The Delano Orchestra – Lundi 14 et Mardi 15 Mars 2016 à 20h30, Salle Boris Vian, Maison de la Culture à Clermont-Ferrand, et Lundi 4 Avril 2016 à 20h00 Théâtre de l’Odéon, Paris, durée 1h30 environ.