26 Avr

Ca passe ou ça casse !

Jurassic Trail  3ème manche Challenge Gardois Trails courts ( 16 mars 1014 )

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Direction Belvezet pour le Jurassic Trail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Est ce que je ne suis pas inscrit sur la course de trop ? »

Ce matin là, au volant de mon break, je suis soucieux et fatigué. Pourtant, je me rends quand même à Belvezet, un petit village niché au milieu de la garrigue, au nord d’Uzes, pour participer à la « Jurassic Trail ». J’hésite tellement qu’à 10 km du village, je m’arrête au bord de la route pour réfléchir. Dépasser les bornes, littéralement, c’est la hantise de tous les coureurs à pied. Les cassandres auront beau jeu de dire ensuite :

« Je l’avais bien dit. Il en fait trop. Sa blessure ne doit rien au hasard. Son corps crie grâce. Il joue avec sa santé et nanani et nanana.. »

Je sais tout ça mais, en sport, les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets. Quelqu’un de tout à fait prudent peut très bien se tordre une cheville à n’importe quel moment d’une course alors qu’un stakhanoviste de l’utra peut passer à travers grâce à sa bonne étoile et son…habitude!

D’ailleurs, les exemples à ne pas suivre viennent de tout en haut. Comme des immortels, les champions de l’Ultra comme Kilian Jornet, Antoine Guillon, Emmanuel Gault ou François d’Haene arrivent à enchaîner les courses comme certains enfilent des perles. Courent-ils après leur perte ?  Est ce que je ne suis pas en train de basculer dans l’irraisonnable ?  Je dois me poser cette question.

Prenons du recul :  il n’est pas prudent de m’aligner sur le trail de Belvezet (23km, 660 D +) 14 jours seulement après la Transgrancanaria (125km, 8500 D+). Même si je ne me sens pas entamé, mon corps, mes muscles ont encore en mémoire les 40 heures de course aux Canaries. Rien n’est anodin en ultra.

On peut comparer cela à une dépression. De l’extérieur, tout semble aller pour le mieux, mais à l’intérieur, les fêlures existent, prêtes à lâcher.

Pourquoi prendre ce risque ?

Qu’ais-je à gagner ? Surtout avec ce tracé de 23km. Cela va partir très vite et je n’ai plus l’habitude de ce rythme.  Que faire ?

Pour tout dire, je suis là par esprit de compétition. Ma saison est double. D’un côté, je suis engagé sur 4 manches de la coupe du monde d’ultra trail (Mars, Juin, Aout et Octobre), de l’autre, aux antipodes, j’aimerais participer au challenge gardois des trails courts ( 7 à 8 manches).

 «  Bon, tu as assez réfléchi maintenant. Tu sais que tu vas y aller, alors, arrêtes de te donner bonne conscience ». Et me voilà dans le vallée de Belvezet, pas loin du Mont Bouquet. Il y a un fort vent du nord et le temps est au beau.  Le mistral fait son boulot et pousse les nuages très loin.

Je claque la bise en arrivant à l’organisateur, Alain Gaspard, un ami ultra trailer, 7 fois finisher de la Diagonale des Fous à La Réunion. C’est mon double. Même taille, même prédisposition à l’utra et au trail. Nous avons EXACTEMENT le même niveau et, heureusement pour moi, aujourd’hui, il ne peut courir et organiser en même temps.

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Avec mes pérégrinations, je suis carrément à la bourre. Je m’échauffe 10 minutes seulement. Il fait frais mais je sens qu’il vaut mieux partir en manche courte. Tout à l’heure, je ne devrais pas avoir froid malgré le vent de face dans la première partie.

9h30. 300 coureurs sont au départ sous les ordres de Claude Razon, l’incontournable speaker dans le Gard. Claude est un chic type qui trouve toujours quelque chose de sympa à dire à tous les concurrents.

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Claude Razon le roi des commentateurs !

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300 trailers au départ de la Jurassic

3, 2,1 C’est parti. Je ne suis pas très bien placé, aux alentours de la 100ème place. Je suis vraiment surpris par la vitesse et je suis vite dépassé par des bolides, très pressés. Si je ne me fais pas un peu mal dans ce faux plat descendant, je vais prendre cher à l’arrivée.

 Comme souvent, ce sont 2 féminines qui me donnent le bon tempo. Ces filles jouent le podium et la bagarre a déjà commencé.

Les féminines en ligne de mire

Les féminines en ligne de mire

Trop vite dans le faux plat descendant

Trop vite dans le faux plat descendant

La première montée, très rude, oblige tout le monde à marcher dans la pente. Je parviens à reprendre mon souffle et des coureurs partis trop vite.

En haut du raidillon, je suis avec Aude Diet, ma copine de club Cevennes Trail Club (C.T.C.) au rapport poids-puissance incroyable. Aude est une fille grande, élancée avec un gros moteur. C’est l’une des meilleures traileuses de la région. En 2 ans de trail, son palmarès est déjà plus fourni que le mien. Sa marge de progression est importante. Elle est d’ailleurs marraine de l’épreuve.

Aude Diet du Cevennes Trail Club

Aude Diet du Cevennes Trail Club

 

Je la précède maintenant de quelques longueurs quand j’entends derrière, une voix reconnaissable entre mille, celle de Yorick Muller, infirmier de profession comme Aude d’ailleurs. « Toujours en train de rire ou de parler ce jeune Porc Epic (c’est son surnom) ». En fait, en lisant plus tard son récit, j’apprendrai que  ce n’est pas le cas. Il parle fort car il s’enguirlande avec un gars sur un large chemin face au vent . Voici l’extrait de son récit :

« Un peu plus loin, je double un routard. Comment je sais que c’est un routard ? Bah… :

«- Si tu me doubles pour te caler devant moi, me dit-il, reste derrière !
 En plus, tu ne pars pas pour un 800 m gamin, t’es déjà en surchauffe! »

Et vas-y qu’il continue à me chauffer !
 Je lui dis de retourner sur la route et le laisse là à ses critiques
. A l’arrivée, je l’ai même pas vu, c’est dire qui de nous deux était en surchauffe… » Je rejoins alors Denis Clerc qui rigole avec moi puis le lâche »

 Manifestement, Yo a été énervé par son routard et il me laisse sur place avec sa foulée toute en force. Il a encore du gaz le gamin. J’aurais son maillot vert au loin devant moi jusqu’au ¾ de la course.

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Yorick Muller dit le Porc-Epic

 

La partie médiane est très( trop) roulante pour moi. Heureusement, nous sommes 3 trailers à nous organiser pour lutter contre le vent. Comme en vélo, nous assurons des relais à tour de rôle pour ensuite nous placer derrière nos compagnons . C’est efficace et plus personne ne revient de l’arrière.

Je jette un coup d’œil dans un virage ? Je ne distingue plus le maillot vert d’Aude, la 2ème féminine. Pourtant, ce tracé est fait pour elle.

 Mes jambes sont lourdes mais je ne ressens pas de douleurs.

 

Après 7-8 km, le parcours se fait plus technique dans un monotrace descendant et je peux m’enfuir vers l’avant. Plus loin, je salue le gentil Claudy Benoit, en train de faire des photos et d’assurer le reportage pour le Midi Libre. Ce grand athlète ne veut plus faire de compétition, il a tout gagné dans le coin. Il occupe sa retraite à faire des comptes rendus pour « Temps Course ». Toutefois, il continue à courir 2h par jour pour se tenir en forme.

Photo signée Claudy Benoit

Photo signée Claudy Benoit

 Après le ravito, la course folle continue. Dans un nouveau mur, je double 3 concurrents qui me repassent devant 10 minutes plus tard. Je me suis trompé de chemin sur 200 M. « Merde, je n’avais pas besoin de ça ! ».  Je me suis mis un peu dans le rouge et du coup, je perds en lucidité et j’ai raté une banderole à un croisement pas évident. Je redouble les gars puis je m’arrête 15 secondes au 2ème ravito pour déguster un bon coca.

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Il ne reste plus que 5 km. Je remonte encore dans le classement. Dans la dernière montée avant un moulin, je dépasse un gros client, Cliff Sooben du club d’Anduze. Ce vétéran réputé est originaire de Mayotte et a pas mal de courses à son palmarès. Je l’ai croisé en octobre dernier à la Réunion au départ de la Diagonale :

« Oh, Cliff, c’est Denis le journaliste ? Tu sais on s’est vu à Saint Pierre de la Réunion. Ca va ? »

« Ouh là là, je suis parti trop vite et là, je le paie. J’ai fait des cross cet hiver et la distance est trop longue pour moi ». Je lui annonce que j’ai un Ultra dans les pattes pas plus tard que 14 jours auparavant. Il me regarde comme si j’étais un martien. « Ben alors, tu as vachement bien récupéré. ». C’est vrai, j’en suis le premier surpris. Je lui propose de lui donner le rythme mais il insiste : « Non, vas y, je suis mort. »

Et me voici de retour à Belvezet après 1H57 d’effort (11,72km/h), 25ème au classement et 2ème Vétéran 2(50 à 59 ans) devant ce bon vieux Cliff, seulement 30 secondes derrière.

 

Franchement, je suis étonné par ce bon résultat. Le corps a des ressources quand même. Aucune douleur, pas de début de crampes ni de contractures. C’est presque incroyable.

Finalement, j’ai bien fait d’enchaîner. Malheureusement, cela ne fait que commencer car ma journée n’est pas terminée. .Cet après midi, je travaille. Je dois faire le compte rendu d’un match européen de Handball à Montpellier. E si c’était le plus dur. Ne jamais pouvoir récupérer. Je devrais peut être en parler à ma rédactrice en chef.

 JURASSIK TRAIL 2014 142