31 Mar

La centrale EDF de la Mer de Glace produit de l’électricité pour 50.000 personnes

A 1.560 mètres d’altitude, au pied du Mont-Blanc, des ouvriers s’activent dans de longues galeries creusées dans la roche, débouchant sur une immense cavité glaciaire. La centrale EDF de la Mer de Glace y produit de l’électricité avec l’eau de fonte du plus grand glacier de France. 

© Jean-Pierre Clatot

© Jean-Pierre Clatot

Pour accéder au site, il faut monter à bord du téléphérique EDF des Bois, un hameau de Chamonix où la Mer de Glace descendait encore au début du XIXe siècle. Elle est désormais cachée derrière la montagne, la glace ayant reculé d’un peu plus de 2 kilomètres depuis 1850.

A la gare d’arrivée sur la falaise, débute une série de galeries creusées dans le granit puis un escalier abrupt de 320 marches. On accède alors à 1.490 mètres d’altitude à l’endroit où les ingénieurs d’EDF avaient aménagé leur première « prise d’eau » en 1973 pour capter le torrent sous-glaciaire qui va permettre de produire l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de 50.000 personnes. « Soit une ville comme Annecy », souligne Cyrille Perier, directeur du groupement d’exploitation hydraulique Savoie-Mont-Blanc.

© Jean-Pierre Clatot

© Jean-Pierre Clatot

Mais en 2009, le recul du glacier sous l’effet du réchauffement climatique a laissé ce captage à l’air libre. Des rochers sont tombés dessus, bouchant la prise d’eau.

Heureusement, EDF avait pris les devants en reculant son captage un peu plus haut sous la glace. Et depuis 2011, une nouvelle galerie de 1,1km va chercher l’eau glaciaire encore plus en amont, presque à l’aplomb de la gare du Montenvers. Ce site touristique, accessible par un train à crémaillère, attire chaque année des centaines de milliers de curieux venus faire quelques pas sur le glacier.

Cavité glaciaire

Sous leurs pieds, et sous cent mètres de glace, des ouvriers équipés de lampes frontales fignolent les travaux de maintenance hivernale de la centrale, qui fonctionne à plein régime de mai à novembre, pendant la période de fonte. Michel Arizzi, guide de haute montagne au visage buriné par le vent, asperge la glace turquoise d’eau chaude pour éviter que la cavité ne se referme. « La glace avance de 20 centimètres par jour, on doit toujours entretenir », explique-t-il. 

L’eau de fonte, qui jaillit de la glace en jets puissants, est canalisée dans une galerie d’environ 3km de long et vient s’engouffrer dans un puit blindé de 300 m de haut, avant d’être turbinée dans une centrale nichée dans la montagne. L’ensemble de l’aménagement est presque invisible depuis la vallée.

Lancées à 290km/h, les eaux du glacier chargées de sable (1.000 tonnes par jour) mettent la turbine à rude épreuve: revêtue de céramique pour éviter l’abrasion, celle-ci doit malgré tout être changée deux fois par an. « C’est la turbine qu’on change le plus souvent en France », sourit François-Régis Chevreau, responsable de la centrale.

L’an dernier, la Mer de Glace a encore perdu trois mètres d’épaisseur, selon les mesures des chercheurs du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE) de Grenoble. Ils estiment que le front du glacier devrait encore reculer de 1,2km d’ici à 2040, avec une marge d’erreur de plus ou moins 200 mètres. Le captage d’EDF se retrouverait alors à nouveau à l’air libre. « On suit l’évolution du glacier, on va s’adapter », promet Cyrille Perier. « On a encore de belles années de production devant nous », espère François-Régis Chevreau.

08 Mar

L’hiver le plus chaud depuis 1900 où la neige a tardé à apparaître

Pas de vague de froid, des températures moyennes qui ont battu des records de douceur: l’hiver 2015-2016 en France a été le plus chaud depuis le début du 20e siècle, selon Météo-France.


Hiver le plus doux depuis 1900

Selon Météo France, qui se base sur les température enregistrées en décembre, janvier et février, la température moyenne sur ces trois mois a été de 8°C, soit 2,6°C au-dessus de la normale, un écart énorme qui place cet hiver loin devant les précédents records.

« Cette valeur place l’hiver 2015-2016 au 1er rang des hivers les plus doux depuis le début des mesures », au début du 20e siècle, écrit l’organisme, en relevant que le pays n’a pas « connu de vague de froid ni de véritables conditions hivernales » cette année et qu’aucune région « n’a été épargnée » par la douceur.

En France, décembre, encore plus anormalement chaud (+3,9°C au dessus de la normale) a « largement » contribué au record trimestriel. C’est le dernier mois de l’année le plus chaud depuis le début des relevés, et des records ont été enregistrés dans plusieurs villes.

Bilan, 2015-2016 arrive « loin devant » 1989-1990 (+2°C) et 2006-2007 et 2013-2014 (+1,8°C). 

   >>> Consultez le bilan climatique

Récit Denis Vigneu-Dugué


Hiver le plus doux depuis 1900

Un réchauffement climatique?

Il n’est pas possible d’amputer avec certitude cette clémence au réchauffement de la planète, car la variabilité naturelle du climat, qui peut être de plusieurs degrés d’une année sur l’autre, est le facteur déterminant, expliquent les spécialistes. Mais le changement climatique favorise des hivers doux plus fréquents en Europe du Nord, soulignent les climatologues.

Rares gelées, faibles pluies, neige tardive

Bel indicateur de la douceur des mois passés: des gelées « peu fréquentes en plaine », souvent deux fois moins que la normale. Côté ensoleillement et précipitations, les situations sont très variables dans l’Hexagone. La pluviométrie a toutefois été déficitaire en Rhône-Alpes par rapport à d’habitude. 

Sur les massifs, la neige a tardé à apparaître. Des chutes ont ensuite été enregistrées en février, mais « l’enneigement n’a retrouvé des valeurs conformes qu’en altitude, au-dessus de 1.400 mètres », note Météo-France.

Le bilan de l’ensoleillement est très contrasté. Mais il a été excédentaire sur une bonne partie de l’Hexagone.

11 Fév

Les lacs d’altitude, ces « sentinelles » de l’environnement

En novembre dernier, les membres du réseau « Lacs sentinelles » se sont réunis au séminaire annuel de Bourg-d’Oisans (Isère). L’occasion d’échanges entre chercheurs, gestionnaires d’espaces protégés et des milieux aquatiques concernés par ces lacs d’altitude. 

© Capture film "Lacs sentinelles " de Claude Andrieux (Nomade prod)

© Capture film « Lacs sentinelles  » de Claude Andrieux (Nomade prod)

En raison de leur position dans le paysage, les lacs d’altitude jouent souvent un rôle de vigie. Ils sont « les témoins » des bouleversements de la biodiversité, du changement climatique ou encore de l’impact des pollutions. Du Nord au Sud des Alpes et jusqu’en Corse, les observateurs de ces « lacs sentinelles » réalisent des suivis et des études. Et ne manquent pas d’exemples. 

Prenons le cas de La Muzelle, dans le Parc National des Ecrins. En 2008, les scientifiques ont commencé à s’intéresser à ce lac glaciaire situé à 2.105 m. Sous l’eau, ils se sont alors aperçus que la vie disparaissait peu à peu. 

Marie-Elodie Perga, biologiste à l’INRA, explique: « Depuis 15 ans, c’est un lac qu’on appelle « dysfonctionnel », c’est à dire que c’est un lac qui a un fonctionnement extrêmement perturbé avec peu de production de poissons, avec une désoxygénation. On se demande comment un lac, qui peut paraître aussi beau, peut être aussi peu fonctionnel quand on gratte un peu toutes les données scientifiques. »

Reportage Céline Aubert et Dominique Semet


Les lacs d’altitude « perturbés »

Le lac d’altitude, un puits de science

« Ces lacs sont intéressants à suivre car ils enregistrent tout ce qui se fait dans l’atmosphère », justifie Carole Birck, Coordinatrice scientifique d’ASTERS, « mais aussi toutes les pratiques autour, que ce soit la pêche, le pastoralisme… notamment via l’eau qu’on peut analyser ou encore les sédiments au fond des lacs qui représentent des archives de l’environnement. »

Ce rendez-vous annuel du réseau « Lacs sentinelles » ne prend pas uniquement la forme d’un séminaire, une balade en montagne est aussi au programme dans le Parc des Ecrins.

A l’occasion des Rencontres « Montagne & Sciences », qui se déroulent en parallèle en Isère, des chercheurs viendront aussi présenter leur travail au foyer municipal de Bourg-d’Oisans ce mardi 10 novembre. 

La Mer de Glace a perdu plus de trois mètres d’épaisseur

La Mer de Glace, le plus grand glacier français, sur le Mont-Blanc, a perdu plus de trois mètres d’épaisseur lors de l’année écoulée, soit trois fois plus que lors d’une année ordinaire, selon les mesures du laboratoire de glaciologie de Grenoble.

© Céline Aubert

© Céline Aubert

D’octobre 2014 à octobre 2015, cet énorme glacier de 32km2 a perdu 3,61 mètres de glace en moyenne sur l’ensemble de sa surface, selon Christian Vincent, ingénieur de recherche au Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE).

Depuis trente ans, ce glacier perd en moyenne un mètre d’épaisseur par an sous l’effet du réchauffement climatique. Il n’y a qu’en 1995 et en 2001 qu’il a gagné quelques centimètres.

La fonte de l’année écoulée est similaire aux pertes d’épaisseur enregistrées lors des années 2003 et 2009: la Mer de Glace avait alors déjà perdu plus de trois mètres d’épaisseur.

Reportage


Impact réchauffement sur le Pays du Mont-Blanc

Lors des trente dernières années, c’est surtout la fonte estivale qui explique le recul du glacier. Les chaleurs caniculaires de l’été dernier ont ainsi fortement contribué au rétrécissement du glacier. Mais son recul s’explique aussi par la faiblesse des précipitations entre octobre et mai: « l’accumulation de neige a été faible », souligne Christian Vincent.

Les glaciologues calculent une variation d’épaisseur moyenne sur l’ensemble du glacier mais celui-ci perd beaucoup plus de glace sur sa langue terminale qu’à sa source (à environ 4.000 mètres d’altitude), où la fonte est quasiment inexistante.

Les glaciologues ont aussi mesuré une perte d’épaisseur de 3,31 mètre de glace lors de l’année écoulée sur le glacier de Saint-Sorlin, dans le massif des Grandes Rousses en Savoie.

« C’est un énorme déficit. Il est global sur l’ensemble des glaciers des Alpes françaises », a commenté M. Vincent.

Selon une étude réalisée en 2007 par le LGGE, le glacier de Saint-Sorlin devrait avoir pratiquement disparu en 2060 en cas de réchauffement climatique de +1,8°C d’ici 2100, ce qui laisse augurer d’une destinée analogue pour l’ensemble des petits glaciers des Alpes situés à basse ou moyenne altitude.

« En prenant un scénario climatique moyen, les glaciers qui culminent en-dessous de 3.500 mètres devraient disparaître avant 2100 », résume Christian Vincent.