Quatre photographes. Quatre approches du conflit entre Israël et la Palestine pour l’exposition El Haal, à Perpignan jusqu’au 7 septembre.
« On a l’impression que le temps ne passe pas dans cette région du monde. C’est comme si nous assistions à un drame cyclique », explique Monica Santos, de l’agence de direction de projets culturels, Masasam. « De nombreux photographes sont allés sur place pour photographier ces violences, cette haine entre deux peuples. »
Les morts, les blessés, les bombardements… Mais d’autres ont voulu saisir des moments différents, d’autres histoires. Des instants que Masasam et l’agence photo Picturetank exposent à Perpignan. Des séries de photos de quatre photographes forment l’exposition El Haal, regards collectifs sur Palestine et Israël. « Ils montrent tous autre chose. Ils ont ouverts leur regard des deux côtés du mur entre Israël et la Palestine. » Des clichés d’il y a une dizaine d’années et d’autres plus récents. Au même moment, le festival Visa pour l’image a choisi, cette année, de ne pas exposer ce conflit.
« Une prison à ciel ouvert »
« Lorsque nous parlons d’Israël et Palestine, en Europe, nous voyons principalement des images de conflits », explique la photographe Mouna Saboni. Alors, en arrivant à Bethléem, en 2010, la jeune femme a décidé de s’intéresser au quotidien d’un camp de réfugiés palestiniens. « Les conflits ne sont qu’une partie de leur vie. Ils ne sont pas permanents. Et le reste du temps, les habitants doivent bien vivre normalement. » Un quotidien dans « une prison à ciel ouvert » où la photographe a suivi la « troisième génération d’exilés », ceux de son âge. « Ils avaient une vingtaine d’année. Ils étaient heureux que l’on s’intéresse à eux autrement. Rencontrer l’histoire de ces Palestiniens exilés sur leur propre terre m’a profondément marquée. » Interdite de territoire en 2013 à cause de ce reportage, elle garde un sentiment d’inachevé.
Raconter le quotidien des populations. C’est aussi la préoccupation de Valentine Vermeil. « La première fois que je suis arrivée en Israël, j’ai été marquée par le côté spirituel que dégagent les lieux. Il n’y a pas que de la violence », se souvient la photographe. Les différentes religions, les communautés. Elle a suivi des hommes et des femmes pendant des fêtes religieuses : des jeunes filles pendant un baptême dans le Jourdain, des personnes âgées au moment de Pourim, des hommes au moment de l’aïd…
Une ville en ruine
Bruno Fert et Heinrich Voelkel se sont intéressés, eux, aux lieux, aux bâtiments. Ceux qui restent et ceux qui ont été détruits. « En 1948, au moment de la création de l’état d’Israël, des Palestiniens ont dû quitter leurs maisons, leurs immeubles », raconte Bruno Fert. Aujourd’hui, ces lieux ont été abandonnés. Certains servent de squats, d’autres restent vides. « Toutes ces propriétés appartiennent désormais à l’état israélien. Mais elles n’apparaissent même plus sur les cartes. Pour les trouver, il faut utiliser leurs coordonnées GPS. » Abandonnés, les lieux restent chargés d’émotion.
« La guerre a de nombreux visages. Ce n’est pas que la souffrance humaine. Elle transforme aussi les villes », note également Heinrich Voelkel. Le photographe allemand est donc parti à la recherche des bâtiments détruits par les bombardements dans la bande de Gaza. Pour comprendre comment les habitants réinventent continuellement leur lieu de vie. « Les bâtiments sont construits, puis détruits tout de suite. Et ça recommence comme cela, encore et encore, à cause d’un conflit sans fin. »
El Haal, regards colectifs sur la Palestine et Israël, juqu’au 7 septembre, 20 rue Lluca à Perpignan.
Laura MOREL