Alors que l’avenir du photojournalisme est contrarié, à Visa pour l’image, de jeunes photographes apportent un nouveau souffle à la profession.
Un anorak rouge agité par un migrant comme un feu de détresse. Un appareil photo placé au plus près de l’actualité, à même la cale d’un bateau. Le reportage de Giulio Piscitelli « De là-bas à ici : l’immigration et l’Europe-forteresse » est un de ceux qui attire le plus grand nombre de visiteurs. L’actualité est plus que jamais présente pour cette 27e édition de Visa pour l’image et la photo se pose comme un moyen de prendre du recul sur l’information. Il y a quelques jours, la police autrichienne a découvert les corps de plus de 70 migrants, abandonnés dans un camion au bord d’une autoroute.
Précieuse jeunesse
Le festival présente 26 expositions jusqu’au 13 septembre 2015. Les travaux ont été sélectionnés parmi les quelque 4 500 propositions reçues cette année par Jean-François Leroy, le directeur du festival. Huit photographes présentent cette année leur première exposition à Visa. Un baptême de haut niveau pour le Somalien Mohamed Abdiwahab, 28 ans, qui photographie depuis 2007 son pays ravagé par la guerre. Ou encore Edouard Elias, 24 ans, qui recevra cette année le prix Rémi Ochlik pour son travail sur la Légion étrangère en République Centrafricaine.
Du talent en barre, du courage à revendre et surtout des qualités de conteur. Leur capacité à raconter des histoires a séduit la direction du festival. Le problème aujourd’hui est de financer son reportage. Les commandes des journaux sont rares, les budgets resserrés. Les éditeurs préfèrent faire appel à des photographes locaux comme Alejandro Cegarra du Vénézuela. Ils ont un regard différent, en prise avec la vie quotidienne de ceux qu’ils photographient mais partagent les mêmes inquiétudes que les autres reporters. « Cela fait des années que nous le disons, que nous le répétons : le métier de photojournalisme est de plus en plus difficile », affirme Jean-François Leroy. Visa se fait le porte-parole des problèmes qui agitent la profession en présentant, le 3 septembre, le Livre noir du photojournalisme, une enquête commanditée par la Scam (Société civile des acteurs multimédia).
Le prix de la vérité
Les prix sont également de précieux sésames qui permettent aux photojournalistes de repartir sur le terrain. Ils sont une preuve de leur talent et un argument de vente auprès des rédactions qui font de moins en moins appel à leurs services. A Visa, ce ne sont pas les prix qui manquent : Visa d’or de la presse quotidienne, magazine, news, du comité international de la Croix-Rouge, du webdocumentaire soutenu par France 24-RFI… Un autre prix a fait scandale cette année : celui du World Press Photo. En mars, Giovanni Troilo, photojournaliste lauréat dans la catégorie « Problématiques contemporaines », a perdu son prix. Il a été accusé de mise en scène pour son sujet « The Dark Heart of Europe », réalisé à Charleroi en Belgique. Pour la première fois, le concours ne sera pas représenté à Visa.
Si les professionnels sont au cœur du festival, les amateurs ont aussi droit à la parole à Visa. La photographie est partout dans la ville notamment grâce au groupe #Dysturb. Elle squatte les murs, investit les cafés. Et bientôt s’installera en résidence permanente à Perpignan. Un Centre international du photojournalisme devrait voir le jour à l’automne et accueillir des conférences, expositions, ainsi que de nombreux documents à archiver. Avec ce projet, Visa est plus que jamais la mémoire du photojournalisme.
Lucie PUYJALINET