04 Sep

Le chaos nigérian sous l’œil de Bénédicte Kurzen

Bénédicte Kurzen devant un de ses clichés préférés, celui de Lydia Patrick. (Crédit photo : Mélanie Houé)

Bénédicte Kurzen est l’une des rares photojournalistes à couvrir le Nigéria. « Prise de court » par les violences qui ont suivi l’élection de Goodluck Jonathan à la tête de l’Etat le plus peuplé d’Afrique, en avril 2011, la photographe a cherché à retranscrire le « chaos qui règne dans la moitié nord » du pays.

Elle fait le tour de son exposition. Puis raconte les conditions de ses reportages, réalisés en avril et décembre 2011, suivie de près par une consoeur de TV5 Monde, qui travaille pour son blog « Salut les Terriennes ».

Dès l’entrée, le visiteur tombe sur le cliché d’un corps calciné abandonné sur une route de Kaduna. Une ville pas toujours accueillante pour la photojournaliste, qui avoue avoir eu peur un matin : « Pas loin de l’hôtel, des jeunes cramaient des voitures, des pneus. A l’extérieur, c’était le chaos. On s’est vite retrouvés encerclés. Il ne fallait pas les regarder dans les yeux. J’ai brandi mon appareil photo et ça a empiré. Je n’en menais pas large… ».

Le Nigéria est scindé entre un sud à majorité chrétienne et riche en pétrole, et un nord très musulman, où la secte salafiste Boko Haram gagne de plus en plus d’influence.
Mais pour la jeune femme blonde de 32 ans, le conflit n’est « pas uniquement interconfessionnel mais aussi interethnique et social ». Dans le nord du pays, « 10 millions d’enfants ne sont pas éduqués (…) L’illettrisme est hallucinant ». Un cliché montre des enfants à l’école, où ils n’étudient que le Coran. Un sacré terrain de recrutement pour Boko Haram.

La photo coup de cœur de Bénédicte est le portrait de Lydia Patrick, 25 ans, de l’ethnie Berom. « Quelque chose de doux se dégage d’elle. » Elle a été blessée une nuit par les Fulanis, des nomades bergers musulmans. Ses mains lacérées à coups de machette l’empêchent d’accomplir les tâches ménagères. Elle ne se mariera sans doute jamais et n’aura pas d’enfants. « Son expression est très belle ».

Ce travail colossal, Bénédicte a pu le réaliser grâce à une bourse accordée par le Pulitzer Center. Elle regrette de n’avoir pu le publier. La faute à une actualité déjà très dense, avec notamment la guerre civile en Côte d’Ivoire et la révolte lybienne. « Le Nigéria, c’était le moindre des soucis… ».

Nominée pour le Visa d’or, elle aimerait bien sûr le remporter, même si « Stéphanie Sinclair le mérite » pour son travail sur les mariages forcés. Plus qu’une récompense, ce que Bénédicte espère, c’est « la reconnaissance de ses pairs » et simplement pouvoir « continuer à travailler ».

Mathieu Conte et Mélanie Houé

A voir au Couvent des minimes à Perpignan.