Chaque jour, les festivaliers de “Visa pour l’Image” commentent une photo dont ils ne connaissent ni l’auteur, ni le contexte. Il s’agit aujourd’hui d’un cliché issu de l’exposition “De Kiev à Kobané”, de Bülent Kiliç, photoreporter turc à l’AFP.
« Maman, pourquoi elle a une veste ? Pourquoi elle mange du pain ? Pourquoi elle a des couvertures ? » Après avoir regardé longuement la photo, Olivia, 5 ans, se pose plein de questions sur la petite fille kurde. La jeune festivalière est venue avec ses parents de Font-Romeu. « Elle a peur », affirme Mathilda, 8 ans, sa grande sœur. Pas facile pour leur mère, Anna, d’expliquer le sens de la photographie. Mais d’un autre côté, « on ne peut pas les laisser avec ces images dans la tête, sans explication », affirme Vincent, le père.
Romain Dameron, journaliste de la région parisienne, trouve que la photo parle d’elle-même. « Elle tient un quignon de pain dégueulasse. On ressent la misère, la faim, la terreur. » Célie, 18 ans, en licence de Sciences Politiques, y voit la même chose. « Cela me fait mal au cœur », lâche-t-elle. Mais tous les festivaliers ne partagent pas ce sentiment. Pour Jean-Marie et Françoise, retraités, la petite fille « n’est pas angoissée, pas dans l’horreur ». Leur interprétation : « C’est surement un camp de réfugiés mais on y rit aussi, ce n’est pas la désespérance 24 heures sur 24. »
Un réflexe d’enfant
Ce qui touche Romain Dameron, c’est le réflexe « de pudeur d’une gamine qui est déconnectée par rapport à la situation ». Fanny Malaquin, 37 ans, remarque qu’ «elle a les doigts écartés. Elle reste une enfant ». Son attitude est « une réaction au photographe », selon Jean-Marie et Françoise. « Elle n’est peut-être pas habituée à être prise en photo. »
D’autres encore voient dans son geste un symbole. « Elle ne veut pas voir le monde dans lequel elle va vivre », interprète François, retraité perpignanais, qui s’inquiète : « Quel avenir pour cette gosse ? Elle doit avoir cinq ou six ans. La réalité de la photo tue son innocence. »
AMANDINE LE BLANC & CAROLINE MALCZUK