Dimanche 17 février, à Padoue en Italie, Boladé Apithy a craqué. Le sabreur dijonnais, passablement énervé par son jeu et par l’ambiance de cette manche de coupe du monde d’escrime par équipes, a jeté son sabre sur la piste. Un geste d’humeur qui lui a valu un carton noir, sanction très rare synonyme d’élimination de toute l’équipe de France. Que s’est-il passé exactement dans la tête du champion ? Le maître d’armes de l’ASPTT Dijon, Jean-Pierre Harbelot, nous livre quelques pistes.
Comment expliquer le mauvais geste de Boladé Apithy ? Son maître d’armes à Dijon et ami de longue date, Jean-Pierre Harbelot, a sa petite idée :
« Boladé a pété un câble c’est sûr, mais il faut remettre ça dans le contexte. La compétition se passe en Italie, la France affronte l’Italie en 1/8e de finale, et sur le banc italien forcément ça chambre, ça remue beaucoup… La pression est forte, et il faut savoir la supporter. Il a jeté son sabre au sol, en escrime ça vaut un carton noir. Après, contre une autre équipe et ailleurs, l’arbitre aurait peut-être réagi de manière moins sévère. »
Pierre Guichot, l’entraîneur national du sabre hommes, était le témoin de la scène. Il raconte : « Boladé était plus énervé par sa façon de tirer que par son adversaire. Cet énervement a pris des proportions trop importantes et le carton noir est totalement justifié. Lorsqu’il a jeté son sabre à terre, Boladé revenait vers le fond de la piste. Du coup, son arme est partie en arrière et s’est retrouvée non loin du centre de la piste, là où se trouvait une technicienne occupée à réparer l’appareillage électrique. »
Bref, Boladé Apithy mérite sa sanction. Malgré une lettre d’excuse envoyée immédiatement à la fédération internationale, il a écopé de deux mois de suspension. Deux mois sans coupe du monde, qu’il va passer à s’entraîner à l’INSEP. Pour Jean-Pierre Harbelot, Boladé doit surtout se servir de cette période pour recentrer ses objectifs.
« J’ai toujours estimé que Boladé était fragile psychologiquement. Il ne supporte pas l’injustice »
« Après l’élimination prématurée aux Jeux Olympiques de Londres, puis sa blessure aux adducteurs, voilà maintenant un carton noir ! C’est un peu comme s’il touchait le fond de la piscine. Il faut maintenant qu’il mette le coup de talon pour remonter à la surface. Juste après son geste, une fois que le cerveau se remet en place, on mesure la portée de son acte. Mais le plus important est de le montrer aux autres, d’expliquer, de s’excuser. Il doit gérer son comportement auprès de ses partenaires et entraîneurs de l’équipe de France, pour rester dans le collectif. Au 17 avril, il sera de retour pour deux manches cruciales de coupe du monde. A lui ensuite de convaincre le comité de sélection qu’il a toujours sa place pour disputer les championnats d’Europe et du monde. Ca dépendra de lui mais aussi du niveau des tireurs qui le remplaceront. »
A ce sujet, Pierre Guichot a semble-t-il besoin de garanties : « je veux avoir une discussion avec Boladé afin de prendre les décisions adaptées. Je veux notamment savoir si je peux toujours lui faire confiance pour les épreuves par équipes »
Enfin, Jean-Pierre Harbelot évoque un contexte incertain à l’ASPTT Dijon qui a pu aussi perturber Boladé : « le club est en délicatesse, et on ne sait pas si financièrement il pourra continuer à soutenir Boladé Apithy et Nicolas Rousset comme il le faisait jusqu’à maintenant (à hauteur de 15 à 20.000 euros par an). Sans ça, et si les collectivités ou d’autres partenaires ne leur viennent pas en aide, ces athlètes devront partir. Ce serait la fin du haut niveau de l’escrime à Dijon… Cette crainte légitime a sans doute fragilisé un peu plus Boladé ces derniers mois. »
Ce carton noir dans une période sombre sera peut-être un déclic. A Boladé Apithy de prouver désormais qu’il peut revenir plus fort mentalement, et rester un modèle pour les nombreux jeunes licenciés de l’ASPTT Dijon qui l’admirent.