Juan Manuel Castro Prieto travaille à l’argentique depuis 38 ans. « Pérou, la vallée sacrée », son exposition à La Chapelle du Tiers-Ordre de Perpignan, montre une série de photos prises entre 2009 et 2010, sur les traces de son modèle, le premier grand photographe latino-américain, Martin Chambi.
Ni sang ni guerre. Les photos de Juan Manuel Castro Prieto détonnent au milieu des 26 expositions de Visa pour l’Image, cru 2015. « Je suis un photographe bizarre, je ne prends pas en photo les conflits, je prends des moments de la vie quotidienne. » Pour la série « Pérou, la vallée sacrée », le Madrilène suit les traces de Martin Chambi, photographe péruvien mort en 1973 à 81 ans, dont l’oeuvre le fascine. « Ses photos ressemblent à de la peinture, avec des lumières propres : c’est quelque chose de très spécial. »
Pour rendre hommage aux clichés de Chambi, Castro Prieto utilise l’argentique. Muni de sa chambre technique format 20 x 25, il sillonne les rues péruviennes et redonne vie aux images du maître, 70 ans plus tard. Castro Prieto va jusqu’à utiliser un vieux drap qui servait de fond aux images de Chambi pour mettre en scène les siennes. Cette technique permet de lier le Pérou des années 20 et 30 à celui d’aujourd’hui, créant symboliquement un lien entre les deux photographes. Grand technicien, il manie le flou comme personne, interprète « sa propre réalité », une vision poétique et intemporelle.
« Je suis un photographe de la vie »
« Ce qui compte, c’est le regard. Les pieds, ce n’est pas important, je les laisse confus », dit-il dans son français incertain. L’architecture modulaire de l’appareil autorise des mouvements de bascule et de décentrement. Ainsi, le photographe « autodidacte » peut intervenir sur la perspective et la mise au point pour « apporter une atmosphère plus onirique permettant d’axer le regard sur un point choisi. » S’il accorde une importance particulière à ce processus, Castro Prieto n’en n’est pas moins instinctif. « Je ne rationalise pas, pour moi, tout est naturel, je suis un photographe de la vie. »
Un clic avec un tel appareil coûte 25 euros. Une contrainte qui oblige le photographe à composer ses clichés avec précaution. « Avec le numérique, on a tendance à mitrailler sans réfléchir. Moi, quand je prends une photo à l’argentique, je n’en prends qu’une et je ne vois le résultat qu’au tirage. »
Castro Prieto passe en numérique pour la post-production. « Je scanne mes négatifs pour les exploiter et je fais les tirages sur une imprimante. » Dans son exposition « Pérou, la vallée sacrée », sept clichés ont cependant été pris avec un appareil photo numérique « car il y a parfois des problèmes de lumière et de timing. » Le numérique permet au Madrilène depuis une dizaine d’années « d’interpréter ses couleurs » comme il le souhaite. Le photographe reconnaît également au numérique une certaine spontanéité. L’important, pour lui, reste d’être « vrai, d’avoir une interprétation respectueuse de la réalité. » Peu importe l’outil, « l’émotion est la même, les photos ne se font pas avec l’appareil, mais avec la tête. »
LISA SANCHEZ & CAMILLE HISPARD