En sport, il n’est pas rare d’entendre un président critiquer son entraîneur, ou ses joueurs, en période de crise. Il est plus rare que cela se produise lorsqu’une équipe obtient des résultats corrects, en dépit de moyens financiers revus à la baisse. C’est pourtant ce qu’a fait Michel Renault, président de la JDA Dijon Basket, fin janvier dans les colonnes du Bien Public. Chez Sports Bourgogne, on trouve que le prési’ aurait du se montrer plus gentil. On s’explique.
« Je m’attendais à mieux, à ce que l’on se qualifie pour la Leaders Cup, avec l’effectif dont on dispose. » Bim ! Michel Renault n’est pas content et il le dit dans la presse. Pour lui, la JDA Dijon Basket aurait pu faire mieux, décrocher sa place pour les As version Disneyland, et aller plus loin en coupe d’Europe. Mathématiquement, c’est incontestable, Dijon aurait pu faire mieux. Mais sportivement, le constat est quand même un poil sévère, non ?
Pour rappel, la JDA a certes fini 9e de Pro A la saison dernière, mais elle n’a pu faire autrement que de baisser de 200 000 euros (une somme coquette) sa masse salariale l’été dernier ! Du coup, l’entraîneur Jean-Louis Borg, mis au pied du mur, a du composer une équipe avec des Américains peu référencés (Campbell, Tiggs puis Owens et Miller), des jeunes en quête de responsabilités (Mutuale, Prenom, Aboudou), et, heureusement, un noyau de « cadres » qui ont pu être conservés (Melody, Leloup, Moss et Harris). En gros, la JDA a du faire des paris, avec un effectif plus limité en terme de talent.
Et en l’occurrence, les paris sont gagnants ! Dans la jungle qu’est devenu le championnat de France, Dijon est 8e après 18 rencontres, proche d’assurer son maintien. Mieux, l’équipe est en pleine confiance (5 victoires en 6 matches) et peut s’autoriser à rêver d’une qualification pour les playoffs, que le club n’a plus connu depuis des lustres. Alors quoi, elle n’est pas belle la vie, M’sieur le Prési ? Visiblement… Non. « Prénom fait des bons matches mais est encore un peu juste. Aboudou est tremblant car il n’a pas assez de temps de jeu. Il est l’ombre de son frère (Jordan, qui évolue à Chalon). Mutuale est très juste et fait toujours la même chose. » Re-Bim ! Trois sentences envoyées aux p’tits bleus du club, histoire de leur faire les pieds.
Ne pas placer la barre trop haute
Certes, Malela Mutuale peine à s’imposer dans la rotation. Certes, Lens Aboudou n’a pas toujours l’impact espéré sur le terrain. Mais leur défense, leur envie sont indéniables, et précieuses dans le système ultra-rigoureux et collectif mis en place par le coach. Ils ont bien sûr leur part dans les succès de l’équipe. Quant au pivot Ferdinand Prenom, pour son retour au club, il réalise une saison positive et très prometteuse (8 points de moyenne, 4 rebonds en 17 minutes par match). S’il doit encore progresser, et notamment apprendre à mieux gérer les fautes, son potentiel est immense, et il semble gagner en dureté, en efficacité, à chaque match ou presque. Mais surtout, Prenom est bientôt en fin de contrat…
Michel Renault le sait, puisqu’il le rappelle au journaliste du Bien Public : « La plupart des joueurs sont en fin de contrat au mois de juin et des clubs peuvent facilement nous prendre un joueur, comme Ferdinand Prénom. » Question : dans ce contexte, n’est-il pas préférable d’encourager un joueur qu’on espère conserver ?
Enfin, s’il est important d’être ambitieux, à plus forte raison quand on est président d’un club sportif, il l’est tout autant de ne pas placer la barre trop haute. Car Dijon revient de loin. Descendu en Pro B en 2010 au terme d’une saison désastreuse, sur fond de querelles intestines déballées dans les médias, le club a eu la bonne idée (et la chance) de faire signer Jean-Louis Borg au poste d’entraîneur, avec pour mission de remonter immédiatement. Mission périlleuse, mais accomplie. Première saison en élite ? 9e, aux portes des playoffs. Deuxième saison (en ce moment) ? Moins d’argent dans les caisses, mais peut-être un meilleur résultat, une place dans le top 8 national. A ce jour, le bilan est… Excellent.
Beaucoup de dirigeants s’empresseraient de prolonger le contrat d’un entraîneur qui réussit aussi bien avec si peu de moyens
La stabilité, ça paye
Beaucoup de dirigeants s’empresseraient d’ailleurs de prolonger le contrat (même juteux) d’un entraîneur qui réussit aussi bien avec si peu de moyens… Mais pour Michel Renault, rien n’est encore sûr : « On n’a pas encore discuté avec Jean-Louis Borg. Mais on sait qu’il souhaiterait pouvoir disposer d’une masse salariale supérieure. En tout cas, il nous faut un vrai shooteur à trois-points. On n’a pas encore commencé à prospecter. C’est à l’entraîneur de décider. Je ne vais pas le faire, je ne suis pas comme Jean-Michel Aulas. »
Même si la porte n’est pas fermée, ces propos ne traduisent pas vraiment une envie débordante de prolonger le contrat de Jean-Louis Borg… Alors que c’est pourtant ce qui semble le plus souhaitable pour un club qui n’a jamais connu de véritable stabilité depuis le départ de Chris Singleton en 2001. Sauf bien sûr si les finances du club ne le permettent pas…
Au lieu de se chercher des poux en interne, la JDA ne devrait-elle pas tout miser sur ses acquis (trois belles saisons consécutives, avec un effectif stable et des jeunes prometteurs) pour continuer à progresser ? Les derniers clubs ayant décroché un titre de champion de France l’ont fait avec des groupes stables à long terme (Nancy, Cholet, Chalon).
En critiquant certains de ses joueurs, et en minimisant le bilan d’un entraîneur qui tire pourtant le meilleur d’un groupe réduit dans des conditions financières délicates, le président Renault prend le risque de devoir cet été, de nouveau, tout reconstruire. C’est évidemment son droit le plus absolu. Mais ce serait un beau gâchis, vous ne trouvez pas ?