Il a fêté ses 10 ans en toute discrétion sur le banc chalonnais en ce début du mois d’avril. 10 ans, que la voix rocailleuse de Gregor Beugnot se fait entendre dans les travées du Colisée. Et alors que son équipe a recollé au groupe de tête, le coach chalonnais se confie à SportsBourgogne. Avant le sprint final, il revient sur sa carrière en Saône-et-Loire et sur son métier d’entraîneur. Avec la gouaille qu’on lui connait pour un entretien passionnant.
Sports Bourgogne – En début de semaine, vous avez fêté vos 10 ans à la tête de l’Elan Chalon, un cas assez unique aujourd’hui dans le sport. Comment expliquez-vous cette longévité ?
Grégor Beugnot : Je ne l’explique pas. Déjà à l’ASVEL, j’avais fait 9 ans avec des contrats de 2/3 ans renouvelables. Ça doit provenir du fait que les gens sont satisfaits du travail accompli. Je pense que c’est plus lié au travail, et pas forcément aux résultats. J’épouse assez bien la politique définie par un club. C’est le rôle d’un coach.
Vous n’avez pas peur de tomber dans une routine ?
Il faut tout le temps se remettre en question sinon votre discours auprès du staff et des joueurs s’use. Il faut changer votre manière d’entraîner, les exercices, les consignes. C’est une évolution au fil des saisons, un ajustement continu.
Comment voyez-vous votre rôle d’entraîneur? A-t- il changé en 10 ans ?
Un entraîneur est avant tout jugé à l’aune de ses résultats sportifs, à l’empreinte qu’il laisse dans le club. Aujourd’hui, un coach doit être tout : un formateur, un entraîneur, un psychologue, il faut savoir coacher un match, être un leader, rassurant, faire du public relation, gérer la presse… Avant c’était plus facile, le profil des coachs était bien plus clair et défini. Désormais, le coach c’est une pièce très importante du puzzle. Le plus dur, c’est l’évolution du jeu. De nombreux coachs européens proposent des variantes, ils changent régulièrement, vont de l’avant. On ne peut plus copier tel ou tel système,. Il faut toujours être dans l’anticipation.
« Je veux que Chalon soit LE cador de la Pro A ! »
En 10 ans, l’Élan a bien progressé ?
Oui c’est vrai. Je ne veux pas faire de Chalon, un club qui a rejoint les cadors, mais plutôt en faire LE cador du championnat. Après il faut faire avec le contexte de la région, économique notamment. C’est lié au projet sportif.
Votre meilleur et votre pire souvenir ?
Forcement, la saison dernière, les titres gagnés, c’est une vraie réussite. Pour le pire, c’est certainement la finale de l’Eurochallenge l’an passé également. On avait la possibilité de gagner cette coupe d’Europe mais on avait un déficit sur un poste, à l’intérieur, ce qui a gâché l’aventure. Mais un échec, c’est aussi enrichissant, et c’est trop facile de charger les joueurs, il faut s’en servir. Nous aussi, on avait peut-être pas bien fait notre travail en amont sur le profil psychologique de certains joueurs.
Pour revenir à cette saison, elle est un peu en dents de scie ?
Non, je ne suis pas d’accord. C’est la première fois que je m’autorise le droit d’ouvrir le parapluie. On a fait un mois et demi de préparation cet été pour rien, pour rien ! On a eu beaucoup trop de blessés pour mettre en place quoi que ce soit. Williams a joué son premier match avec 3 jours d’entraînement seulement, ensuite Denmon s’est blessé. On a pas eu d’automatismes, on a des circonstances atténuantes, après on a enchainé avec l’Europe sans possibilité de retravailler. On a fait le calcul avec le staff avant la Leaders Cup, on avait fait depuis le mois d’août seulement 1 semaine de travail avec l’effectif au complet… Depuis un mois, l’équipe est au complet malgré des petits pépins physiques, et comme par hasard, on a des meilleurs résultats. On a évolué défensivement, psychologiquement. Ca veut dire que finalement, on ne s’était pas trop trompés à l’inter-saison sur ce groupe.
Blake Schilb aussi monte en puissance ?
Blake, il a toujours été très bon, un peu trop isolé mais avec des stats toujours intéressantes (14.9pts, 4,4rbds et 5,1 pd de moyenne contre 16,4 pts, 3,4 rbds et 4,6 pds l’an passé). Mais avec les défaites en Euroligue, ça n’a pas marqué les gens, on l’a beaucoup sollicité en Europe. Là, les victoires reviennent et on le remarque à nouveau, mais son niveau est le même depuis le début de saison. En revanche, Shelden Williams est lui en progrès constants, il s’est habitué au jeu européen, il est plus performant et il s’est parfaitement acclimaté à l’environnement chalonnais.
« Si c’est pour que cela apporte du confort aux joueurs, je n’en veux pas de la première place »
Vous faites désormais partie du trio de tête avec Gravelines et Strasbourg, la première place semble accessible ?
Je vais vous surprendre mais on ne la cherche pas. La première place, il y a 15 jours, c’était impossible. J’ai programmé et fait travailler l’équipe dans l’optique qu’on n’ait pas l’avantage du terrain en play-offs. Il faut que dans l’esprit on soit capable de battre n’importe quelle équipe chez elle, qu’on n’ait aucune crainte. Mais si, d’ici-là par chance, on a la première place; il ne faut surtout pas qu’on change notre état d’esprit. Il ne faut pas se dire en poussant un ouf de soulagement : on est premiers avec l’avantage du terrain, ça sera plus facile. Non, ça serait de la suffisance et ce n’est pas constructif. Si c’est pour que cela apporte du confort aux joueurs, je n’en veux pas, on pas besoin de ça. Cette première place n’est vraiment pas la priorité.
Votre calendrier n’est pas évident, comme celui de vos adversaires ?
On a regardé tous les calendriers, celui de Strasbourg et de Gravelines, mais aussi ceux de nos poursuivants. J’ai remarqué qu’on va affronter chacun l’ASVEL, ce sera sans doute l’arbitre. Après, Gravelines et Strasbourg s’affrontent lors de la dernière journée, ça peut nous profiter pour la deuxième place.
Pour finir, y-aura-t-il une onzième année à Chalon? Certains médias vous annoncent partant, bien que vous soyez encore sous contrat la saison prochaine.
Ce n’est pas du tout la priorité du moment. Peu importent les bruits de couloir, ce qui m’intéresse c’est notre fin de saison et notre titre à défendre. On ne va pas nous déstabiliser avec ça. Je ne m’en préoccupe absolument pas. Je travaille avec mon équipe sur les play-offs.
Gregor Beugnot (55 ans), son palmarès comme entraîneur : 1 titre de Champion avec Chalon (2012), 5 Coupes de France (dont 2 avec l’Elan en 2011 et 2012), 1 Semaine des As (2011).
*Les 5 derniers matchs de Chalon : Nanterre, va à Paris, va à Cholet, Le Havre, va à ASVEL