La tournée française d’Elton John devrait commencer le 29 novembre 2016 à Clermont-Ferrand. Il se trouve que c’est le jour de mon anniversaire. J’espère que personne n’aura la mauvaise idée de m’y inviter. D’abord parce que les places se vendent aux prix exorbitants de 70 à 200 euros et ensuite parce que pour moi, Elton John, c’est quand même la plus grande énigme du 20è siècle.
Certains chanteurs vous accompagnent tout au long de votre vie. Certains parce que vous ne pouvez pas vous en passer et d’autres, parce que vous ne pouvez pas y échapper. Pour ma part, je n’ai pas le souvenir d’une époque de la mienne sans avoir entendu à un moment ou un autre le brame d’Elton John. Pas vraiment étonnant me direz-vous puisque la bête a quarante ans de carrière. A ma naissance, le 29 novembre 1974 donc, ce virtuose du piano distillait dans mon oreille vierge et innocente une mélopée aussi gluante qu’une confiture de fraises tagadas. Sur Don’t let the sun go down on me, Elton John n’en finit plus de pleurer et comme pour être sûr que je m’en souvienne, il a repris ce titre dans les années 1990 avec son pote George Michael et je crois que c’était encore plus mielleux que l’originale.
Dix ans plus tard ou un peu moins, j’ai l’âge de mes premiers émois musicaux, capable d’aimer ou de haïr une chanson. Il faut bien remettre les choses dans leur contexte: nous sommes dans les années 1980, MTV vient d’être créée et le clip vidéo conditionne le succès d’un titre. La question que je me pose est simple: comment, avec un clip pareil tourné sur la croisette, la chanson I’m still standing a pu devenir un tel tube?
C’est ça, Elton John: une série de malentendus. J’ai passé ma vie à me demander pourquoi ses chansons remportaient un tel succès. En réécoutant Sacrifice, titre qui m’a sans doute le plus traumatisé car rappelons-le quand même, les années 1990, c’est l’âge d’or du rock grunge avec des groupes comme Nirvana ou pire, du lo fi avec Dinosaur Jr. Au milieu de ce bruit décadent, le britannique revient avec un chapeau ridicule et des doubles-vitrages plus sobres mais toujours aussi sympas et déverse une espèce de flot continu de gémissements insupportables.
Dans les années 2000, c’est un peu plus galère de faire des tubes et en 2010, on a enfin la possibilité de ne pas entendre parler d’Elton John si on le veut. Sauf à Clermont-Ferrand, où le lord anglais a décidé de débuter sa tournée française. Sir Elton vient de sortir son 32e album Wonderful Crazy Night.
Mardi 29 novembre 2016, Elton John au Zénith d’Auvergne (Les Derniers Couchés)