04 Sep

Massoud Hossaini : l’Afghanistan de l’intérieur

"Désolé mais je ne peux pas sourire devant cette photo". Massoud Hossaini devant l'image qui lui a valu le prix Pulitzer 2012 , "la petite Afghane en vert". (Crédit photo: D.K.)

Dans la nef de l’église des Dominicains, Massoud Hossaini présente l’Afghanistan à travers des scènes de violence mais également de la vie quotidienne. Ces trente-cinq photographies, il ne les a pas choisies et a laissé l’AFP, pour qui il travaille, piocher dans sa collection.

Le photojournaliste afghan était un peu débordé ces derniers temps après avoir reçu le deuxième prix au 55e World Press Photo et le prix Pulitzer pour la photographie de la « petite Afghane en vert ».

Massoud Hossaini est le premier Afghan à recevoir le prix Pulitzer

Elle s’appelle Tarama et, le 6 décembre 2011, elle avait mis son costume de fête lors d’une célébration chiite, à Kaboul, quand une explosion a retenti dans la foule. Un attentat suicide venait de tuer 54 personnes et d’en blesser 150 autres, laissant la petite fille crier parmi les corps de ses frères, cousins, oncles et grands-parents. « Je ne retouche pas les photos, je ne monte pas les scènes », explique le photoreporter. « Je ne suis pas un artiste. La photo de la petite fille en vert a fait pleurer beaucoup de gens et ce n’était pas mon intention. Je devais juste leur montrer ce qui se passait dans mon pays. Vous n’allez pas me croire mais quand j’ai vu le père de Tarama pour la première fois, il m’a remercié d’avoir partagé son histoire même s’il avait perdu un fils et une partie de sa famille ».

L'€™augmentation saisonnière du prix du charbon et du bois rend plus intenable encore le quotidien des pauvres. "Je n'aime pas que tout soit plat, aligné. En photographie, la meilleure règle, c'est de briser les règles".

A 30 ans, Massoud Hossaini expose la violence d’un pays tiraillé de l’intérieur, en guerre depuis des décennies. Né à Kaboul, il a grandi en Iran avant de revenir en Afghanistan il y a dix ans, porté par l’espoir d’un changement après la chute des Talibans. « En Afghanistan, les gens pensent toujours qu’ils sont oubliés du monde extérieur. Personnellement, j’essaie de montrer au monde toutes les parties de l’Afghanistan. Bien sûr, une grosse partie de la vie des Afghans est faite de violence et de conflits mais je montre aussi la part de bonheur, qui existe. »

Des images d’actualité mais également de la vie quotidienne

Cet autre Afghanistan se voit donc dans cette exposition. Le bouzkachi, sport national équestre dans lequel il faut attraper une carcasse de chèvre, s’affiche aux côtés du travail quotidien, d’une usine de bonbons ou de l’entrée des femmes en politique. Et ce n’est qu’un échantillon.

« Par exemple, quatre mois avant l’explosion, il y a eu un concert réservé aux femmes. C’était la première fois en Afghanistan. Ils ont fait ça dans un lycée et aucun homme n’était toléré. Pour beaucoup de journalistes, ce n’était pas important mais pour moi, de l’intérieur, ça l’était forcément. Donc j’y suis allé et j’ai pris les photos ».

Proposées à tous les médias par l’AFP, les clichés de la vie quotidienne afghane ne se verront pas dans les journaux occidentaux. « Comme je connais la culture et l’Afghanistan de l’intérieur, je sais ce qu’il se passe et ce qui change. Je peux donc parler des événements heureux. Les photographes occidentaux ne le feront pas parce qu’ils ne pourront pas vendre ces images aux médias ». Massoud Hossaini ne se voit pourtant pas rester en Afghanistan après 2014, lors du retrait prévu de l’OTAN. Désormais reconnu, il veut couvrir d’autres conflits. « Je ne dis pas que j’aime la guerre mais je suis bon pour montrer la peine des gens qui sont touchées par ces conflits idiots ».

Christophe Hubard et Dimitri Kucharczyk